Édito de SEM Haidara Mamadou
Il peut être facile, une fois que vous avez identifié une tendance, de voir de nouvelles situations à travers cette position comme une preuve supplémentaire de votre hypothèse. J’ai expérimenté cela récemment avec l’actualité liée à l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Si vous pensez que la situation qui se déroule en Côte d’Ivoire n’est autre qu’un exemple de recul démocratique en Afrique, je vous exhorte à y regarder de plus près.
La Côte d’Ivoire est une nouvelle démocratie qui a fait de grands progrès au cours du mandat du président Alassane Ouattara, émergeant comme l’une des économies et démocraties les plus fortes d’Afrique, renforçant les droits et le statut juridique des femmes et devenant un partenaire commercial et sécuritaire apprécié des États-Unis dans une région soumise à des menaces transfrontalières croissantes et à des attaques de militants extrémistes. Sous la direction du président Alassane Ouattara, la Côte d’Ivoire a adopté une nouvelle Constitution en 2016, limitant à deux, les mandats à la présidence.
Le président Ouattara est candidat pour un autre mandat. Mais si on commence à lire maintenant seulement, il est facile de supposer qu’il s’agit encore d’un cas de plus d’un président réécrivant les règles pour conserver le pouvoir. Mais si vous regardez de plus près, la réalité sur le terrain est une situation vraiment unique qui ne correspond pas à nos notions préconçues de recul des démocraties africaines. En fait, il est devenu de plus en plus clair que la meilleure chance pour la Côte d’Ivoire de conserver les libertés et la croissance qu’elle a obtenues au cours de la dernière décennie est de réélire le Président Ouattara.
Le président Ouattara a officiellement annoncé en mars de cette année qu’il ne briguerait pas un autre mandat et prévoyait de se retirer de la vie publique. Le Premier ministre Gon Coulibaly a ensuite été choisi pour lui succéder en tant que candidat de leur parti. Tragiquement, en juillet, le Premier ministre meurt d’une crise cardiaque, laissant le parti sans candidat à peine douze semaines avant l’élection présidentielle.
Cette circonstance extraordinaire a laissé à un grand parti politique la tâche difficile d’identifier, de sélectionner et de présenter un candidat alternatif en quelques jours ou semaines – un calendrier irréaliste dans tous les pays, et en particulier dans cette démocratie jeune et encore un peu fragile. De plus, l’environnement politique devenait de plus en plus instable, les candidats de l’opposition – y compris plusieurs anciens dirigeants qui avaient participé aux années les plus destructrices et les plus violentes de l’histoire de la Côte d’Ivoire – se disputaient à nouveau le pouvoir et cherchaient à attiser les divisions ethniques.
Face à cette situation imprévue, la décision du Président Ouattara de briguer un autre mandat était la seule voie viable pour son parti et son pays. Et malgré les fausses déclarations de ses opposants politiques, il est légal pour lui de le faire. Le Conseil constitutionnel, institution indépendante qui fait office de cour suprême du pays, a admis définitivement en septembre que la candidature du président Ouattara était conforme à la nouvelle Constitution du pays, qui a été approuvée en 2016 et a établi de nouvelles autorités gouvernementales et des conditions d’éligibilité. De nombreux observateurs extérieurs, y compris les États-Unis, ont reconnu le Conseil comme seule autorité pouvant trancher cette question.
Le Conseil constitutionnel a également jugé éligibles trois candidats de l’opposition dont Henri Konan Bédié, devenu ainsi, l’un des favoris aux côtés du président Ouattara. Bédié a été président de la Côte d’Ivoire de 1993 à 1999 lorsque, en proie à la corruption et à l’emprisonnement d’opposants politiques, son gouvernement a été renversé par un coup d’État militaire mettant fin à une gestion radicalement différente de celle qui allait venir plus tard sous le président Ouattara.
À la suite de la guerre civile et des violences qui ont précédé son élection, le Président Ouattara a pris des mesures pour rétablir la paix, la sécurité et la stabilité économique en Côte d’Ivoire. En conséquence, le pays est devenu l’un des plus forts d’Afrique, ayant avec environ 8% par an la croissance la plus élevée de la sous-région, et un partenaire précieux des États-Unis. La Côte d’Ivoire a été classée parmi les dix pays les plus réformateurs au monde, entreprenant des améliorations économiques et sociales en profondeur, y compris l’élimination des lois qui empêchaient les femmes de posséder ou d’hériter de la propriété. Ce bon bilan de la réforme est l’une des raisons pour lesquelles la Côte d’Ivoire a été retenue en 2017 par la très sélective Millennium Challenge Corporation pour l’octroi d’une subvention de développement de 525 millions de dollars du gouvernement américain.
La Côte d’Ivoire ne doit pas être considérée comme un exemple de plus de recul démocratique sur un continent frappé par les prises de pouvoir par la force et la corruption. Au contraire, alors que la nation pleure toujours la perte d’un candidat prometteur à la présidentielle, son peuple a un choix distinct: continuer à avancer sur la voie de la démocratie, de la paix et de la prospérité dont une nouvelle génération héritera bientôt, ou risquer de céder aux forces nuisibles qui ont tourmenté leur nation dans le passé.
Ce Samedi 31 Octobre 2020, jour des élections en Côte d’Ivoire, les Ivoiriens doivent être autorisés à faire ce choix librement comme le peuple souverain des États Unis a eu l’opportunité de plébisciter en 1940, le Président Franklin Roosevelt pour un 3ème mandat contre l’avis des interpréteurs de loi et establishment politique de Washington DC, dans un environnement marqué par la grande dépression économique et l’entrée en seconde guerre mondiale.
SEM Haidara Mamadou
Ambassadeur de Côte d’Ivoire près des États –Unis d’Amérique
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