Bis repetita placent (les choses répétées plaisent), disait Horace, le poète latin de l’Antiquité. La nouvelle manifestation que s’apprête à organiser le sieur Issiaka Diaby pour protester contre le retour de Laurent Gbagbo dans son pays, il n’est pas certain qu’elle réjouisse la majorité des Ivoiriens. Mais cela a-t-il quelqu’importance pour celui qui, dans un passé récent, aurait séjourné à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) pour escroquerie et qui serait originaire du Mali ? Non ! Tout ce qui semble le préoccuper, c’est de plaire aux responsables du Rassemblement des Républicains (RDR), de faire le sale boulot que ce parti lui a confié, à savoir perturber l’arrivée de Laurent Gbagbo à défaut de pouvoir l’empêcher. C’est à dessein que j’utilise ici le verbe “confier” car il faut être naïf pour croire que ce ténébreux personnage, dont les pitreries commencent à agacer sérieusement, agit de son propre chef. Non, Diaby est en mission pour un roi désormais nu, il a le soutien de Ouattara qui, non content d’être un adepte de la duplicité (dire une chose le jour et faire le contraire la nuit), n’a pas encore digéré (et ne digérera peut-être jamais) l’acquittement définitif de Laurent Gbagbo par la Cour pénale internationale (CPI), le 31mars 2021, cet acquittement étant vécu par lui comme un cinglant désaveu.
N’ayant pas le courage de s’opposer à la décision de la CPI et donc aux Occidentaux, les seules personnes qu’il respecte et redoute ici-bas, Ouattara préfère actionner des associations fantoches qui, chose bizarre, ne s’occupent que des victimes d’une religion, d’une région et d’un parti politique. Dans un pays qui honore le Droit et la Justice, le Procureur de la République se serait aussitôt saisi de la question pour faire ce que la loi lui permet de faire en pareille circonstance, les guides religieux et les chefs traditionnels auraient dénoncé ce non-sens qui consiste à faire porter coûte que coûte le chapeau des 3000 morts de la crise post-électorale à une personne que la CPI a déclarée non-coupable au terme d’un procès où, aussi paradoxal que cela paraisse, plusieurs témoins comme Sam l’Africain eurent à pointer un doigt accusateur sur la France. Ailleurs, on aurait demandé que la CPI, après avoir jugé et innocenté Laurent Gbagbo, s’intéresse aussi au camp de Ouattara car il y eut quand même 900 personnes massacrées par ses troupes à Duékoué, au nez et à la barbe des Nations unies, le 28 mars 2011, des hommes et femmes tués par les soldats et chasseurs dozos fidèles à Ouattara à Nahibly, Anonkoua-Kouté, Adébem, Gitrozon, Monokozohi, etc. Ailleurs, on se serait battu pour que justice soit rendue à ces morts et à ceux du 19 septembre 2002. Ailleurs, on aurait rappelé les atrocités commises à Abobo par le Commando invisible d’Ibrahim Coulibaly, un proche de Ouattara, et on aurait interpellé publiquement ceux qui espèrent effacer l’humiliation de l’acquittement en poussant Issiaka Diaby à tenir un discours guerrier et incendiaire. Chez nous, par contre, c’est silence radio, soit parce qu’un ministre de Ouattara est loin d’avoir les coudées franches, soit parce qu’on a choisi le camp de ceux qui ont attaqué le pays et l’ont pris en otage depuis le 19 septembre 2002, soit parce que la réconciliation est le cadet des soucis de ceux qui mangent et boivent avec le régime d’Abidjan.
Alors que l’arrestation et l’emprisonnement de l’opposant russe Alexei Navalny avaient fait sortir Emmanuel Macron de ses gonds, les menaces de Diaby et sa contestation de la décision de la CPI ne posent aucun problème au président français. Celui-ci doit probablement se dire que ça ne fait rien si un Noir se sert d’une arme fabriquée par la France pour trucider un autre Noir. Après le coup d’État militaire validé au Tchad mais condamné au Mali, nous avons ici une autre preuve que les dirigeants français aiment bien faire deux poids, deux mesures et que, pour eux, les Noirs n’ont pas droit à la démocratie, ni ne sont concernés par la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée à Paris le 10 décembre 1948.
Pour le retour annoncé de Laurent Gbagbo sur la terre de ses ancêtres, il faut certes ne rien négliger, demeurer vigilant et se méfier d’un individu qui, en plus d’avoir demandé un embargo sur les médicaments et la fermeture des banques en 2010-2011, dit des choses auxquelles il ne croit point mais je suis de ceux qui pensent que, si l’ancien président a survécu au bombardement de la résidence présidentielle, à la prison de Korhogo et à celle de La Haye, cela veut dire que sa mission sur terre n’est pas encore terminée et que ceux qui profèrent des menaces contre lui ou conseillent qu’il rentre en catimini alors qu’il fut bombardé, humilié, jugé et acquitté publiquement, le font en vain car c’est une nouvelle page de la mission qui s’ouvre pour Laurent Gbagbo, le 17 juin 2021. Cet homme, qui semble rebondir ou se relever au moment où ses adversaires le croient fini ou vaincu, feu Abou Drahamane Sangaré avait prédit à la clôture de la 19è édition de la fête de la liberté à Gagnoa qu’il sortirait de la prison de La Haye parce qu’il n’a rien à voir avec les crimes que certains esprits tordus veulent lui imputer, “parce qu’aucune volonté ou force humaine ne peut arrêter la destinée prophétique d’un homme”. Il avait ajouté, dans ce vibrant hommage, que Gbagbo reviendrait parmi les siens “avec un rameau de paix pour la réconciliation nationale”. Avant Gagnoa, la fête de la liberté eut lieu à Akouré, chez les Akyé, et voici comment Sangaré y décrivait son compagnon de lutte et camarade: “Laurent Gbagbo ne tient jamais de propos malveillants. Il a des idées positives pour autrui. Il a le pardon facile et ne sait pas ce qu’est la rancune. Son cœur n’est habité ni par la rancœur, ni par un quelconque sentiment de haine et de vengeance. Tout semble simple et facile avec lui. Une simplicité et un naturel dont seuls sont capables ceux qui savent qu’ils sont nés pour accomplir un grand destin.”
Le RDR, ses dirigeants, militants et sympathisants ne devraient donc pas craindre le retour de Laurent Gbagbo. Il n’est pas nécessaire qu’ils se fassent peur et mettent inutilement le pays sous tension car celui qui toujours combattit pour la vérité et la justice sans haine ni violence ne vient égorger personne. La chasse aux sorcières ne fait nullement partie de son programme. Il arrive pour apaiser les cœurs meurtris et contribuer à la réconciliation des filles et fils de la Côte d’Ivoire dans la vérité et la justice, conditions d’une paix vraie et durable.
Il est possible, malgré tout, que certains non-Ivoiriens, qui n’auraient jamais dû se mêler activement de notre politique, soient dérangés par son retour, qu’ils ne désirent pas revoir son visage. Ceux-là, personne ne les oblige à demeurer en Côte d’Ivoire. Ils peuvent, s’ils ont un peu de dignité et d’honneur, quitter notre pays et ne plus y remettre les pieds. Non seulement nous ne regretterons pas leur départ mais notre pays ne s’en portera que beaucoup mieux.
Jean-Claude DJEREKE
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