Emmanuel de Kouassi | Connectionivoirienne
Ces dernières années, l’écroulement des immeubles semble devenir un fait banal. À Abidjan comme à l’intérieur du pays, il ne se passe plus désormais de mois sans que l’on ne signale l’écroulement d’un immeuble avec des pertes en vies humaines et des dégâts matériels.
L’année 2020 a été particulièrement marquée par de nombreux cas d’écroulement d’immeubles.
Une dizaine sur l’ensemble du territoire selon nos sources. Le dernier en date est celui qui s’est produit le samedi 14 novembre dernier à Ananeraie dans la commune de Yopougon où un immeuble R+5 [6 niveaux] s’est écroulé en pleine nuit. Même si l’on a déploré aucune perte en vies humaines parce-que les habitants avaient été évacués et le lieu sécurisé des jours avant, les services des sapeurs-pompiers ont constaté d’importants dégâts matériels. De nombreuses familles se retrouvent sans abris en cette période de crise sanitaire.
Connectionivoirienne.net a voulu comprendre ce phénomène qui crée la psychose et la désolation parmi les populations.
Lorsque nous arrivions sur les lieux ce vendredi 20 novembre 2020, une semaine juste après que l’écroulement, ce sont des riverains encore apeurés qui assistent au ramassage des gravats, chacun allant de son commentaire.
« L’immeuble s’affaissait depuis un bon moment et nous avions à maintes reprises interpellé aussi bien les locataires que le propriétaire mais rien n’a été fait », nous lance un riverain qui ne cache pas sa colère. « La fondation ne pouvait pas supporter plus de trois niveaux » renchérit une dame qui visiblement habite le quartier bien avant la construction de l’immeuble. « Rien ne présageait d’un tel incident. Lorsque nous posions la fondation en 1999, nous avons respecté toutes les normes de la construction », répond celui qui s’est présenté à nous comme étant le gérant de l’immeuble. Pour ce dernier, la cause de l’incident est ailleurs. Comme on peut le constater et comme partout ailleurs où des immeubles se sont écroulés, locataires, riverains et propriétaires font des témoignages contradictoires. Il apparaît donc difficile à ce niveau de dire avec précision les causes des écroulements.
LES CAUSES DES ECROULEMENTS
Si le rôle des sapeurs-pompiers n’est pas de situer les responsabilités mais de secourir les victimes, force est de noter que ceux que nous avions approché au groupement des sapeurs-pompiers et militaires de Yopougon dans le cadre de notre enquête, soutiennent unanimement que le constat est identique à chacune de leurs interventions dans le cadre des écroulements d’immeubles. À savoir, le non-respect par les propriétaires des normes de construction et de l’urbanisme et l’entêtement des locataires à occuper des habitations à risque.
Les experts en construction que nous avons approchés quant à eux évoquent trois causes. Selon Monsieur Sanogo Mohamed, responsable d’une entreprise de construction que nous avons interrogé, « la première cause des écroulements des immeubles, c’est que les fondations ne sont pas adaptées. La deuxième, les matériaux qui ont été utilisés, notamment le sable, le gravier, le ciment, le fer à béton, ne sont pas toujours conformes aux normes qui existent. Quand l’entreprise chargée de construire le bâtiment n’a pas la compétence requise, cela constitue la troisième cause ».
Les propriétaires sont plus préoccupés par la rentabilité d’une affaire plutôt que par la sécurité et le bien-être des locataires.
Il faut dire que cette situation préoccupe les différents ministres qui se sont succédés au ministère de la construction. En témoigne les propos du ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, Bruno Nabagné Koné lors d’une cérémonie de remise de matériels et d’équipements de protection à la brigade d’investigation et de contrôle urbain du ministère de la construction, du logement et de l’urbanisme (MCLU) le lundi 28 septembre : « le concours d’un architecte est désormais obligatoire pour la construction de tout bâtiment en Côte d’Ivoire. Désormais, pour toute construction de bâtiment en Côte d’Ivoire, vous devez vous adresser à un architecte », a-t-il indiqué avant de renchérir qu’ « en Côte d’Ivoire, toute construction de bâtiment au-delà de 50 mètres carré doit absolument faire recours à un architecte ».
Espérons donc que des actes concrets suivront les décisions ministérielles pour mettre définitivement fin à ce nouveau phénomène pour le bonheur des populations.
Pour ce qui concerne ces différents écroulements, nos sources indiquent que des enquêtes sont en cour pour situer les responsabilités afin de traduire devant les juridictions compétentes tous les coupables.
Dans une seconde publication, nous reviendrons sur l’état d’avancement des différentes enquêtes lancées par l’État.
==== MON HUMBLE AVIS =====
Je ne reviens pas sur les causes pertinentes évoquées ici. J’y ajouterai d’autres pour être un acteur TRES AVERTI du métier.
1. Le déficit d’études géotechniques OBLIGATOIRES dans les codes de l’environnement et de l’urbanisme…dans certaines zones du pays.
