Le week-end qui vient de s’achever a été politiquement riche. Revenu dans son pays, le 17 juin 2021, après l’épreuve judiciaire à la Cpi, Laurent Gbagbo a jugé bon de se rendre à Daoukro pour »saluer de vive voix » son »aîné » Henri Konan Bédié. L’ancien président de la République (1993-1999) n’a pas lésiné sur les moyens pour rendre agréable la visite de celui qui fut un temps, son rival et opposant politiques. Mobilisation des populations, accueil faste, dons, honneurs, joie, haute sécurité, grosses cylindrées, pique-nique champêtre, déjeuner copieux arrosé de vins divers, séance de travail, déclaration commune… Bédié a simplement cassé la baraque.
Depuis, cette entrevue entre les deux principaux opposants au régime du président Alassane Ouattara fait l’objet de tous les commentaires. Des plus plus optimistes aux pessimistes, des plus irrévérencieux aux plus tendancieux. Vu du côté du pouvoir, cette rencontre des frères ennemis d’hier qui jurent aujourd’hui de réconcilier les Ivoiriens, est vilipendée, travestie, dénigrée. Elle récolte tous les superlatifs incommodants.
Pourtant dans son contenu comme dans son déroulé, la visite fraternelle de Gbagbo à Bédié n’a rien d’offensant pour Alassane Ouattara. Les mots du président Gbagbo dans les échanges de nouvelles pour camper selon sa conception des choses, la situation sociopolitique de son pays en faisant allusion à la gestion de la démocratie par le régime actuel sans citer Ouattara en personne, n’est qu’une mise en relief de ce que l’on sait déjà. Les événements de Daoukro en 2020, en pleine contestation du 3e mandat de Ouattara sont rentrés dans les annales de notre histoire politique. L’opinion le sait, le monde entier le sait. Rappeler ces faits ou les évoquer pour les mettre au goût du jour n’a rien d’insultant, ni d’offensant. Les faits restent têtus quels que soient l’ordre et les circonstances de leur évocation.
Ce qu’il est bon de retenir, c’est l’engagement pris par ces deux ténors de la politique ivoirienne de travailler à la réconciliation du peuple ivoirien. Ils ont été les moteurs de la division et des haines parsemées ici et là. Il est donc heureux que dans leur âge de sagesse qu’ils prennent un tel engagement. On notera dans les discours des deux personnalités la bonne disposition d’esprit à œuvrer à cette nécessaire réconciliation. »Le président Laurent Gbagbo, encore une fois, tient à vous assurer qu’il est avec vous pour la réconciliation des Ivoiriens. Un défi que vous vous devez de relever ensemble », dit Gbagbo par la voix de Hubert Oulaï. »Nous continuerons à approfondir les contours de ce projet de réconciliation pour le présenter à la nation toute entière, dans l’intérêt de tous » ou encore »Cette réconciliation se fera par une volonté forte du chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara, de tous les acteurs politiques dont nous-mêmes », profession de foi de Henri Konan Bédié.
De ce qui a été dit et fait à Daoukro, rien n’exclut Ouattara. Bédié et Gbagbo bien que manifestant cet ardent désir, n’ont pas encore échafaudé une alliance politique du type Rhdp qui a fait des émules entre Bédié, Ouattara, Mabri et Anaky. Pour l’instant, les deux partis Pdci et Fpi ne veulent rien précipiter. Ils ont conscience que sans réconciliation, sans véritable entente sur ce qui doit faire le ferment de la nouvelle nation ivoirienne, tout projet politique dans la division des cœurs et dans la haine gratuite est voué à l’échec. Ils veulent donc commencer par la réconciliation. Cela ne contrarie en rien Alassane Ouattara qui en fait du reste, lui aussi, son cheval de bataille après avoir rompu avec ses principaux alliés d’alors. D’ailleurs, il maintient un contact a minima avec son ancien allié Henri Konan Bédié, en attendant Gbagbo. Il croit même encore que celui-ci va faire volte-face et revenir au Rhdp. Patrick Achi est son minci dominici. Le Premier ministre ne s’était-il pas rendu à Daoukro début juin, en mission pour Alassane Ouattara sous la déclinaison de présentation de ses condoléances suite au décès du chargé de missions de Bédié, feu Konan Henri ?
L’on devrait donc regarder les choses avec froideur et circonspection. La rencontre de Daoukro n’était pas pour isoler Ouattara. Bien au contraire, un message à l’apaisement des cœurs lui a été lancé pour achever ce qu’il a si bien commencé, la réconciliation. Il n’a été question de se mettre à deux pour combattre Ouattara. Ceci, adviendrait, si et seulement si, par orgueil, Alassane Ouattara écoutait les thuriféraires de son camp, les Bictogo and co qui ont d’ailleurs déjà commencé le travail de sape. Bictogo qui déclare, selon une alerte de l’Intelligent d’Abidjan, que toutes les institutions de la République sont en place et fonctionnent bien et que le pays n’a pas besoin de dialogue national.
Assurément, c’est ce genre de discours qui amènera le Pdci et le Fpi à penser qu’il n’y a pas de volonté de réconciliation en face et que l’alternative sera la mise sur pied d’une alliance politique formelle.
