Entre 2015 et 2019, seuls neuf cas de trypanosomiase ont été rapportés par les chercheurs ivoiriens. Mais le combat n’est pas totalement terminé.
Par Youenn Gourlay, Lemondeafrique
Kouamé Bi Samian Junior a longtemps refusé d’y croire. Diagnostiqué positif à la trypanosomiase alors qu’il était adolescent, le jeune homme assurait ne rien sentir de particulier. Il a grandi à Sinfra, l’une des villes du centre de la Côte d’Ivoire les plus touchés par cette maladie dite « du sommeil », mais refusait d’être suivi par des médecins. Jusqu’à ce jour de 2019 : « J’avais froid, mes pieds étaient enflés, ma tête cognait, impossible de dormir la nuit », se souvient le trentenaire. Il sera transporté en urgence à l’hôpital de Bonon, la seconde ville du centre où l’infection est endémique.
Causée par un parasite – le trypanosome –, la maladie du sommeil est mortelle si elle n’est pas diagnostiquée et traitée à temps. Après une phase de fièvre et de maux de tête, le malade dort le jour, mais plus la nuit. Il peut devenir fou quand le cerveau est atteint. Kouamé Bi Samian Junior, déclaré guéri quelques semaines après son hospitalisation, est considéré comme le dernier malade connu de Côte d’Ivoire.
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Car le dépistage et les traitements ont fini par payer. Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la trypanosomiase humaine africaine (THA) transmise par la mouche tsé-tsé n’est plus un problème de santé publique dans le pays. Son élimination a même été officiellement annoncée, jeudi 25 mars, par Eugène Aka Aouélé, le ministre ivoirien de la santé et de l’hygiène publique.
La Côte d’Ivoire est le premier pays où la maladie est endémique à y parvenir. Entre 2015 et 2019, seuls neuf cas ont été rapportés par les chercheurs ivoiriens. Soit moins d’un cas pour 10 000 habitants dans tous les districts du pays, le seuil requis par l’OMS pour atteindre l’élimination.
Pièges à mouches et laboratoire ambulant
C’est le résultat d’un travail de longue haleine mené en grande partie par l’Institut Pierre-Richet (IPR) de Bouaké, la deuxième ville du pays. Pendant des années, les chercheurs de l’IPR se sont déplacés dans les zones à risques. Ils y ont placé des pièges à mouches pour identifier et diminuer le nombre d’insectes infectés, dépisté les villageois à l’aide de leur laboratoire ambulant et pris en charge les cas dans des centres de santé ad hoc. « Dans les années 2000, une forte épidémie a touché le village de Bonon, avec entre 200 et 300 cas », rappelle Vincent Jamonneau, parasitologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), détaché à l’IPR : « Nous avons donc accentué notre travail dans la zone. »
En 2007, l’Etat ivoirien met en place un programme national de lutte contre la maladie. Plusieurs centres de recherche s’unissent et les bailleurs de fonds étrangers s’impliquent. Un projet vivement soutenu par l’OMS. « C’est cette synergie qui nous a renforcés », reconnaît le chercheur français.
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