« Menace de coup-d‘état » en France: Plusieurs généraux retraités et officiers d’active font trembler la République

En France des militaires font trembler la République avec une tribune dans laquelle ils menacent ouvertement de «renverser» les institutions de la République. Ils sont estimés à un millier de militaires signataires de cette tribune. Parmi eux des généraux retraités et des officiers supérieurs d’active. Cette tribune apparaît dans un contexte de covid-19 et ses fortes restrictions des libertés publiques, allant jusqu’à l’imposition d’un couvre-feu (vocable de guerre). Rappelons qu’au plus fort de la contestation des gilets jaunes des velléités putschistes avaient traversé les casernes françaises. La dernière tentative de coup-d’état en France se situe officiellement en 1958 en pleine guerre d’Algérie. L’armée française a depuis, facilité plusieurs coups d’état dans les anciens territoires autrefois occupés de force par la France. Le dernier en date vient de se dérouler au Tchad suite à la mort d’Idriss Deby. (Sylvie Kouamé)

France: Le chef d’état-major des armées souhaite la « mise à la retraite d’office » des généraux en « deuxième section»

Dix-huit militaires en activité identifiés par l’armée passeront « chacun devant un conseil supérieur militaire », annonce le général François Lecointre.

Le Monde

Ils avaient signé une tribune dans Valeurs actuelles, fustigeant le « délitement de leur patrie » face à « l’islamisme » et aux « hordes de banlieues », appelant entre les lignes à un coup d’Etat.

Les généraux en « deuxième section » signataires – proches de la retraite mais qui peuvent toujours être rappelés – risquent « la radiation, donc la mise à la retraite d’office », a annoncé le général François Lecointre, chef d’état-major des armées, dans un entretien publié par Le Parisien, mercredi 28 avril. Dix-huit militaires en activité identifiés par l’armée – parmi les quelque 1 500 signataires dont le nom a été publié – passeront, pour leur part, « chacun devant un conseil supérieur militaire », a-t-il fait savoir.

« Au terme de cette procédure, c’est le président de la République qui signe un décret de radiation. Au-delà, je leur conteste à tous, en particulier au général Piquemal qui a déjà été radié [après avoir mené des manifestations antimigrants en 2016], le droit de prendre des engagements politiciens en mettant en avant leur grade » a-t-il ajouté, souhaitant, pour sa part, que « leur mise à la retraite d’office soit décidée ».

« Récupération politique », selon Castex
Plus tôt mercredi, Jean Castex avait condamné « avec la plus grande fermeté » la tribune, l’estimant « contraire à tous nos principes républicains », ainsi que sa « récupération politique tout à fait inacceptable » de la part de Marine Le Pen. Cette tribune, dans laquelle des généraux à la retraite menacent d’intervenir face au « chaos croissant » qui règne à leurs yeux en France, est « une initiative contraire à tous nos principes républicains, à l’honneur, au devoir de l’armée », a estimé le chef du gouvernement à l’issue du conseil des ministres. La ministre des armées, Florence Parly, avait demandé des sanctions, lundi, contre les signataires de cette « tribune irresponsable ».

Selon les signataires, parmi lesquels vingt-cinq généraux à la retraite, « l’heure est grave, la France est en péril ». « Nous sommes disposés à soutenir les politiques qui prendront en considération la sauvegarde de la nation », ajoutent-ils. « Si rien n’est entrepris, le laxisme continuera à se répandre (…), provoquant au final (…) l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles (…) », menaçaient-ils dans ce texte mis en ligne, soixante ans jour pour jour après le putsch des généraux d’Alger.

Coup d’État du 13 mai 1958 en France Wikipédia
Le putsch d’Alger ou coup d’État du 13 mai est le coup d’État mené à Alger (département d’Alger) le mardi 13 mai 1958, conjointement par l’avocat et officier parachutiste de réserve Pierre Lagaillarde, les généraux Raoul Salan, Edmond Jouhaud, Jean Gracieux, l’amiral Auboyneau avec l’appui de la 10e division parachutiste du général Massu et la complicité active des alliés de Jacques Soustelle.
Dans le contexte de la guerre d’Algérie et d’une lutte pour le pouvoir, ce coup d’État militaire avait pour but d’empêcher la constitution du Gouvernement Pierre Pflimlin et d’imposer un changement de politique allant dans le sens du maintien de l’Algérie française au sein de la République. La crise qu’il provoqua se solda par la fin de la « traversée du désert » pour le général en retraite, Charles de Gaulle, et son retour aux affaires. Indirectement, cet événement est à l’origine de la fin de la Quatrième République et l’avènement de la Cinquième République.

