Le Tribunal de Bouna indexe un réseau d’exploitants et de trafiquants de personnes et d’enfants
Nikiema Olivier, 29 ans chauffeur d’un car de la compagnie de
transport ZDT basé à Yakasse Attobrou, peine en ce jour du
mercredi 30 juin 2021, à convaincre le juge du Tribunal de
Bouna de ne pas être membre d’un vaste réseau de trafiquants
de personnes et d’enfants. Pis encore, il n’arrive pas à
expliquer pourquoi le 26 mai dernier, il y avait une dizaine de
mineurs non accompagnés en provenance du Burkina Faso
dans son véhicule de transport. Aussi, pourquoi, sa quarantaine
de passagers, tous d’origine du même pays, ont dû débourser
la coquette somme de 20.000 F pour la destination « Doropo-
Akasse Attobrou » alors que d’ordinaire le coût du transport
n’excède pas les 10.000 F. Autant de préoccupations qui
laissent perplexe l’honorable Gbanhe Kohou Frédéric,
Président de la Section de Tribunal de Bouna et M. Damoi
Edgar, Substitut résident près la Section de Tribunal de Bouna.
Tout comme Nikiema Olivier, Ouédraogo Souleymane, Sanfo
Boukari, Kindo Dramane, Sawadogo Mamadi, Zallé Zakaria,
Zallé Souleymane, Oueda Adama, Kayorgo Issoufou et
Kayorgo Adama comparaissent devant le tribunal pénal de
Bouna pour les faits de trafic illicite de migrants, traite des
enfants, traite de personnes, infraction à la loi sur l’état
d’urgence et mise en danger de la vie d’autrui. A leurs côtés,
comparaissent également près d’une vingtaine de migrants
rentrés clandestinement en Côte d’Ivoire de la même origine
par des voies détournées qui eux sont jugés pour les deux
chefs d’accusations que sont la violation de la loi sur l’état
d’urgence et la mise en danger de la vie d’autrui.
Flashback sur les faits
En effet, les 27 avril et 26 mai, des patrouilles mixtes des
éléments de la Gendarmerie et de la Police Nationale ont
intercepté deux (02) véhicules convoyant trente et un (31)
enfants burkinabé vers la zone forestière. Ces enfants dont
l’âge variaient entre 14 et 17 ans, étaient convoyés dans des
plantations à Adzopé. Ces deux (02) véhicules appartenant
curieusement à la même compagnie de transport dénommée :
« ZDT », ont été interceptés à un mois d’intervalle, au poste de
contrôle mixte de Doropo II, à l’entrée de la ville de Bouna. Les
enfants interceptés ont été reconduits dans leur pays d’origine
quand trente (30) personnes suspectes à savoir dix (10)
employés de la compagnie ZDT et vingt (20) immigrés
clandestins ont été mis aux arrêts.
10 ans d’emprisonnement pour les mis en cause
Ce mercredi 30 juin 2021, après un marathon de près de quatre
(04) heures de procès la trentaine de prévenus a été située sur
son sort. En effet, après avoir écouté les arguments les mis en
cause le Substitut du Procureur près la Section de Tribunal de
Bouna, M. Damoi Edgar a requis pour les dix (10) employés de
la compagnie ZDT, une peine d’emprisonnement de dix (10)
ans de prison ferme assorties d’une amende de cinq (05)
millions F CFA et de dix (10) ans d’interdiction de séjour sur le
territoire ivoirien. Le procureur a également requis le retrait de
la licence de transport à la compagnie ZDT. Pour les vingt (20)
migrants clandestins, le Procureur a requis des peines
d’emprisonnement de un (01) à deux (02) mois de prison puis
de leur expulsion à la frontière de la Côte d’Ivoire à leur propre
frais. Pour M. Damoi Edgar, ces peines sont justifiées en ce
sens que les dix (10) prévenus employés de la compagnie de
transport ZDT font partie d’une organisation tentaculaire bien
huilée qui d’étend depuis le Burkina Faso à la Côte d’Ivoire.
