Dans la nuit du 7 au 8 janvier 2001, le pouvoir de Laurent Gbagbo qui a à peine trois mois d’existence manque de tomber dans les mains de curieux mutins.
Dénommé le “Complot de la Mercedes Noire”, ce coup d’état manqué n’était que l’avant-gout du 19 septembre 2002, avec les mêmes acteurs. Dossier express, pour revivre un pan important de l’histoire de la Côte d’Ivoire.
Il est 23h30, ce dimanche soir du 7 janvier 2001, rien ne prédit un pronunciamiento à Abidjan. Or dans quelques secondes, des soldats mutins en vêtements civils vont attaquer à l’arme lourde. Ils vont même prendre les sièges de la radio et de la télévision nationale de Côte d’Ivoire, à Abidjan. Leur message est clair.
Ils demandent à leurs camarades militaires de se joindre à eux pour renverser le pouvoir de Gbagbo. La radio diffuse, à cet effet, en boucle l’hymne national ainsi qu’une brève déclaration du porte-parole, non identifié, des rebelles. Ce message indique que “tout serait réglé dans les 48 heures”, la population devant “rester chez elle”.
Et puis survint la riposte des Forces de Défense et de Sécurité. Surprises, elles se réorganisent et lancent la contre-attaque. En quelques heures de combat, les assaillants sont mis en déroute. Leur fuite sera racontée plus tard par un certain… Ibrahim Coulibaly dit IB. Qui revendiquera la paternité de l’attaque du 19 septembre 2002, jusqu’à sa mort.
Pour feu le Ministre de l’Intérieur Emile Boga Doudou, “cette tentative de coup d’Etat” est le fait d’ “aventuriers qui ont pensé que leur temps était arrivé de prendre le pouvoir par les armes”, quand Lida Kouassi Moise, Ministre de la Défense clamait que “Le temps des coups d’Etat est dépassé, ils ont tenté, ils ont échoué lamentablement”.
Par chance et surtout ayant reçu un renseignement de dernière minute, Laurent Gbagbo est mis en sécurité le week-end hors d’Abidjan. Les assaillants qui vont attaquer ne le savent pas. Qu’à cela ne tienne, eux, ils attaquent.
Les combats font au moins deux morts parmi les gendarmes et plusieurs blessés. Le ministre de la Défense Lida est en colère: “Les Ivoiriens peuvent être rassurés, les responsables seront châtiés complaisance”. Dans les ratissages les loyalistes arrêtent près de 50 personnes. Mais dès le lendemain du coup foiré, un terme curieux va naitre: “Le complot de la Mercedes Noire”.
D’abord, le RDR, principal parti d’opposition le FPI est “largement responsable” de la tentative de coup d’Etat, avant d’ajouter que “Si l’on avait eu des élections honnêtes, si le pays n’avait pas connu viols et tortures ces derniers mois, nous ne serions pas dans une telle situation d’instabilité et d’insécurité”. Naturellement, les regards du régime chancelant se tournent vers Ouattara et son parti.
La suspicion va s’aggraver quand le journal attitré du RDR va se faire le chantre du “Complot de la mercedes noire” en instillant dans les consciences de ses lecteurs que le coup d’état manqué n’était qu’une invention du régime des Refondateurs.
Mais la “Mercedes Noire”, c’était quoi au juste ? En fait, la “Mercedes Noire” était le véhicule de commandement d’Ibrahim Coulibaly dit IB. Dans leur fuite après que le coup échoue, cette voiture est au milieu d’un cortège des rebelles qui fuient vers le nord, le Burkina. Ce cortège et cette Mercedes Noire seront interceptés par un avion de l’armée de l’air après Bouaké.
Étrangement, le pilote de l’Alpha Jet survole les fuyards et ne fait pas feu, facilitant leur progression vers leur base arrière.
C’est un enregistrement audio de la rébellion en 2003 qui permettra de comprendre qu’en fait le pilote de l’avion était de mèche et de cœur avec les assaillants. Et il n’était pas seul…
Par exemple, Fofié Kouakou, ex-chef de guerre accusé de traitement inhumain par les Nations Unies quand il était tout puissant à Korhogo lors de la rébellion, a été arrêté le 10 janvier 2001, dans sa fuite à la suite du complot de la Mercedes Noire.
Plusieurs têtes fortes de la rébellion du 19 septembre 2002 ont été dans ce coup. Seuls, IB et Wattao, pour ne citer que les plus illustres, sont partis avec leurs secrets. Boga Doudou, lui n’eut pas le temps de raconter sa part de vérité. Un an après, il a été atrocement abattu dans la nuit du 19 septembre 2002, par ceux qui avaient pu échapper à la traque d’après le 8 janvier 2001.
En 2002, quelques mois avant le déclenchement de la rébellion, Hamed Bassam ex-PDG de la société de ramassage d’ordures ASH International sera condamné à 20 ans de prison. Il avait été reconnu comme commanditaire de ce coup d’Etat manqué.
Source: Afrikmag
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