Monsieur le Président, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’ivoire » a commencé avec vous une correspondance qu’il poursuit avec cette seconde lettre. Il reste dans la perspective du citoyen qui interpelle l’autorité qui a un pouvoir de décision afin que notre passé commun nous serve à construire un avenir meilleur. Cette correspondance a été suspendue à cause de votre voyage en France. Depuis une semaine pratiquement, vous êtes rentré dans votre très cher pays et nous en profitons pour poursuivre avec vous nos échanges épistolaires.
S’il y a un homme qui a beaucoup reçu de la nation en termes de pardon et de compréhension aimante, c’est vous, monsieur le Président. Bien que votre parcours politique soit parsemé de propos dangereux pour la stabilité des institutions et du pays, avec des violences aux nombreuses conséquences en destruction de biens et pertes en vies humaines, la nation a mis sa confiance en vous afin que votre gouvernance apaise les cœurs meurtris et conduise le peuple vers des rivages heureux. L’autorité de la chose jugée n’a pas été respectée pour vous afin que l’opportunité vous soit donnée de montrer ce que vous êtes capable d’apporter à la nation au poste de président de la République.
La nation vous a tout pardonné, tout excusé, non pas parce que vous êtes irréprochable mais à cause de l’injustice et des persécutions que vous avez subies. Si l’on devait vous tenir rigueur de tous les propos séditieux tenus, il n’est pas évident que vous soyez ce que vous êtes politiquement. Mais, la nation est généreuse et compréhensive envers ses fils et filles qui aspirent à plus de justice et de démocratie. Et, vous avez beaucoup bénéficié de cette générosité et de cette compréhension.
Beaucoup de concessions et de sacrifices ont été faits par la nation pour répondre à vos désirs, légitimes du reste. « On ne veut pas que je sois président parce que je suis musulman et du nord ». « Tiens, sois président ». « Les gens du nord sont sans-papier » ; « tenez vos papiers ». « Les gens du nord ne sont pas assez représentés dans l’administration publique » ; « allez-y, appliquez le rattrapage ethnique en faveur des seules populations du nord contre celles du sud, de l’est, de l’ouest et du centre et contre l’article 4 de la constitution ». Comme la femme devant le roi Salomon dans la bible (1 Rois 3 : 16-28), la nation n’a pas voulu que l’enfant soit coupé en deux ; elle a préféré vous le laisser. La nation vous a tout concédé contre même l’idéal de Félix Houphouët-Boigny qui n’avait jamais voulu voir l’administration aux mains d’une seule ethnie afin de rendre viable la Nation encore en construction. Mais, c’était le moyen trouvé par la nation pour réparer les torts qui vous ont été faits : les dommages-intérêts pour le préjudice moral et politique subi pendant de nombreuses années.
Mais, en retour, qu’est-ce qui a été offert à la nation ? Laurent Gbagbo et Blé Goudé ont été déportés à la Cour Pénale Internationale, seuls à payer les crimes de tous pour le triomphe de la justice des vainqueurs à l’international comme au niveau local. Soro Guillaume a été persécuté et quasiment forcé à l’exil pour avoir refusé d’être encarté. Bien sûr, des affaires sont pendantes contre lui. Mais la coïncidence du temps juridique avec le temps politique les rend difficilement compréhensibles pour de nombreux ivoiriens.
Vous vous êtes associé naguère à Laurent Gbagbo pour combattre le président Henri Konan Bédié successeur d’Houphouët-Boigny. Vous vous êtes associé, ensuite, au président Bédié pour combattre Laurent Gbagbo au pouvoir. Aujourd’hui, tous sont associés contre vous. La Côte d’Ivoire est devenue un immense champ d’expérimentation de toutes sortes d’associations tournant autour de trois personnalités principales. Mais, tranquillisez-vous, monsieur le Président, une nation aussi généreuse et compréhensive que la Côte d’Ivoire vous portera dans le cœur tous les trois. Elle ne permettra donc jamais que les musulmans et les nordistes soient attaqués si vous n’êtes plus au pouvoir. Le précédent de la rébellion et de ses crimes pour prendre le pouvoir d’état restera un précédent unique dans l’histoire de la Côte d’Ivoire. Là où existe l’état de droit ; là où la constitution n’a pas d’interprétations diversifiées en fonction des chapelles politiques et suivant qu’on soit en jours pairs ou impairs comme cela existe en France ou aux Etats-Unis par exemple et rend l’état de droit dans ces pays si solide, personne ne s’avise à pratiquer une politique d’épuration ethnique ou de rattrapage administratif : la nation reconnaît à chacun son mérite et est très soucieuse de sa multiculturalité. Vous sachant très occupé, monsieur le Président, nous voudrions nous arrêter ici pour notre deuxième lettre en espérant poursuivre demain cet échange épistolaire.
Très respectueusement.
Fait à Abidjan, le 10 décembre 2020.
Prof. Séraphin Prao
Président de « Les Démocrates de Côte d’Ivoire »
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