Manuella YAPI
L’annonce du retour de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, prévu le 17 juin selon ses collaborateurs, est « devenue un sujet de crispation » politique, a déploré le Conseil national des droits de l’homme (CNDH), dans un communiqué diffusé jeudi.
« Le Conseil relève que l’annonce imminente du retour de l’ancien Président de la République (…) est devenue un sujet de crispation entre des acteurs de la scène politique », qui « fait planer un climat de tensions et suscite des inquiétudes au sein de la population », peut-on lire dans la note, signée de la présidente Namizata Sangaré.
Mme Sangaré a également souligné « la résurgence de déclarations et de discours publics de nature à saper les efforts de réconciliation amorcés par le gouvernement », observée « depuis le retour d’exil de certaines personnalités politiques ».
Préoccupé « face aux discours qui mettent à mal la réconciliation et instaurent un climat de tensions », le CNDH « exhorte l’ensemble des acteurs politiques à la retenue et leur demande de s’inscrire dans la dynamique de la réconciliation nationale ».
Alerte info/Connectionivoirienne.net
Retour annoncé de Gbagbo en Côte d’Ivoire :De la nécessité de désarmer les paroles et les cœurs
En Côte d’Ivoire, les choses se précisent quant au retour de l’ex-président Laurent Gbagbo au bercail. Non seulement la date du 17 juin qui avait été annoncée par ses proches, mais aussi les contours de l’accueil qui lui sera réservé et qui faisait polémique entre les partisans d’un retour triomphal comme le veut sa famille politique, et ceux d’un retour discret comme le voulait le pouvoir d’Abidjan. Entre les deux, l’entente semble se faire entre les deux parties toujours en concertations, pour un retour « visible », sans être ni trop discret ni trop triomphant du Christ de Mama. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les lignes sont en train de bouger pour un retour très imminent, 10 ans après son transfèrement à la Cour pénale internationale, de l’ex-locataire de la prison de Scheveningen, sur les bords de la lagune Ebrié. Et le doute ne semble plus permis sur la date du jeudi 17 juin prochain, depuis qu’on a vu circuler, sur les réseaux sociaux, la photo d’un billet d’avion au nom de Laurent Gbagbo et de son épouse Nady Bamba, confirmé, sur un vol commercial de la Brussels Airlines pour la date indiquée.
Une façon de « laisser… aux Gbagboistes ce qui appartient aux GOR (Gbagbo ou rien) »
C’est dire si le compte à rebours a véritablement commencé pour ce qui apparaît aux yeux de ses partisans, comme le retour de l’enfant prodigue, après avoir été « totalement blanchi »par la Justice internationale. Mais c’est dire aussi que l’Etat de Côte d’Ivoire n’affrétera pas un avion spécial pour le retour du Woody. Comment peut-il en être autrement quand les autorités d’Abidjan disent avoir été mises devant le fait accompli du choix de la date par les partisans de Laurent Gbagbo ? Mais en en « prenant acte », comme l’a soutenu le ministre de la Réconciliation nationale, Kouadio Konan Bertin, et en se plaçant en partenaire dans les préparatifs, le pouvoir ivoirien envoie un signal de sa volonté de jouer balle à terre et de ne pas donner l’impression de faire dans le forcing de la récupération. Et si ce n’est pas finalement une façon de « laisser… aux Gbagboistes ce qui appartient aux GOR (Gbagbo ou rien) » qui sont dans une manœuvre d’orchestration de ce retour, cela y ressemble fort. Même si l’on comprend sa volonté somme toute légitime de rester au contrôle de la situation. En tout cas, en choisissant de ne pas trop tirer sur la corde, le pouvoir fait une option d’apaisement qui ne saurait guère surprendre, d’autant qu’elle cadre bien avec le processus de réconciliation nationale en cours. C’est pourquoi l’on ne saurait mieux conseiller aux autorités d’Abidjan, d’éviter de faire dans les restrictions pour ne pas prêter le flanc au risque de créer inutilement la tambouille. Car, à l’allure où vont les choses, tout porte à croire que ce retour attendu de Gbagbo dans son pays natal, ne peut plus être discret. Il appartient donc aux autorités ivoiriennes de faire avec. Et surtout, de savoir encadrer le mouvement pour éviter les débordements. De leur côté, il revient aux partisans de Gbagbo de savoir faire dans la retenue pour ne pas donner le sentiment de faire dans la provocation.
Ce retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire ne doit pas être vécu comme la victoire d’un camp sur un autre
C’est dire si des deux côtés, chacun doit mettre de l’eau dans son vin. Et les acteurs politiques ivoiriens ont d’autant plus intérêt à montrer une volonté d’apaiser le jeu et de ne pas surchauffer outre mesure le climat sociopolitique longtemps chargé de souffre, que la paix, en Côte d’Ivoire, ne semble encore tenir qu’à un fil. Celui, ténu, de la réconciliation nationale, qui ne demande qu’à être raffermi. C’est pourquoi le désarmement des paroles et des cœurs se pose comme une impérieuse nécessité, pour réussir le pari de la vraie réconciliation. Car, tant que les Ivoiriens nourriront les uns envers les autres, des rancunes et des rancœurs, la réconciliation tant chantée restera une gageure. Et les cœurs étant difficiles à sonder, il appartient aux uns et aux autres d’éviter les propos incendiaires, de nature à réveiller les démons de la division qui peinent encore à s’assoupir définitivement en Eburnie. Autant dire que quelle que soit la symbolique, ce retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire ne doit pas être vécu comme la victoire d’un camp sur un autre. Et qui, mieux que l’intéressé lui-même, pour calmer le jeu dans son pays ? Car, comme on le sait, l’homme est très écouté par les siens et a une grande influence sur ses partisans. Et de son discours pourrait fortement dépendre la coloration de la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire, en attendant de voir clair dans son dossier judiciaire du casse de la BCEAO, qui continue de planer sur sa tête comme une épée de Damoclès. Reste à espérer que la sagesse prévaudra.
« Le Pays »
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