Namidja Touré, Spécialiste des questions de défenses Nations unies pour le développement (PNUD).
Le 13 janvier 2019, le chef de l’état français Emmanuel Macron convoque les cinq chefs d’états des pays du G5 Sahel, en France à Pau, à un sommet de « clarification » quant à la présence militaire au Sahel.
Un sommet qui devrait se tenir initialement en décembre 2019 avant d’être reporté finalement à la mi-janvier 2020. Un sommet qui s’était tenu dans un contexte politique et diplomatique tendu entre la France et ses ex-colonies (Tchad, Mali, Burkina Faso, Niger et Mauritanie) membres de la coalition du G5 sahel.
La montée du sentiment anti-français chez les jeunes en majorité avait conduit à des manifestations éclatées dans certaines villes du Niger du Burkina et du Mali. Un sentiment anti-français alimenté et soutenu par des politiques africains qui a eu un écho favorable et gagne de plus en plus du terrain en Afrique. Les violences sur les réseaux sociaux à l’encontre de la France avaient fini par agacer le président Macron si bien qu’il mettra les points sur les ‘’i’’ lors d’une visite à Abidjan en fin d’année 2019.
Au cours de ce sommet, après près de trois heures d’échanges, des décisions importantes avaient été prises. Les cinq chefs d’états dans un communiqué conjoint avaient donné un avis favorable à la présence de la force Barkhane dans le sahel avec toutefois quelques réajustements. Un nouveau cadre qui sera structuré autour de 4 piliers : un premier pilier stratégique et militaire, un deuxième qui concerne la formation des armées sahéliennes, un troisième qui traite du retour de l’État et des administrations et un dernier consacré au développement.
Un an après la tenue de ce sommet dit de ‘’clarification’’, on note des avancées notables à divers niveaux mais avec aussi des échecs. Le premier pilier acte un recentrage des opérations militaires sur la région des trois frontières entre le Mali, le Burkina et le Niger, là où se concentrent les attaques. Notamment celles de la katiba jugée comme étant la plus dangereuse : l’État Islamique au Grand Sahara. On note des résultats importants avec le recul des bases de l’EIGS. La neutralisation des têtes de proues de mouvements jihadistes comme Abdel Malek Droukdel. Il était un contrebandier de renom et le chef des opérations d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). L’autre principale organisation jhadiste active au Sahel subira elle aussi une perte énorme. Bag ag Moussa, présenté comme étant le chef militaire du Groupe de Soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM ou JNIM) sera neutralisé au cours d’une opération de Barkhane. Figure historique de la mouvance jihadiste au Sahel, Bah ag Moussa était considéré comme responsable de plusieurs attaques contre les forces maliennes et internationales. Il était également considéré comme l’un des principaux chefs militaires djihadistes au Mali, notamment chargé de la formation des nouvelles recrues. En plus de ces grandes figures, des centaines d’autres combattants issus des différents groupes jihadistes ont été éliminés au cours de l’année 2020. Cependant, la force Barkhane, elle aussi, connait des pertes humaines avec une croissance du nombre de morts en cette fin d’année 2020. Avec la mort de 5 soldats en l’espace de quelques jours, le débat sur le questionnement de la stratégie militaire et politique a été relancé en France et au sein du grand commandement militaire, en ce début 2021. La France prévoit de réduire ses effectifs d’ici peu pendant que la force européenne ‘’takuba’’ n’est toujours pas effective, un an après son annonce par Emmanuel Macron.
Au niveau de la formation des armées sahéliennes, la France n’a pas déçu. Un rôle d’assistance militaire qu’elle a toujours joué depuis les indépendances des états africains. La force Barkhane a multiplié les formations sur les capacités opérationnelles des armées de la coalition du G5 sahel. Cependant, le sous-équipement des hommes et les influences politico-ethniques ont fortement entaché la réputation des soldats par des faits graves de violation des droits humains. Les armées malienne et burkinabè ont été accusées d’avoir massacré des populations.
Le troisième volet a aussi connu des avancées significatives. Le redéploiement de l’administration engagé depuis des mois dans les zones de Gao, Tombouctou et Kidal depuis plusieurs mois avant le sommet de Pau est toujours effectif. Toutefois, la situation d’insécurité qui a refait surface dans certaines zones a freiné le processus de restauration de l’autorité de l’état.
Pour terminer, le dernier pilier devait soutenir tous les efforts sur le terrain des partenaires français et africains. L’ONU à travers diverses structures comme l’agence des nations unies pour les réfugiés (UNHCR) apporte une assistance aux milliers de réfugiés le chiffre pourrait atteindre les 24 millions de personnes jusqu’à 2025. La situation sécuritaire, humanitaire et développement est donc réelle et préoccupante. Les appuis au retour et à la réinsertion semblent insuffisants.
En somme, le sommet de Pau, un an après à connu des succès retentissants surtout au plan militaire. En février prochain, les six chefs d’états se retrouveront pour faire un bilan mais surtout pour se projeter dans l’avenir. Un sommet qui sera marqué par deux questions essentielles : la réduction des effectifs de Barkhane et la question de la négociation avec les groupes armés dans la région du Sahel pour arrêter la détérioration de la situation, en reconnaissant l’interdépendance des crises sécuritaire et humanitaire.
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