Face à la rareté des terrains disponibles, tout lopin ds terre est devenu vendable ou constructible. Or certaines zones n’offrent pas une capacité constructible pour certaines charges.
Pour une réduction de la sinistralité, on devrait faire une cartographie du territoire avec un niveau très avancé de l’information sur les zones argileuses ou à haut risque. Et imposer un document d’étude geotechnique dans le dossier pour certaines zones avec un contrôle POINTU pendant les travaux.
2. Les plans architecturaux.
Or sans une connaissance EFFECTIVE du terrain à construire (à distinguer du quartier ou de la ville) des « architectes » et des dessinateurs offrent leurs services en actionnant LEUR RÉSEAU dans la commission du permis de construire. Aucun ministre ne peut HÉLAS détruire TOUS LES RÉSEAUX.
3. Le contrôle des chantiers.
A 80% c’est la cause des malheurs. S’il était fait correctement on ne vivrait pas certains drames.
Même quand ils sont croisés les contrôles sont réalisés par des agents fonctionnaires de l’Etat ou de ses démembrements. Face aux propriétaires « pressés » et au lobby des dessinateurs/architectes, ils sont à 100% vulnérables ! Ce premier contrôle c’est celui du public. Mais Quid du contrôle que le maître d’ouvrage devrait LUI MEME mettre en place ?
On croit à tort qu’avec un bon architecte et une société ayant pignon sur rue, donc supposée être compétente, tout devrait être conforme aux règles de l’art.
Or j’ai rarement vu un propriétaire faire venir un contrôleur des travaux sur le chantier. Pour s’assurer que le plan architectural est correctement réalisé et conforme aux règles de l’art. J’ai très souvent entendu des maçons me dire ceci « chef tu gaspilles l’argent dêh ! Fer que tu as jeté ici dans ce bâtiment R+1 ça peut supporter R+3 au moins ! ». Si je faisais confiance à ces praticiens du terrain … Je subirais un jour des drames. Parce qu’en vérité, les études de structures réalisées par LES PROFESSIONNELS tiennent compte TOUJOURS des dimensionnements projetés AVEC UNE MARGE DE SÉCURITÉ.
Peu d’acteurs du milieu des ouvriers devenus entrepreneurs ont déjà entendu parler des DTU. Par contre ils vous diront toujours « patron, on a TOUJOURS fait comme cela ! ». Ou « Je suis maçon depuis 35 ans et j’ai TOUJOURS construit comme cela. ».
Les dispositions constructives RÉGLEMENTAIRES sont donc parfois ignorées au détriment de celles qui arrangent le maçon ou le ferrailleur.
Les ferrailleurs ceux qui sont en charge du volet STRUCTURE le plus délicat sont très souvent des tâcherons. Mal payés et parfois mal nourris sur les chantiers…
Le plan de ferraillage sur le papier (plan de béton armé complet) peut être bien fait mais au moment de sa mise en oeuvre, parfois c’est un.ouvrier non qualifié qui l’exécute. Avec des malfaçons que la visite PROGRAMMEE ou inopinée du contrôle des travaux, si cette mission existe, peut difficilement découvrir.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Beaucoup de structures de contrôles compétentes sur le papier, DANS UNE SOCIETE DU FAUX, ne jouent pas le jeu. Même quand elles sont TRES BIEN rétribuées pour la mission.
Ainsi certaines erreurs se payent cash. D’autres bien subtiles et cachées se découvrent au fil des années et plus rapidement avec les saisons de pluies. Une fois la peinture faite le propriétaire qui n’est toujours pas un sachant comme @Wara peut difficilement émettre une opposition ou des réserves avant la réception définitive des travaux. Voire quand c’est immigré qui envoie l’argent depuis l’Australie et qui reçoit des photos et vidéos ponctuelles. Avec beaucoup de devis gonflés comme feu Troupa Paul…
QUE FAIRE EN L’ABSENCE DE TELS ECARTS ADMINISTRATIFS ET STRUCTURELS ?
La sensibilisation des BÂTISSEURS et leur soutien par l’Etat par des incitations sur les impôts devrait être une première piste.
Je ne peux pas tout développer ici gratuitement. Je vais manger quoi après moi même ?
L’état et LE CITOYEN doivent agir ensemble pour décentraliser les villes. A Kouto, Gagnoa, Man, Katiola Aboisso ou Bongouanou, vous n’aurez pas besoin nécessairement de construire un R+5 pour satisfaire aux besoins d’habitat. Mais si vous vous entêtez pour rester à Abidjan, vous acheterez les 400m2 à plus de 50 millions et seul un immeuble vous permettra d’obtenir un bon retour sur investissement.
NB : Cette contribution ne prend pas en compte les cas de commerçants véreux qui investissent dans l’immobilier et sont prêts à réaliser un retour sur investissements immédiat en faisant fi de toutes réglementations nationales ou métier. Et qui n’ont que pour seul leitmotiv que LA CORRUPTION, ce levier imparable face à toute disposition réglementaire sous nos tropiques !
Avec un coucou à mon frère Bruno !