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Le général François Lecointre, le 27 avril 2021. JOEL SAGET / AFP

La tribune des anciens généraux dans le journal « Valeurs actuelles » fait polémique

Au risque d’être ramené au passé de son père qu’elle tente de faire oublier, la présidente du Rassemblement national a décidé de tendre la main aux généraux qui dénoncent la politique du gouvernement.

Sans doute, ce texte aurait eu moins d’échos sans elle, sans ce soutien inattendu de la présidente du Rassemblement national. Mercredi 21 avril, dans une tribune publiée dans le journal « Valeurs Actuelles », plusieurs généraux à la retraite demandent au chef de l’État de défendre les valeurs de la civilisation contre « l’islamisme » et « les hordes des banlieues ». Et de conclure : « Si rien n’est entrepris, le laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société, provoquant au final une explosion et l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles et de sauvegarde de nos compatriotes sur le territoire national ».

Marine Le Pen en embuscade

Un appel quasi séditieux qui aurait pu rester confidentiel si Marine Le Pen n’avait pas décidé de lui apporter son soutien. « Ils disent aux politiques que la situation du pays est terriblement inquiétante, que les zones de non-droit, de criminalité, la haine de soi, le refus du patriotisme par nos dirigeants sont des éléments de délitement de la nation, estime la présidente du RN. Ces militaires savent très bien comment cela se passe quand les politiques ne font pas leur travail, ne font pas respecter la Constitution. À un moment, la situation est si grave qu’on en appelle à l’armée. »

Et de s’adresser directement aux auteurs : « Votre indignation […] exige, en démocratie, la recherche d’une solution politique qui doit se concrétiser par un projet d’alternance qui a vocation à être validé par le suffrage des Français. Je vous invite à vous joindre à notre action pour prendre part à la bataille qui s’ouvre, qui est une bataille certes politique et pacifique, mais qui est avant tout la bataille de la France ! »

Pour les marcheurs, Marine le Pen vient de « ruiner toute son entreprise de normalisation, c’est une énorme erreur politique ! », clament-ils. Mais est-ce bien le cas ?

En effet, soutenir d’anciens militaires qui, dans leur démarche, rappellent les généraux putschistes à l’origine de l’OAS, la ramène au passé paternel qu’elle tentait de faire oublier.

Mais, en même temps, les réactions d’une partie de la classe politique contribuent à la remettre au centre du jeu.

Ainsi Jean-Luc Mélenchon s’est étranglé sur Twitter, fustigeant un « appel à l’insurrection » lancé par des « militaires factieux ».

Le premier secrétaire du PS Olivier Faure a dénoncé une « tribune suffisamment ambiguë pour que plane la menace séditieuse ».
Florence Parly : « Il faudra des sanctions »
Jointe par « La Dépêche du Midi », la ministre des Armées Florence Parly condamne l’initiative des officiers : « Il me semble essentiel de rappeler les règles et les valeurs qui prévalent dans nos armées. Les règles sont claires : il y a un devoir de réserve, de neutralité et il doit être respecté. Je souhaite aussi faire la clarté face à tous ceux qui se risquent à instrumentaliser nos armées dans un débat politicien. S’agissant des militaires d’active, qui ont commis cette tribune, il faudra prendre les sanctions qui s’imposent. Vouloir politiser les militaires, c’est vouloir politiser leur mission. Je ne veux pas rentrer dans le jeu de ceux qui font de la division de notre pays leur fonds de commerce. L’armée de la République est au service de la Nation et de personne d’autre et ceux qui pensent différemment se situent en réalité en dehors du cadre de la République. Cela doit être dit en particulier à quelques mois d’une élection majeure. »E.B.

 

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