Tous ces jugements ne sont-ils pas quelque peu excessifs, voire biaisés? Certes, les actes de violence qui se sont déroulés dans notre pays ces dernières semaines sont insupportables et ne nous honorent pas du tout, mais il convient toutefois de remettre les choses à leur place et dans leurs justes proportions.
Certains partis politiques, pour des raisons qui leur sont propres, ont choisi de ne pas participer à l’élection présidentielle du 31 octobre. Mais au-delà du simple boycott du scrutin, ils ont décidé de faire en sorte que ce dernier ne se tienne pas du tout. Afin, pensaient-ils, de rendre illégal le maintien au pouvoir du Président Ouattara au-delà du 31 octobre.
Ils ont, pour y parvenir, utilisé les moyens les plus violents. Dans certaines parties du pays, l’on a barré les routes afin que le matériel électoral ne parvienne pas dans les différentes localités ; dans d’autres, l’on a terrorisé les agents chargés d’organiser le vote ainsi que les électeurs, et dans plusieurs autres endroits, l’on a brûlé des maisons, détruit des urnes ou des cartes d’électeurs, et l’on a tiré sur des personnes pour tenter de créer des conflits intercommunautaires. Précisons que tout cela s’est passé dans des endroits bien localisés, à savoir essentiellement les fiefs des leaders de l’opposition, et non pas sur l’ensemble du territoire. Ainsi à Daoukro, Ouellé, M’bahiakro, région d’origine du président du Pdci, il a été interdit aux militants du parti du Chef de l’État de faire campagne, d’afficher des posters de leur candidat, sous la menace d’utiliser la violence extrême, et il a été impossible d’y organiser le scrutin en raison de voies barrées par des troncs d’arbres et gardées par des hommes armés.
A Bocanda, la campagne a pu se dérouler, mais le jour du vote, des hommes armés sont venus détruire les urnes. De façon générale, le vote s’est déroulé avec beaucoup de difficultés ou n’a pas pu se dérouler du tout dans ce que l’on appelle le « V Baoulé », où l’ethnie du président du Pdci est majoritaire. Précisons que c’est à Daoukro, le village natal d’Henri Konan Bédié, président du Pdci, que s’est déroulée l’horrible scène de la décapitation. Que voulait démontrer l’opposition ? Elle voulait peut-être montrer que cette partie de la Côte d’Ivoire ne veut pas du Président Ouattara et reste fidèle à celui qui a pris la tête de la contestation du pouvoir depuis quelque temps. Mais au-delà, il s’agissait surtout, pour cette opposition, de faire en sorte qu’il n’y ait pas d’élection du tout, afin de pouvoir exécuter le projet d’une transition qu’elle conduirait. Mais la démonstration aurait été plus éloquente si, après avoir lancé le mot d’ordre du boycott, l’on avait laissé les populations libres de rester chez elles et choisir de ne pas aller voter.
Dans nos matches de football au village lorsque nous étions gosses, c’était l’équipe menée qui créait le cafouillage afin de mettre fin à la partie sans perdre la face. Lorsque l’on a la majorité, l’on n’a pas besoin d’utiliser la force. Au contraire, son usage indique que l’on ne veut pas que l’on sache ce que l’on représente réellement sur le terrain, et l’on veut imposer sa volonté par la terreur. C’est ce que l’on appelle terrorisme. Et il est toujours le fait de groupuscules minoritaires qui veulent imposer leurs vues par la force. On a terrorisé les populations du « V Baoulé » afin qu’elles n’expriment pas ce qu’elles ressentent pour le Président Ouattara. Le propre du terrorisme est qu’il est souvent aveugle, frappe indistinctement, et dans le cas d’espèce, ce sont les populations censées soutenir le Pdci qui ont payé le plus lourd tribut à ce boycott actif. Jusqu’à ce jour, de nombreuses personnes dans les villages de la région de Daoukro n’ont pas accès à la ville, donc pas aux hôpitaux, aux maternités, aux pharmacies, aux marchés, où tous les prix ont flambé.
Alors, parodie d’élection ? Il y a certes eu impossibilité d’organiser le scrutin dans plusieurs endroits, mais les observateurs sérieux ont vu qu’il s’est bien déroulé dans beaucoup plus d’autres endroits. Taux de participation à moins de 10% ? A partir de quels calculs et observations est-on parvenu à ce chiffre ? La Côte d’Ivoire à feu et à sang ? Il y a bien eu d’intolérables scènes de violence, mais tous ceux qui vivent en Côte d’Ivoire constatent par eux-mêmes que le calme est revenu et la vie a repris, y compris dans le fameux « V Baoulé ».
Pays incontrôlable ? C’est peut-être un rêve caressé par certains, notamment ceux qui ont tenté en vain d’opposer les différentes communautés et ont appelé l’armée à sortir de son rôle républicain ; mais encore une fois, ceux qui vivent en Côte d’Ivoire sont les mieux placés pour dire ce qu’il en est exactement.
Avons-nous ouvert à nouveau la boîte de pandore ? Oui, effectivement, depuis que l’on a ressorti les discours qui stigmatisent certaines populations, depuis que l’on a recommencé à raisonner en termes de « eux » et « nous ». Dansons-nous sur un volcan ? Certainement, tant que la sagesse ne nous habitera pas tous, tant que nos cœurs seront remplis de haine, et surtout tant que les mots d’apaisement et de rassemblement que l’on attend ne seront pas sortis de la bouche de ceux qui doivent les prononcer, à savoir ceux à qui le grand âge et le riche parcours politique devraient conférer le titre de sage de la nation.
Par Venance Konan
Le 16/11/20 à 07:35
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