André Silver Konan se prononce sur le divorce de Gbagbo et Simone : « S’il y a bien un camp qui doit se frotter les mains, c’est bien le pouvoir RHDP »
Alors qu’il ne s’était pas officiellement prononcé depuis le début de l’affaire, André Silver Konan, le journaliste-écrivain, fondateur du journal d’investigation le plus influent du moment, Ivoir’Hebdo, a livré une analyse sur l’affaire du divorce de Laurent et de Simone Gbagbo. Il a comparé le processus avec celui de Nelson Mandela.
A lire.
En fait, jusque-là, je m’étais juste contenté de partager des avis et opinions d’autres personnes, sans donner ma propre position. Ma position personnelle tient en trois points.
Premier point : Laurent Gbagbo est libre de demander le divorce avec Simone Gbagbo. Il a pris cette décision et nous devons la respecter. Simone Gbagbo est libre de ne pas accepter le divorce ou de l’accepter. Elle est libre de rejeter un règlement à l’amiable. Nous devons aussi respecter cela.
Deuxième point : ceux qui commentent cette affaire ont le droit le plus absolu de le faire. Je comprends que certains GOR soient gênés qu’on en parle, qu’ils en aient honte ou qu’ils n’aiment pas l’emballage médiatique autour de celle-ci. Je ne suis pas sûr qu’ils auraient ainsi raisonné s’il s’agissait d’Alassane Ouattara. S’ils ont quelque chose à reprocher à une personne, ce n’est pas à ceux qui commentent l’affaire, mais à Laurent Gbagbo lui-même, qui a autorisé son avocat, Me Claude Mentenon (qui n’est pas n’importe qui au niveau du barreau, vu qu’il a été bâtonnier) à produire un communiqué que le cabinet a pris soin d’envoyer massivement aux médias du monde entier. Cela signifie que Laurent Gbagbo a choisi de médiatiser son divorce. Pour quelle raison, je l’ignore.
Troisième point : en dépit de ce que je respecte la double décision prise par Laurent Gbagbo de saisir la justice ivoirienne (la même justice que des responsables du FPI ont pourfendu quand il s’agissait de Pascal Affi N’Guessan) puis de médiatiser celle-ci ; je ne suis pas d’accord avec la manière choisie pour tourner la page Simone Gbagbo.
Pour étayer ma position, je vais prendre le cas de Nelson Mandela, puisque c’est l’exemple imparfait que certains prennent sur ce sujet. Le 11 février 1990, jour de sa libération, alors qu’il savait déjà qu’il se séparerait de Winnie (une affaire d’infidélité), Mandela n’a pas envoyé d’émissaire à cette dernière, la veille, pour l’empêcher d’être à son accueil. Bien au contraire. Winnie a partagé avec son compagnon de lutte, son moment de gloire. Les images sont restées. Pour l’histoire et pour ce qu’elle a été dans la vie de Mandela. C’était un geste de grandeur de la part d’un homme qui se sentait trahi, blessé.
Ensuite, Mandela n’a pas introduit une demande de divorce quatre jours après sa libération. Il a attendu deux ans pour annoncer leur séparation, en 1992. Leur divorce est intervenu quatre ans plus tard, en 1996. Mandela a attendu encore deux ans, avant de se marier à Graça Machel, veuve d’un ancien Président mozambicain. Cette douce façon de procéder de Nelson Mandela tranche, avouons-le, avec la brutalité avec laquelle le processus de divorce de Laurent Gbagbo est conduit.
A mon avis (et je peux me tromper), tout cela aurait pu se passer autrement. Surtout que la médiatisation de la demande de divorce est venue de Laurent Gbagbo. Ceci est un détail important. En effet, on peut soupçonner une volonté de nuire, d’humilier et cela choque quelque peu ceux qui estiment qu’une manière plus douce aurait pu être utilisée. En Côte d’Ivoire, le mariage coutumier qui précède généralement le mariage civil, unit deux familles. La dot contient aussi le mécanisme de séparation d’un couple. Je pense, qu’un consensus sur les termes du divorce (entendons-nous bien, je ne défends pas le fait qu’ils doivent continuer de vivre ensemble, à 76 ans, Laurent Gbagbo, tout comme Simone qui a soufflé ses 72 ans, a besoin de ne pas avoir de stress en amour) aurait dû être trouvé, par les voies coutumières, avant que cela n’arrive au tribunal. Le tribunal du pouvoir RHDP d’Alassane Ouattara, je répète.
Notez-le aussi très bien. Dans le communiqué de l’avocat, il y a ce détail qui vaut tout son pesant d’or de compréhension : « voie de règlement appropriée à leurs statuts personnel et politique réciproques ». En clair, Laurent Gbagbo ne demande pas seulement un divorce au civil avec Simone, il lui demande aussi le divorce politique. C’est profond…
En définitive, à moins que Laurent Gbagbo ne prouve, dans les jours qui suivent que Simone a fait quelque chose de très grave, qui touche à son honneur et à sa dignité d’homme, je peux attester que cela passera très mal, dans une partie de l’opinion. Et il devra alors en assumer les conséquences politiques. Au demeurant, s’il y a bien un camp qui doit se frotter les mains, c’est bien le pouvoir RHDP. Ce retour chaotique à l’aéroport et le désordre dans la communication de l’ancien chef d’Etat, n’est ni celui de l’enfant prodige, encore moins celui du héros.
J’imagine que le pouvoir n’a pas manqué de multiplier les câbles diplomatiques à l’endroit des chancelleries du monde entier, comme pour dire : « vous voyez, on vous l’avait dit, c’est ainsi qu’il a dirigé le pays et il n’a pas changé ». Et c’est bien dommage pour ces hommes et femmes qui, durant dix ans, ont battu le pavé et espéré retrouver en Laurent Gbagbo, un nouveau Nelson Mandela. Vraiment dommage !
André Silver Konan
Tchai, la vieille ne peut plus bara, il n’a qu’à faire comment?