Etant donc des maillons de cette organisation, ce qui explique
qu’ils n’ont pas été alertés par l’extrême jeunesse de certains
de leur passager. A ce titre, il a démontré par le menu que ces
personnes sont coupables des délits de trafic de personnes, de
traite de personnes et de travail des enfants. Selon ce dernier,
ces faits sont prévus et punis par les articles 1, 2, 3, 4, 6, 10,
12, 13, 15, 16 et 18 de la loi numéro 2018-571 du 13/06/2018
relative à la lutte contre le trafic illicite de migrants, les articles
1, 2, 3, 18 alinéa, 1, 19, 32, 35, 36, 37, 38 et 39 de la loi
numéro 2010-272 du 03/09/2010 portant interdiction de la traite
et des pires formes de travail des enfants, le décret
numéro2014 portant modalités d’application de la loi numéro
2010-272 du 30 septembre 2010 portant interdiction de la traite
et des pires formes de travail des enfants, 4 et 8 de la loi du 07
novembre 1959 relative à l’état d’urgence et les articles 1, 2, 3,
4, 9 et 11 de la loi numéro 2019-1111 du 08 à la lutte contre la
traite des personnes.
Maître Touré Zakaria, l’avocat de la défense des dix (10)
employés de la compagnie ZDT a quant à lui, estimé que les
accusations portées contre ses clients sont sans fondements
juridiques. A cet effet, il estime que le Tribunal n’a pas pu
démontrer avec exactitude que ces derniers sont des maillons
d’une organisation. Aussi, pour les accusations de traite et de
trafic de personne, il a estimé que ses clients n’ont pas franchi
la frontière ivoirienne vu que la gare de la compagnie ZDT est
située à Doropo. Aussi, il a demandé que ses clients soient
relaxés purement et simplement pour délits non constitués.
Après avoir écouté les deux partis, l’honorable Gbanhe Kohou
Frédéric, Président de la Section de Tribunal de Bouna a
tranché. Dix (10) ans d’emprisonnement pour les mis en cause
pour les faits de trafic et traite de personne et un à deux (02)
mois pour les migrants.
Après ce procès Me Touré Zakaria a estimé que cette décision
de justice est contraire à sa plaidoirie. « C’est contraire à ce
que j’avais plaidé. Je ne peux pas être satisfait d’une telle
décision. Je pense qu’elle est plus guidée par le sensationnel
que le Droit », a-t-il laissé entendre en promettant de faire appel
pour que le procès se déroule devant la cour d’appel d’Abidjan.
M. Damoi Edgar, Substitut résident du Procureur près la
Section de Tribunal de Bouna a exprimé un satisfecit suite à
cette décision. Pour ce dernier, l’heure est désormais à la
répression des personnes fautives de faits de trafic, traite et de
travail des enfants. « Aujourd’hui comme vous pouvez le
constater, nous sommes de plain-pied dans la phase de la
répression ; et ce, conformément aux instructions de la
chancellerie ; et je pense que le procès de ce matin en est la
preuve éloquente. Nos populations doivent comprendre
définitivement que la place de nos enfants se trouve à l’école et
non dans les champs, les carrières ou sur les sites d’orpaillage.
L’Etat de Côte d’Ivoire l’a si bien compris qu’il a rendu l’école
gratuite et obligatoire pour tous les enfants jusqu’à l’âge de
seize (16) ans. Notre économie repose sur l’agriculture, nous
devons donc faire en sorte que les produits issus de cette
agriculture, notamment le cacao et le café, ne soient jamais le
fruit du travail des enfants. C’est en cela que nous aurons une
économie saine, répondant aux normes de qualité et aux
standards internationaux. En le faisant, nous sauvons notre
économie et partant nos enfants », a-t-il expliqué.
Le ton est donc donné et la Justice ivoirienne entend désormais
prendre toute sa place dans le processus de lutte contre la
traite et les pires formes de travail des enfants.
