La Confédération africaine de football (CAF) connaîtra son nouveau président le 12 mars. Dernier rebondissement dans une campagne qui n’en manque pas : le retour d’Ahmad Ahmad, un temps écarté pour des soupçons de détournements de fonds.
Cette fois, le processus électoral pour la présidence de la Confédération africaine de football (CAF) est vraiment lancé. Dès le mois de décembre, cinq candidats – Ahmad Ahmad (Madagascar), Ahmed Yahya (Mauritanie), Augustin Senghor (Sénégal), Jacques Anouma (Côte d’Ivoire), Patrice Motsepe (Afrique du Sud) – avaient adressé leur dossier à la CAF. Puis ils n’ont été plus que quatre, après que la suspension d’Ahmad par la Fifa en novembre, notamment pour abus de pouvoir et détournement de fonds, a poussé la Commission de gouvernance de la CAF à rejeter la candidature de l’insulaire, le 8 janvier.
Mais depuis le 29 janvier, le Malgache est revenu dans la course, à la faveur du verdict rendu par le Tribunal arbitral du sport (TAS), devant lequel il avait interjeté appel de sa suspension. Le TAS ne l’a pas blanchi des soupçons qui pèsent contre lui, mais a jugé que, dans l’attente de son jugement sur le fond le président sortant de la CAF pouvait reprendre ses fonctions. Et accessoirement relancer sa campagne… Le surlendemain, Ahmad Ahmad a donc repris son fauteuil de président de la CAF au Congolais Constant Omari, qui avait été chargé d’assurer l’intérim.
Ahmad de retour… pour l’instant
Le TAS examinera de nouveau le cas de l’insulaire à partir du 2 mars prochain, dans le cadre d’une procédure rapide, et a promis de rendre sa décision « avant le 12 mars ». « Cela signifie, en creux, que quelques jours avant l’élection, il pourrait être mis hors course », résume un de ses proches. Cela n’a l’a pas empêché de se rendre au Cameroun, où il a notamment assisté à la finale du Championnat d’Afrique des nations (CHAN), le 7 février, et de planifier des déplacements de campagne.
Si le dirigeant malgache pourrait être stoppé dans son élan par la décision du TAS, ce n’est pas le cas des quatre autres postulants, qui multiplient les voyages aux quatre coins du continent. Définitivement admissibles depuis la fin du mois de janvier, après que la CAF a procédé à quelques vérifications supplémentaires, Motsepe et Yahya n’ont pas attendu le feu vert donné par la Fifa pour quadriller l’Afrique. Le premier a été aperçu en Guinée, où il a notamment été reçu par le président Alpha Condé, et l’ensemble des fédérations d’Afrique australe, au nombre de quatorze, ont décidé de lui apporter leur soutien.
Mais un dirigeant d’une fédération ouest-africaine prévient que le vent peut tourner rapidement. « Le soutien du lundi n’est pas forcément celui du mardi. Les tractations ne font que commencer, prévient-il. Et maintenant qu’Ahmad est revenu dans le jeu, allez savoir si cela ne va pas encore inciter certaines fédérations à changer de champion. »
Il en veut notamment pour preuve les rumeurs de retournement du Bénin, qui circulent dans le petit monde du football africain. Si le ministre béninois des Sports, Oswald Homeky, a officiellement annoncé fin novembre que son pays accordait son parrainage à Jacques Anouma, notre source affirme en effet que Cotonou pourrait finalement apporter son soutien à Patrice Motsepe. Un proche d’Anouma a d’ailleurs confirmé à Jeune Afrique avoir eu vent de cette possible volte-face.
AHMAD A ENCORE PAS MAL DE PARTISANS. MAIS IL NE SAIT PAS ENCORE S’IL POURRA ALLER AU BOUT
Pour convaincre les présidents des fédérations de voter pour eux le 12 mars, les candidats multiplient les déplacements.
Normalement à leurs frais, puisque la CAF n’alloue aucun budget pour le financement des campagnes. « Les candidats puisent certes dans leurs réserves personnelles, mais on sait aussi qu’il y a des donateurs, qui s’efforcent de rester très discrets, précise un proche d’un candidat. Les États peuvent aussi participer au financement. Anouma, Senghor, Yahya et Motsepe ont respectivement reçu le soutien officiel des présidences ivoirienne, sénégalaise, mauritanienne et sud-africaine. Une campagne, ça coûte cher. »
Motsepe et Yahya favoris ?
Pendant que chacun défend son programme, le petit jeu des pronostics s’emballe, et son intensité va augmenter à l’approche de l’élection. « Il est difficile de dire aujourd’hui qui est vraiment le mieux placé. Ahmad a encore pas mal de partisans. Son problème, c’est qu’il ne sait pas encore s’il pourra aller au bout. Cela pourrait refroidir ceux qui le soutiendraient. Imaginez que le 8 ou le 9 mars, le TAS juge qu’il ne peut pas se présenter, ses soutiens se retrouveraient alors dans une position assez inconfortable, estime un ancien membre de la CAF, qui suit de près le dossier. Aujourd’hui, on entend dire que Yahya et Motsepe sont perçus comme légèrement favoris, mais ce n’est pas si évident que cela. Disons que Gianni Infantino, le président de la Fifa, semble davantage pencher pour eux ».
Car Infantino, dans un souci de – supposée – neutralité, se garde bien d’afficher sa préférence. La Fifa est en effet régulièrement taxée d’ingérence dans les affaires du football africain, une attitude qui crispe de nombreuses fédérations. C’est en effet sa commission technique qui a validé le 26 janvier dernier les dossiers de Motsepe et Yahya, avant même la CAF, qui devait les auditionner deux jours plus tard au Caire. Les deux candidats ont bien effectué le voyage en Égypte, mais sans craindre une seule seconde que leurs candidatures ne soient remises en cause. Yahya avait d’ailleurs twitté, juste après l’annonce de la FIFA, sa satisfaction d’être définitivement candidat.
« Que ce soit la Fifa qui valide deux dossiers mis en stand-by par la CAF avant même que celle-ci ne se prononce, ce n’est pas normal », peste ce même proche d’un des candidats.
En 2017, Gianni Infantino avait discrètement appuyé Ahmad face au Camerounais Issa Hayatou, certain de pouvoir contrôler le Malgache. Aujourd’hui, les deux hommes se vouent une inimitié profonde. Et comme le dit ironiquement un dirigeant africain, « avoir l’appui d’Infantino, ce n’est pas forcément un gage de succès…».
Par Alexis Billebault
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