Déclaration de la CSCI relative au Sommet sur le Financement des Economies Africaines tenu le 18 mai 2021 à Paris
La Convention de la Société Civile lvoirienne (CSCI), créée en 2005, a initié plusieurs actions de
lobbying et de plaidoyer en vue de l’annulation de la dette et de la résolution d’autres problèmes liés à la dette en Côte d’lvoire. A cet effet, ces actions restent I’un de ses axes prioritaires, et par conséquent, elle a pris I’engagement d’apporter sa contribution au développement du pays, à travers ses interventions pour apporter, entre autres, des solutions durables aux défis liés à la dette publique, à la gestion des ressources et au développement financier.
La CSCI est un creuset où viennent se fondre différentes sensibilités dont les contributions sont mises à
profit pour agir, dans un cadre concerté, sur les politiques publiques, C’est en ce sens qu’elle accorde
du crédit à la capacité des Organisations de la Société Civile (OSC) d’influencer positivement tous les
sujets d’intérêt national sur lesquels elle se prononce en contribuant aux processus de prise de décision
et à l’amélioration des conditions de vie des populations.
Ces OSC, considérées comme des vecteurs de transmission, jouent aujourd’hui un rôle très important
dans la vulgarisation de I’information dans un contexte plus large en vue de toucher différentes parties
prenantes, C’est le travail de plusieurs acteurs de la société civile qui ont permis d’obtenir des résultats probants en permettant à un nombre considérable de citoyens d’avoir accès à I’information.
Des initiatives s’inscrivant dans ce cadre ont été prises puisque I’accès à l’information est un droit
constitutionnel. Elles ont permis de développer des actions de sensibilisation plus accrues à I’endroit
des populations et de prioriser la gestion de la dette publique, Dans ce contexte également, les acteurs
des OSC continuent de persévérer dans cette voie afin que les populations soient au même niveau
d’information.
Au regard de ce qui précède, il a été constaté que des résultats significatifs ont été, également, obtenus en termes d’augmentation de la qualité et de la quantité des interventions initiées en faveur de
l’annulation de la dette.
C’est le lieu d’indiquer que les OSC ont le potentiel de jouer un rôle exceptionnel dans la création et la
formation de I’opinion publique, et la consolidation de I’amélioration de ses connaissances sur la
problématique de la dette. A ce titre, elles veillent à protéger I’intérêt public contre certaines pratiques
anormales et erreurs professionnelles à travers la sensibilisation et la publication de recommandations
a partir des écarts constatés en matière de dette publique,
C’est dans cette optique que la CSCI, en marge du Sommet sur les Economies Africaines à I’initiative
du Président Emmanuel Macron, donne sa position dans la présente déclaration afin de réfléchir sur
l’opportunité pour la France de soutenir les économies africaines déjà délétères, fragiles et qui ont été
durement éprouvées par les effets pervers de la pandémie à Coronas virus,
Cette pandémie a eu un impact, économique, humain et social dévastateur, et a également souligné la
nécessité de convier diverses parties prenantes du front national, régional et international, y compris la fraternité et la solidarité, pour s’unir et lutter contre sa propagation.
Aussi, nous devons travailler dans le cadre d’une synergie d’action dynamique pour créer ou
promouvoir des mécanismes, vers une reprise économique équitable à la fin certaine de cette
pandémie et pour prévenir de futures crises économiques.
Les efforts concertés sont également devenus cruciaux, car les défis socio-économiques auxquels les
pays sont confrontés ont des fondements qui peuvent être mieux appréhendés et traitées à partir d’une
appréciation claire de l’écosystème de la dette à différents niveaux.
En ce qui concerne les effets néfastes de la Covid-19 sur les pays en développement, notamment la
Côte d’lvoire, il n’est point question de donner la priorité sur la façon dont les plus vulnérables ont été durement touchés par la cette pandémie, et ainsi poussée à des niveaux de pauvreté plus graves et des
inégalités qui continuent à s’aggraver.