M. Damoi Edgar, Substitut résident près la Section de Tribunal de Bouna :
« C’est désormais la tolérance zéro pour tous ceux qui commettent des infractions liées à la traite des personnes et des enfants »
Propos liminaire
Mesdames et Messieurs ; Comme vous venez de le constater, une audience viens de se tenir ; audience au cours de laquelle dix (10) prévenus ont été condamnés à la peine exemplaire de dix (10) ans d’emprisonnement ferme et à cinq millions (5 000 000) de F CFA d’amende chacun pour traite des personnes et des enfants. Mais je dois dire que ce procès est l’aboutissement d’un travail qui remonte à plusieurs années en arrière.
Il y a de cela une décennie que le gouvernement Ivoirien à travers le Ministère de la justice et des droits de L’Homme a fait de la lutte contre la traite des personnes et des enfants son cheval de bataille. Pour ce faire plusieurs textes de lois ont été pris. Il s’agit essentiellement des lois : N° 2010-272 du 30 septembre 2010 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants ; N° 2016-1111 du 08 décembre 2016 relative à la lutte contre la traite des personnes ; et N° 2018 – 571 du 13 juin 2018 relative à la lutte contre le trafic illicite de migrants. Le code pénal reformé de 2019 en ses articles 433, 441, 442 et 443 incrimine les travaux dangereux pour les enfants et la réduction d’autrui à l’esclavage.
Voici donc le riche vivier de textes de lois qui a été mis à la disposition des Magistrats pour leur permettre de réprimer sans complaisance les actes de traite des personnes et des enfants. A côté de ces textes, des action concrètes de surveillance et de sensibilisation sont menées sur le terrain, à travers notamment le Comité National de surveillance des actions de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants, mis en place par le Décret N°2011-366 du 03 novembre 2016 ; Comité au sein duquel est représenté le Ministère de la Justice et des droits de l’Homme ; Des Organisations Non Gouvernementales comme CHILDREN OF AFRICA, ont également fait de la lutte contre l’exploitation abusive des enfants leur credo. Cette phase de sensibilisation a consisté non seulement à attirer l’attention des populations sur l’ampleur du phénomène de la traite des personnes et des enfants, mais aussi et surtout sur les graves peines encourues pour quiconque s’ordonnerait à ces actes Fort de tout ce qui précède, en 2019, le Ministère de la Justice et des droits de l’Homme a produit une circulaire à l’attention de tous les parquets près les Tribunaux de première Instance et leurs sections détachées, pour les inviter à l’application diligente des textes de lois incriminant les actes de traite des personnes et des enfants.
Aujourd’hui comme vous pouvez le constater, nous sommes de plain-pied dans la phase de la répression ; et ce, conformément aux instructions de la chancellerie ; et je pense que le procès de ce matin en est la preuve éloquente. Nos populations doivent comprendre définitivement que la place de nos enfants se trouve à l’école et non dans les champs, les carrières ou sur les sites d’orpaillage. L’Etat de Côte d’Ivoire l’a si bien compris qu’il a rendu l’école gratuite et obligatoire pour tous les enfants jusqu’à l’âge de seize (16) ans. Notre économie repose sur l’agriculture, nous devons donc faire en sorte que les produits issus de cette agriculture, notamment le cacao et le café, ne soient jamais le fruit du travail des enfants. C’est en cela que nous aurons une économie saine, répondant aux normes de qualité et aux standards internationaux. En le faisant, nous sauvons notre économie et partant nos enfants.
Pour terminer, je voudrais souligner que les procès de ce genre, il y en a déjà eu à Abidjan, à Abengourou et à Soubré. Aujourd’hui c’est à Bouna. Il en sera ainsi dans toutes les juridictions de Côte d’Ivoire où les actes de traite de personnes et d’enfants seront constatés ; car conformément à la vision de la chancellerie, c’est désormais la tolérance zéro pour tous ceux qui commettent des infractions liées à la traite des personnes et des enfants.
Dix (10) personnes viennent d’être condamnées. Comment expliquez-vous que ces personnes n’aient pas pu dénoncer de complices ?
