Faire la politique autrement en Côte-d’Ivoire (opinion)

Sortie groggy du scrutin présidentiel de 2020, la Côte d’Ivoire peine à reprendre sa marche vers la démocratie.

Rien de surprenant quand le pays, depuis plus d’une décennie, connaît un net recul en la matière.
Sa classe dirigeante, ses institutions judiciaires, militaires et politiques semblent avoir
irrémédiablement renoncé aux missions régaliennes et à l’indépendance que leur confèrent les textes.
L’élection présidentielle qui aurait dû être le fer de lance d’une confrontation des projets de société ne
s’est hélas illustrée que par des bras de fer sanglants entre les militants de l’opposition et des milices
proches du pouvoir. Les bilans officiels font état de 85 morts.

Dans cette cacophonie électorale, et depuis de trop nombreuses années, appuyées sur la réalisation des
grands chantiers, un fort taux de croissance, et des taux de participation et de chômage artificiellement
gonflés, les communications officielles affichent un auto-satisfecit permanent.
Quel crédit pouvons-nous y apporter alors que notre pays occupe la 106ème place sur 189 en termes de
perception de la corruption (1) ?
Quelle fiabilité pouvons-nous accorder aux annonces gouvernementales, lorsque 46,30% des Ivoiriens
vivent sous le seuil de pauvreté ? Et quand la Côte d’Ivoire occupe la 170ème place sur 189 en termes de pauvreté de sa population (2) ?

Cacher la poussière sous le tapis n’a jamais rendu une maison plus propre.

Ces chiffres alarmants s’inscrivent dans un contexte politique pour le moins malsain. Le dialogue
politique et la réconciliation nationale, longtemps espérés, longtemps annoncés, demeurent à ce jour
au point au mort. L’achat des consciences et la culture de la violence sont érigés en règle d’accession
et de maintien au pouvoir.

Pulchérie Gbalet, Justin Koua, Yapo Fiacre complètent la liste déjà longue de prisonniers d’opinion.
Au moment où, l’hospitalité ivoirienne est offerte à des dirigeants étrangers vomis à Ouagadougou et
à Bamako ; d’illustres fils de la Côte d’Ivoire sont maintenus en exil, à Bruxelles, à la Haye, à Ankara
et à Paris (6 sur 189, telle est la position des Ivoiriens parmi le nombre des demandeurs d’asile en
France (3)).

La vérité est là, les illuminations de la capitale économique qui brillent de mille feux n’empêchent pas
le navire Ivoire de sombrer à la dérive.

Devant un tableau si peu reluisant, une opposition responsable aurait représenté une alternative
crédible pour les Ivoiriens. Que nenni !
Du boycott actif au Conseil National de Transition, il aura fallu un simple scrutin législatif pour qu’elle
vole en éclats. Des « grands partis » aux « vieux responsables », ils ont tourné le dos aux mots d’ordre
d’hier pour s’assurer un avenir personnel lucratif à l’hémicycle.

Un grand village dans lequel les vieillards sont plus soucieux de leur avenir que de celui de leurs petits-
enfants est celui où l’on dénombre le plus de morts attribuées aux sorciers.

C1 – Public Natixis

Transformer en profondeur la Côte d’Ivoire serait impossible sans une refondation de
l’opposition ivoirienne.
Faire la politique autrement, c’est refuser de se cantonner à la petite politique politicienne. Et vivre
son engagement comme un sacerdoce au service de l’intérêt général.
Faire la politiquement autrement, c’est faire tonner la vox populi dans la cité contemporaine ivoirienne.
Faire la politique autrement, c’est changer les mentalités et opérer un retour aux valeurs citoyennes
qui fondent la devise de la Nation Ivoirienne.
Faire la politique autrement, c’est aussi incarner une nouvelle génération, au contact direct des
populations. Une génération qui ne craint pas les différences et qui sait pertinemment que c’est de la
contradiction et de la diversité des idées que surgit la vérité.
Faire la politique autrement, c’est ensuite tourner le dos au culte de la médiocrité et de la facilité en
érigeant les valeurs du travail et du mérite en valeurs cardinales.
Faire la politique autrement, c’est surtout :
– Proposer un système anti-corruption qui fasse entrer la Côte d’Ivoire dans les standards les plus
efficaces en la matière.
– Instaurer un Etat de droit qui respecte une stricte séparation des pouvoirs.
– Réformer en profondeur l’Education Nationale (13 sur 14, tel est le classement de la Côte
d’Ivoire en matière d’évaluation des systèmes éducatifs en Afrique francophone (4))
– Réinventer un système de santé efficace.
– Lutter fermement contre l’insécurité galopante etc.

Les chantiers visant à la transformation de la société ivoirienne sont nombreux. Cette mutation ne sera
possible que grâce à l’émergence d’une classe politique arc-boutée sur des principes et des valeurs
clairement identifiés.

Faire la politique autrement, c’est enfin l’ambition qui justifie mon engagement politique au sein du
Congrès Panafricain pour la Justice et l’Egalité des Peuples (COJEP) du Ministre Charles Blé Goudé.

La génération rupture qui fait ses preuves dans tous les secteurs publics ou privés de la vie économique,
doit aujourd’hui prendre entièrement ses responsabilités. L’heure est enfin venue de mener à son terme,
le combat pour une Côte d’Ivoire nouvelle politiquement affranchie des scories de « l’Ivoirité » et du
« Rattrapage ethnique ».

Fait à Bordeaux, le 16 février 2021,

Anicet DJEHOURY
Coordinateur COJEP Bordeaux Nouvelle Aquitaine.
(1) Enquête 2019 de Transparency International, baromètre mondial de la corruption.
(2) Rapport 2018 du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).
(3) Rapport 2020 de la Direction Générale des Etrangers en France (DGEF).
(4) Rapport 2019-2020 du Programme d’Analyse des Systèmes Educatifs (PASEC).

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