L’impossible transition « démocratique » en Côte-d’Ivoire

Après des élections émaillées de violences dans plusieurs localités, la Côte d’Ivoire s’engouffre progressivement dans une crise une post-électorale et cela commence à devenir une habitude pour ce pays.

Par Antoine Kobena

En football, on aurait dit « l’enjeu tue le jeu ». La Côte d’Ivoire semble incapable de se livrer à un jeu démocratique serein chaque fois qu’elle fait face à un scrutin à enjeux. Depuis plusieurs semaines en effet, le pays connait une crise qui s’est exacerbée avec la tenue le 31 octobre dernier de l’élection présidentielle.

Dans un contexte tendu et marqué par de nombreuses violences, les Ivoiriens ont été appelés aux urnes pour départager Alassane Ouattara, président sortant dont la candidature est contestée et Kouadio Konan Bertin dit KKB. Pascal Affi N’Guessan et Henri Konan Bédié, les deux autres candidats retenus par le Conseil constitutionnel ayant appelé à un boycott du scrutin.

Comme en 2010, en 2000 et plus loin en 1995, cette élection qui était susceptible de voir la Côte d’Ivoire connaitre sa première alternance démocratique vire au fiasco. En réalité, les seules élections présidentielles pluralistes qu’on pourraient qualifier de paisibles enregistrées en Côte d’Ivoire ont eu lieu en 1990 et 2015. Dans le premier cas, Félix Houphouët-Boigny alors puissant président depuis 30 ans était venu à bout du jeune opposant Laurent Gbagbo sans grande surprise.

Puis, le scrutin de 2015 voyait Alassane Ouattara alors allié d’Henri Konan Bédié venir à bout d’une opposition encore affaiblie et divisée 4 ans après la grave crise de 2010.

Eternelles rivalités

48 heures après la présidentielle de 2020, on peut donc dire sauf énorme revirement de situation que la Côte d’Ivoire ne connaitra pas sa première cérémonie de passation de charges entre un chef d’Etat entrant et celui qui deviendrait donc son prédécesseur.

Alassane Ouattara qui se rêvait dans cette posture a finalement choisi de revenir sur son engagement en briguant un nouveau mandat très contesté après la mort brutale de son dauphin désigné, Amadou Gon Coulibaly. En se remettant en selle avec cette candidature qui continue de susciter des violences, le chef de l’Etat qui devrait être déclaré vainqueur du scrutin dans les prochains jours a ouvert une nouvelle page de la guéguerre entre ceux qu’il est convenu d’appeler « les héritiers d’Houphouët ».

De fait, l’actuel locataire du palais présidentiel du Plateau fait une fois de plus face à ses deux meilleurs ennemis que sont Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié. A eux trois, ils monopolisent le gouvernail de la scène politique ivoirienne depuis bientôt 30 ans.

Entre alliances et divorces spectaculaires, leurs vieilles rivalités qui se rapprochent plus de l’inimitié minent la route du pays vers une véritable transition démocratique. Et pour mener ces guéguerres, ils sont aidés par des lieutenants qui peinent à véritablement exister parmi ces trois grands.

Ceux qui espéraient que l’élection de 2010 avait permis de ne plus subir cette éternelle bataille ont malheureusement dû déchanter.

On semble tourner en rond en Côte d’Ivoire et c’est bien le drame de ce pays.

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