Facebook a identifié de faux profils liés à la France et à la Russie. C’est la première fois que Paris se trouve ouvertement pointé du doigt pour ce type de pratiques.
Par Elise Vincent et Cyril Bensimon
La révélation, le 15 décembre, par Facebook, de l’identification de faux profils se livrant pour le compte de la Russie et de la France à de la « guerre informationnelle » dans plusieurs pays d’Afrique, suscite de nombreux émois. En particulier au Tchad, où le gouvernement a annoncé, jeudi 17 décembre, avoir saisi la justice et a appelé « tous les pays africains victimes de ces agissements » à envisager « un cadre conjoint », pour mieux se prémunir contre ces « nouvelles formes d’atteinte à leurs intérêts ».
A ce stade, ces réactions apparaissent plus comme une nécessité politique que comme la garantie d’un réel branle-bas de combat. Elles viennent toutefois apporter de l’eau au moulin des détracteurs de la France en Afrique, offrant au passage du crédit à une information dont l’état-major des armées et la diplomatie française se seraient bien passés. Et ce, alors que Paris finance des formations de journalisme en Afrique, et peine à trouver une voie de sortie pour l’opération « Barkhane » au Sahel voisin, notamment en raison des velléités russes dans la région.
Ces révélations de Facebook − qui s’appuient sur un rapport de Graphika, une agence spécialisée dans l’analyse des réseaux sociaux − mettent en exergue des manœuvres de « guerre informationnelle » françaises relativement limitées, si ce n’est hésitantes. Elles auraient débuté au printemps 2018 et se seraient accélérées depuis janvier 2020. Mais c’est la première fois que Paris se trouve ouvertement pointé du doigt pour ce type de pratiques.
Contre-discours djihadiste
Facebook a ainsi identifié l’usage détourné, « par des individus associés à des militaires français », d’environ 80 comptes, six pages − dont un faux forum anti « fake news » − neuf groupes, 14 comptes Instagram, deux chaînes YouTube et une vingtaine de profils Twitter. Ils couvraient une actualité allant de la Centrafrique au Niger, en passant par le Burkina Faso et le Tchad. Ces comptes avaient une influence très limitée, avec souvent moins de 150 followers et moins de vingt « like » ou « partage » par information. Soit un « écho qui ne dépassait pas leur propre chambre », de l’aveu même de Facebook.
En Centrafrique, les comptes considérés comme œuvrant pour la France semblent avoir par ailleurs eu pour ligne rouge tous les « sujets électoraux ». Alors que le pays est en proie à de fortes tensions à l’approche d’élections générales devant avoir lieu le 27 décembre, aucune publication sur la campagne en cours ou ses candidats n’a été identifiée. Ces comptes se contentaient, selon Facebook, de cibler « exclusivement » les interférences russes en Centrafrique, ouvertement soutenue par Moscou depuis plusieurs années, notamment via l’envoi de mercenaires liés à la très controversée société Wagner.
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