Cette situation peut affecter certains pays selon certains puristes dont les discours portent sur la
Banque mondiale qui a projeté que la Covid-19 conduira jusqu’à 150 millions de personnes dans la
pauvreté d’ici 2021, 8 sur 10 étant dans des pays à revenu intermédiaire.
En outre, elles peuvent rendre compte de la façon dont plus de 100 millions d’Africains étaient
confrontés à une crise sans précédent, à une urgence ou à des niveaux catastrophiques d,insécurité
alimentaire en 2020, ce qui représente une augmentation de 60% par rapport à2019. Mais les OSC à
l’instar de la CSCI peuvent et doivent faire un pas de plus pour expliquer certaines racines-causes de
ces problèmes, qui sévissaient dans les pays africains bien avant la pandémie.
En effet, comme le souligne la Charte africaine des emprunts, les gouvernements empruntent aux
nouvelles sources qui sont particulièrement risquées pour eux, principalement parce qu’ils sont encore
fragiles. lls ont des infrastructures faibles, des bases de production étroites et ils sont pour la plupart
encore fortement dépendants des matières premières et ont des institutions faibles (y compris la gestion
des prolets et de la dette). lls ont également une capacité administrative limitée, des systèmes fiscaux
moins efficaces et des cadres juridiques faibles.Pire encore, au cours des dernières années, un certain
nombre de pays africains se sont de plus en plus tournés vers l’émission d’obligations souveraines
internationales. Cela signifie que la pandémie n’a fait qu’exposer une partie des déficits de gouvernance
de la plupart des pays.
Les membres des OSC ont donc une mission très importante de devenir les champions d’un
mouvement radical vers une gestion prudente de la dette et ainsi obliger les gouvernements à rendre
comptes de leurs décisions aux citoyens compte tenu des points essentiels suivants :
– lmpacts de la pandémie sur la viabilité des dettes des Pays En Développement (pED)
;- Appel de la société civile à l’annulation des paiements de la dette ;
– lnitiatives G20/Club de Paris : moratoire (ISSD) sur les paiements de la dette des pays les plus
pauvres et cadre commun de traitement de la dette des pays les plus pauvres
;- Cameroun, RCl, Congo et RDC tous bénéficiaires de I’ISSD et éligibles au cadre commun. 3
pays ont demandé à bénéficier du cadre commun à ce jour (et les négociations de
restructurations n’ont pas encore commencé) : Tchad, Zambie et Ethiopie :
– Remarques de la Société Civile : simples reports/rééchelonnements et pas d,annulations, les
créanciers privés ne sont pas impliqués, les Pays à Revenu Intermédiaire (pRl) ne sont pas
éligibles donc pas de réponse à la crise de la soutenabilité de la dette ;
– Nos demandes, signées par tous : annulations massives, réforme de l,architecture
internationale de la dette (mise en place d’un mécanisme international de restructuration des
dettes), participation obligatoire des créanciers privés aux initiatives d’allègement de la dette ;
– Pour la France : les initiatives du G20 et du Club de Paris ont ou vont régler les problèmes liés
à la dette, prochaine étape : le financement des économies pour répondre aux problèmes de
soutenabilité, et en particulier trouver une réponse plus structurelle au sous-financement de
l’Afrique
– ( Appel du 15 avril >, 18 chefs d’Etats africains et européens ont appelé à prendre des
mesures dans un cadre multilatéral, face à la crise sanitaire en Afrique, Cela sert de base à
I’idée lancée par Macron d’un Sommet pour le Financement des Economies Africaines à
Paris le 18 mai 2021 ;
– Pour le Sommet; 3 groupes de travail ; Financements Extérieurs publics et privés (idée de
trouver des moyens de garantir les investissements privés, suivi restructurations, comment
imposer des conditionnalités sur les restructurations de dettes) ; l’Attractivité du secteur privé
Africain et Financements de Grands projets.