SD, de retour de Daoukro
sdebailly@yahoo.fr
Discours du président Bédié à Bédiékro
Appel à un dialogue national
Monsieur le Président,
Après les mots choisis, empreints de respect que vous avez bien voulu m’adresser, je voudrais en retour, vous exprimer la grande émotion que je ressens en cet instant.
Moins d’un mois seulement après votre retour définitif pour retrouver votre terre natale et tous vos proches, vous me faîtes l’infini honneur de me rendre une visite fraternelle à Daoukro.
Le Psalmiste dit dans le cantique bien connu : ceux qui sèment avec des larmes moissonneront avec allégresse. Alors ils diront : l’Éternel a fait pour nous de grandes choses et nous sommes dans la joie.
Monsieur le Président, l’Éternel a fait pour vous de grandes choses et nous sommes avec vous dans la joie.
Aujourd’hui, c’est le jour que le Tout Puissant a choisi pour nous tous, pour marquer un tournant historique, un jour nouveau pour notre pays pour chanter ensemble un cantique nouveau, le chant de la fraternité retrouvée, pour bâtir ensemble une Côte d’Ivoire nouvelle.
Votre visite ici à Daoukro, cher frère, est pour moi-même, mon épouse, ma famille, les populations de l’IFFOU et pour la Côte d’Ivoire toute entière, un moment particulier et exceptionnel.
Tous les ivoiriens sont heureux, avec moi, de voir un illustre fils de la patrie rentrer libre à la maison, vivre le reste de son âge, le reste de sa vie parmi les siens.
Monsieur le Président, vous avez été courageux et vous avez gardé la FOI en la Côte d’Ivoire, votre pays, notre pays.
Vos rêves pour la démocratie, pour la liberté des peuples, pour l’unité de toutes les filles et tous les fils de notre patrie, pour le bonheur de vos compatriotes vous ont certainement soutenu pendant ces années de combat pour la vérité.
La vérité, elle n’est pas toujours bonne à dire, mais elle finit toujours par triompher devant l’Histoire. Elle l’a toujours fait pour toutes les nations.
Monsieur le Président, c’est cette même FOI qui m’avait permis aussi pendant mon exil forcé en France et me permet encore aujourd’hui avec tous les ivoiriens et toutes les ivoiriennes de tenir, de supporter toutes nos douleurs et nos souffrances depuis ces si longues années.
Notre pays, comme vous le savez, depuis plus d’une vingtaine d’années et suite à un coup d’État instrumentalisé et injustifié, a pris le chemin de la destruction de ses fondements.
En témoigne l’État actuel de la Nation dont le diagnostic, connu de tous nos compatriotes, a été clairement établi par le comité paritaire que nous avons récemment mis en place.
Monsieur le Président et cher frère, vous comprenez donc pourquoi votre visite ici à Daoukro marque un tournant important, décisif pour l’avenir de notre nation, de notre mère patrie que nous aimons tous.
Notre responsabilité commune devant l’Histoire est grande.
La plus grande expression d’amour que nous pouvons offrir à notre pays aujourd’hui même et aux générations futures, passe absolument par l’oubli de toutes nos peines et nos souffrances. Les leçons tirées avec courage de nos incompréhensions passées doivent être de puissants leviers pour construire une paix durable au bénéfice du bonheur de Chacun et du progrès pour Tous.
Nous devons donc engager sans tarder un grand projet de reconstruction de notre pays ; un projet pour une Côte d’Ivoire Réconciliée, Unie et Prospère.
Ce Grand Projet passe nécessairement par la mise en œuvre d’un projet de réconciliation vraie entre les ivoiriens à travers un Dialogue national inclusif dont le pays ne peut se faire l’économie.
Nous continuerons à approfondir les contours de ce projet de réconciliation pour le présenter à la Nation toute entière, dans l’intérêt de tous.
Monsieur le Président, comme vous, ma FOI en la Côte d’Ivoire fraternelle n’a jamais failli malgré nos douleurs, nos souffrances du passé.
Avec vous, avec toutes les ivoiriennes et tous les ivoiriens, je veux m’engager pleinement pour redresser notre nation.
Mon ambition pour la Côte d’Ivoire est très grande ; je veux apporter toutes mes forces, les forces qui me restent, à la réconciliation vraie dans mon pays.
Avec vous, nous voulons laisser aux générations de la Côte d’Ivoire de demain nos rêves de tous jours, un pays riche de sa diversité, un pays où toutes les populations vivent harmonieusement en paix.
Cette réconciliation se fera par une volonté forte du Chef de l’État, Alassane Dramane OUATTARA, de tous les acteurs politiques dont nous-mêmes, mais aussi et surtout avec l’implication de tous nos compatriotes et tous nos partenaires au développement.
La mise en place d’un nouveau projet démocratique dans notre pays, dénué de tous intérêts partisans, par un dialogue franc et sincère seront les clefs du succès.
J’y crois de tout mon cœur et nous pouvons y arriver ensemble Monsieur le Président.
Je vous donne toute ma confiance pour réaliser notre rêve ensemble.
Oui, nous le pouvons pour la Côte d’Ivoire.
Dieu bénisse toutes les familles et tous les habitants de notre cher Pays !
Dieu bénisse la Côte d’Ivoire !
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