Nous ne disposons pas de méthodes de torture pour obliger quelqu’un à parler. Si un mis en cause refuse de parler, nous n’avons pas d’autres méthodes que d’insister. Nous ne pouvons pas faire autrement s’il refuse de parler. Mais, je pense que dix (10) personnes condamnées, c’est bien pour un début. Les actions de ce genre vont continuer. C’est aussi pour cela que l’instruction est importante, car au cours de celle-ci, nous arrivons à démanteler des réseaux. D’autres noms ont été cités. Par exemple le propriétaire de la compagnie ZDT dont nous avons l’identité. Je pense que des poursuites seront engagées à son égard très prochainement.
Monsieur le procureur, ma question concerne votre réquisitoire. Le Tribunal vous a suivi. Le sentiment qu’on a c’est de savoir s’il s’agissait de frapper pour donner l’exemple ?
Ni le Procureur, ni le Tribunal n’a la main lourde. C’est la loi qui a la main lourde. S’il y a une main qui est lourde, c’est la main de la loi. Nous n’avons fait qu’appliquer la loi. Et je dois vous dire qu’en la matière, la peine que le Tribunal a bien voulu prononcer est le minimum. Sinon les circonstances dans lesquelles les infractions ont été commises, si le Tribunal retenait le maximum ça aurait été vingt (20) d’emprisonnement et dix (10) millions de franc d’amende. Mais le Tribunal a décidé d’appliquer le minimum et le minimum c’est dix (10) ans d’emprisonnement et cinq (05) millions de Franc d’amende.
Dans votre réquisitoire, vous êtes beaucoup revenu sur l’article 4 qui parle définit le concept de traite des personnes qui prend en compte le recrutement, le transport, le transfert et l’hébergement des personnes. Je voudrais savoir si ces éléments sont cumulatifs ou il faut les prendre individuellement ?
Nous l’avons souligné lors de notre réquisitoire. La défense a voulu faire croire à l’auditoire que c’était des conditions cumulatives. Mais nous avons vite fait relever que ce sont des conditions alternatives. Et que quand une seule des conditions est remplie, pourvu que sa vise l’exploitation des personnes, l’’infraction est alors constituée.
A la suite de votre réquisitoire, l’avocat de la défense a tenté de mettre en mal votre argumentaire. Il a notamment mis en cause les investigations qui selon lui, n’ont pas été faites. Il a notamment incriminé sinon interpelé sur le comportement des forces de sécurité parce que pour lui, toutes les personnes qui étaient à la barre aujourd’hui, n’auraient pas pu être là si ce n’était pas avec la complicité des forces de sécurité. Qu’avez-vous à répondre à cela ?
Heureusement ou malheureusement ce n’est pas le procès des forces de sécurité. Et donc ceux qui étaient devant nous n’étaient pas des éléments des forces de sécurité. Le jour où nous serons convaincus que les forces de sécurité s’adonnent à ce genre de pratique, ils seront traduits devant le Tribunal et la loi va s’appliquer. Pour revenir au fait que la défense a mis en mal le réquisitoire du parquet, vous avez la décision de justice qui a été donnée. Est-ce qu’on peut dire que la défense a mis en mal le parquet si nous avons été suivi dans notre réquisition par le Tribunal ? Je me pose la question avec vous. Si c’était le cas, peut-être que la défense aurait pu obtenir la relaxe.
Est-ce que la zone de Bouna est une zone endogène concernant le trafic des enfants ? S’agit-il d’une nouvelle zone ou c’est une zone qui existait au niveau du trafic des enfants ?
Surement que ça existait. Je vous ai dit tantôt que nous avons mis beaucoup de temps à faire la sensibilisation. Par le passé, surement que ces genres de faits ont été constatés, mais on s’est contenté de sensibiliser. Et maintenant, nous passons à la phase de la répression. Donc, certainement que cette zone est une zone qui connait ce phénomène depuis longtemps. Mais c’est maintenant que nous avons décidé de plain-pied dans la répression. Comme je l’ai dit tantôt nous avons passé beaucoup de temps à la sensibilisation parce que nous avons conscience que Bouna était une plaque tournante du trafic des personnes et des enfants.
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