A I’analyse, le sommet n’est pas légitime car il ne s’inscrit pas dans un cadre multilatéral institutionnel comme I’ONU, engendrant ainsi un risque de distraction par apport aux processus actuellement en cours à l,oNU. cependant, il fournit une opportunité de plaidoyer auprès des autorités des pays africains et des autorités françaises.
En plus, l’objectif de ce Sommet n’est pas focalisé sur les défis actuels en Afrique, sur la question de
l’endettement, par rapport à la réalisation des ODD, des PND. Néanmoins, les OSC doivent voir
comment parler d’une seule voix pour influencer cet espace, cette réunion. ll est crucial d,attirer
l’attention des Responsables Africains et Français sur les problèmes actuels auxquels les pays africains font face : le surendettement, facteur aggravant de la pauvreté et des inégalités, la question du
moratoire et de l’annulation sèche de la dette, les Investissements Directs Etrangers (lDE), les 1ux
financiers illicites, les paradis fiscaux, moyens déguisés d’évasion fiscale, les Droits de Tirage Spéciaux (DTS) etc’La dette doit être présentée sous I’angle de la violation des droits humains, qui entrave le développement.
Par ailleurs, la Société Civile n’est pas conviée au Sommet de Paris. Cela est déplorable. Cependant
elle doit user de stratagèmes pour faire entendre sa voix sur ses positions, comme elle a eu à le faire
pour l’efficacité du développement. La société civile doit inscrire ses actions dans la durée et travailler
sur les annulations massives de la dette et en même temps sur les stratégies alternatives pour
compenser la perte de ressources, I’allègement durable de la dette par les efforts internes de nos pays,
Les questions liées à la valorisation de nos ressources devraient également nous préoccuper, ainsi qu’une révision des standards du financement du développement dans les pays africains.
De plus, ce sommet est mentionné comme une occasion pour les osc nationales et Internationales
d’interpeller les dirigeants africains, car ils sont tous autant responsables, voire coupables, de la situation actuelle de leur pays que ne le sont les bailleurs de fonds qui financent nos Etats. La crise sanitaire n’est en aucun cas pour la raison principale de la probable crise de surendettement, mais simplement un facteur aggravant, < précipitant > les pays en développement dans une situation qualifiée
d’une voie vers le surendettement.
Ces OSC prennent acte de I’importance majeure de la Chine (non membre du Club de paris) dans la part
des financements perçus par nos Etats, notamment depuis les années 2010, Car ce pays détient à lui
seul, 25% de la dette du continent, Les OSC constatent également le manque d’entrain des créanciers
privés, certes peu étonnant, mais dont le poids n’a cessé d’augmenter ces dernières années et dont les
conditions de prêts sont pour certains proches de l’usurier, tel que l’Euro Bon souscrit à 100/o de taux
d’intérêt.
ll est impératif d’adresser un message fort quant au positionnement des fonds privés dans le
développement actuel de I’Afrique, d’autant que l’attractivité du secteur privé africain semble être le
second atelier du Sommet de Paris. Leur implication et surtout les très nombreux exemples de
rééchelonnement des dettes en leur faveur au détriment des peuples a de quoi inquiéter les sociétés
africaines pour leur avenir.
La question des relations financières entre les créanciers et les pays africains, quelles mesures
alternatives peut-on adopter ? La valorisation des ressources naturelles tout comme la mobilisation des
ressources internes sont des sujets importants à mettre sur la table des discussions lors du sommet.
Le sommet n’est qu’un événement parmi tant d’autres, Par conséquent, les OSC doivent mieux
s’organiser pour occuper des espaces dans les prochains sommets et rencontres tant au niveau national
qu’international. Ce sont des occasions de véhiculer des messages ensemble sur la soutenabilité des
dettes en Afrique.
Fait à Abidjan, le 18 mai 2021
Pour la CSCI
Le coordonateur national
Mahamadou Kouma
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