Législatives 2021 – Dans le duel d’Agboville
Dans ces élections législatives du 6 mars qui arrivent à grands pas, la partie qui se joue à Agboville en pays Abbey et Krobou, ne manquera pas d’intérêt. Elle captivera les regards tant elle oppose un dinosaure de la politique, l’immense Adama Bictogo, député sortant et directeur exécutif du Rhdp, l’une des grosses fortunes du pays à la jeune et audacieuse candidate du Fpi-Eds, sans grands moyens financiers mais armée de sa détermination, Fleur Esther Aké M’bo. Celle qui un temps était vue comme une fille du dernier premier ministre de Laurent Gbagbo, Gilbert Marie Aké N’Gbo.
Fleur en a porté la croix. Une fois au moins, elle fut interdite de sortir du pays, refoulée à l’aéroport en raison de son patronyme qui n’était pas bon à entendre après le 11 avril 2011. Tout cela est désormais de l’histoire. Les gens ne faisaient pas trop attention à l’orthographe de ce nom, se bornant à la seule intonation « Aké M’Bo ».
Voici, en 2021, Fleur Aké M’Bo face à son destin. Sans grande expérience en politique où elle a fait son entrée au cours de ces cinq dernières années, l’ancienne élève du lycée Eyemon d’Agboville a vite gravi des échelons et porte aujourd’hui l’espoir de tout un peuple. Celui du Fpi de Gbagbo dans une zone qui fut son bastion jusqu’à l’avènement d’Alassane Ouattara au pouvoir. Les Krobou, les Abbey et leurs cohabitants d’Agboville, peuple traditionnellement indépendantiste a très vite épousé la ligne politique de la défense des libertés de Laurent Gbagbo face à Houphouët. Depuis lors, l’ex-président ivoirien y compte des milliers de partisans et « ce ne sont pas les gros investissements à coups de milliards d’Alassane Ouattara dans cette ville qui les détourneront de Gbagbo ». C’est ce que croit fermement la jeune candidate. A Agboville, ils sont encore nombreux qui jurent par »Gbagbo ou rien », ce slogan en vogue depuis que le Fpi traverse la plus grande crise de son histoire.
Défi et chalange
La candidature de Fleur Esther est donc à la fois un défi et un challenge. A la fois pour la candidate qui veut vite enterrer le briscard Adama Bictogo qu’elle qualifie du reste, de »député par défaut ». L’air débonnaire, son charme que dévoile souvent un sourire ravageur, Fleur est le produit de l’école ivoirienne. Après le lycée à Agboville, le bac en poche elle décrochera plus tard une licence en Marketing et gestion à l’Institut supérieur sainte Marie d’Abidjan. Elle décroche par la suite un poste de commerciale dans une entreprise de la place. Tenace et très assidue en politique, elle est élue au comité central du Fpi Gor, instance de décision, pour le compte de la fédération d’Agboville en octobre 2018. Poussée par la fièvre de la politique, celle que ses parents appellent affectueusement »Hohonon » (celle qui gouverne ou la cheffe du village) glane d’autres lauriers. En octobre 2019, elle est nommée secrétaire nationale au sein de la Jeunesse de Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (Jeds) puis en juillet 2020, elle est nommée au cabinet de Dahi Nestor secrétaire national de la Jfpi pro-Gbagbo en tant que directrice adjointe de cabinet en charge du recrutement des femmes. Avec tant de cordes à son arc, c’est sans coup férir que la jeune femme se fait plébisciter par sa base militante pour défendre les couleurs de sa formation aux prochaines législatives après dix ans de rendez-vous manqués.
»Arracher son tabouret à l’arracheur des tabourets »
Elle a le vent en poupe, se présentant comme celle qui vient arracher le siège que le Fpi n’aurait jamais dû perdre dans cette circonscription. Accueillie partout comme une héroïne, Fleur mesure la grandeur du challenge qui est le sien : battre cette icône montante du Rhdp, Adama Bictogo. Chose qu’elle résume dans cette formule bien agencée »arracher le tabouret à l’arracheur de tabourets ». »Je ne regarde pas le poste de député. Je regarde ce que représente Bictogo au Rhdp », enchaîne-t-elle. Dans une interview chez le confrère »Le Quotidien d’Abidjan », elle caricaturait ce dur à cuire du Rhdp comme celui qui incarne la politique de la mauvaise gouvernance et du mal être des populations ivoiriennes. La non gratuité de la carte nationale d’identité pour les populations, la politique de discrimination, la catégorisation des Ivoiriens… autant de reproches pour lesquels elle estime que Bictogo ne mérite pas de porter l’écharpe de député.
Qu’en pensent les vrais arbitres du jeu c’est-à-dire les électeurs ? Verdict au soir du 6 mars. Pour le moment, elle multiplie réunions et rencontres informelles pour ameuter les agbovillois qui selon elle ont soif de changement. Sa page Facebook »Fleur Esther Aké M’Bo (Hohonon) est devenue dynamique ces derniers jours. Photos de tournées, galvanisation des électeurs, retour aux sources, quelques salves aux adversaires, bref, Fleur fait son trou et Bictogo est averti.
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr
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