Côte-d’Ivoire: KKB devant le patronat « je serai le Président des entrepreneurs, je réduirai de 30% les budgets de souveraineté des Institutions… »

Le candidat KOUADIO Konan Bertin face au Patronat.

Alassane Ouattara n’avait pas pu honorer le rendez-vous devant le patronat pour cause de décès. Il s’était fait représenter par Patrick Achi et 3 autres ministres. À quelques jours du 1er tour de la présidentielle, c’est autour de KKB de venir répondre aux questions du patronat en Côte-d’Ivoire.

L’intégralité de son propos liminaire

Chers entrepreneurs,

Je suis moi-même entrepreneur, avec vous j’ai le sentiment d’être parmi les miens. Je vous propose donc que nous nous parlions franchement.

Incontestablement, avant la crise liée au coronavirus, la Côte d’Ivoire était le wagon du train de l’économie sous régionale :

– PIB de 61,5 Mds en 2020 (selon le FMI), ce qui représente plus d’un tiers PIB de l’UEMOA (pour 1/5ème des habitants).
– 60% des exportations agricoles de l’UEMOA.

Avec une augmentation annuelle autour de 7,5% par an, une politique de croissance économique a été menée ces dernières années, mais c’était une croissance qui profitait d’abord aux grandes entreprises, pour beaucoup étrangères. Nous pouvons tous constater que les fruits de cette croissance économique ne vont que trop peu dans les mains de nos concitoyens. Cela doit changer.
La préoccupation des précédents gouvernements était claire : faire entrer dans le pays des devises étrangères, principalement des dollars et des euros. Mais notre Franc CFA (futur Eco) est déjà arrimée à cette monnaie et est garantie en dernier ressort par la Banque de France. Faire entrer des devises étrangères ne devrait donc pas être la priorité du gouvernement.
A mes yeux, la priorité du gouvernement devrait être de soutenir ses entreprises, ses TPE-PME, ses industries et d’accompagner la transition de ses exploitations agricoles. Il est urgent de soutenir aujourd’hui nos petits entrepreneurs qui seront demain nos grands champions nationaux. Il en va de notre indépendance nationale.

Je ne prétends pas réinventer la Côte d’Ivoire de fond en comble du jour au lendemain. Je ne suis pas naïf, je sais bien que notre pays a un passé. Nous avons des points forts et des points faibles :

POINTS FORTS

• Diversité des ressources : hydrocarbures, minerais (or, cuivre, fer, manganèse, bauxite) et agricoles (1erproducteur mondial de cacao, café, sucre, noix de cajou) ;
• Infrastructures en cours de modernisation ;
• Main d’œuvre abondante, jeune, qualifiée et compétitive au niveau du prix ;
• Large raccordement énergétique

POINTS FAIBLES

• Instabilité politique, donc incertitude économique ;
• Corruption trop présente, en particulier dans l’attribution des contrats publics ;
• Économie encore peu diversifiée (surreprésentation du secteur primaire agricole peu modernisé) ;
• Proportion trop élevée du secteur informel dans l’économie ;
• Sous-emploi du capital humain, notamment dans le domaine de la technologie ;
• Lacunes à combler en matière de gestion des finances publiques, d’infrastructures et d’environnement des affaires, malgré les progrès accomplis ;
Si je suis élu Président de la République, je m’efforcerai naturellement de renforcer nos points forts et de diminuer nos points faibles. Je ferai preuve de pragmatisme et je gouvernerai la Côte d’Ivoire avec vous.
Avant de vous dévoiler mon plan à moyen et long terme pour l’économie du pays, je veux vous présenter une série de mesures que je prendrai immédiatement, pour répondre à la crise qui nous frappe.
Ma priorité immédiate est un plan d’urgence et de sauvegarde de l’économie ivoirienne.
➔ Plan d’urgence et de sauvegarde
Notre pays et notre peuple traversent des temps difficiles. Selon le FMI, l’impact du coronavirus pourrait faire chuter à 2,7% la croissance du PIB en 2020. Si un fort rebond de 8,7% est attendu en 2021, il faut agir immédiatement pour que ce rebond soit le plus fort possible. Il faut être plus ambitieux et aller plus loin que les mesures prises par le gouvernement.
Chers entrepreneurs, je propose comme mesures immédiates :
– Une exonération totale de la patente de deux ans pour les TPE ;
– Une réduction des charges de 50% pour les TPE qui réalisent un chiffre d’affaire inférieur à 40 millions de CFA ;
– Pour les PME, le calcul de la patente seulement sur la valeur locative ;
– La création d’un fonds d’appui au secteur informel (FASI) en mesure d’alimenter et de ventiler les aides par carte bancaire de type prépayé sous forme de micro-crédit couplé à une micro-assurance santé de niveau 1 ;
– La réalisation dès l’automne d’un plan d’enregistrement des entreprises informelles et subordonner les aides gouvernementales au bon enregistrement.
Je soutiendrai les entreprises, mais à condition qu’elles embauchent des jeunes. Ils ne doivent pas être une génération sacrifiée.

Pour relancer la consommation et l’économie, je propose également :

– La création d’un fonds spécial de solidarité (FSS) qui permette d’octroyer à chaque foyer ivoirien sans ressource un revenu minimum universel mensuel de 25 000 CFA par mois pendant un an.
Plus que jamais, dans la tempête, il est urgent que l’État prête main forte aux entrepreneurs ivoiriens !
Nous le savons, nos intérêts sont communs. Vous voulez faire du business et je veux créer des massivement des emplois. Quand je serai élu, je mettrai en œuvre toutes les mesures nécessaires pour vous permettre de développer vos activités économiques au pays. Le peuple ivoirien en a besoin.
Mon premier objectif sera d’assurer un climat propice aux affaires. Pour ce faire, il est essentiel de changer la façon dont le pays est gouverné. Je souhaite instaurer une nouvelle gouvernance.

à Instaurer une nouvelle gouvernance

Cette nouvelle gouvernance que je souhaite sera bâtie autour de trois axes fondamentaux :
– Unité et concorde nationale ;
– Sécurité des investissements ;
– Neutralité de la décision publique et lutte indéfectible contre la corruption.
• Unité et concorde nationale

Chaque Ivoirien le sait et les entrepreneurs mieux que personne : notre pays est fort quand il est uni. Élu Président, je m’appliquerai à promouvoir tout ce qui nous rassemble : notre culture, élément d’identification par excellence de notre peuple ; notre attachement à la laïcité, qui permet à chaque citoyen de vivre librement sa religion ; notre justice, qui doit être équitable pour tous ; notre besoin impérieux de concorde et de paix.
La réconciliation est la pierre angulaire de mon programme, le cœur même de ma démarche. A la différence de mes adversaires politiques qui alimentent les divisions au sein de la population, mes priorités sont l’unité et la paix. Je le sais, un climat de paix est bon pour les affaires. Nos intérêts sont donc communs.
Pour toutes ces raisons, je constituerai un gouvernement d’unité nationale, pour en finir avec les divisions par l’ethnie, qui datent d’un autre âge, et fédérer autour du premier mot de notre devise nationale : Union. Vous connaissez mon engagement, mon histoire : je suis et j’ai toujours été un partisan de l’unité ivoirienne.

• Sécurité des investissements

A l’échelle nationale, le succès économique est là, sur le papier. Hélas, une partie importante de la population n’en reçoit pas suffisamment les fruits. Davantage d’entrepreneurs doivent réussir à construire leurs affaires, et cela commence souvent par la capacité à attirer des investisseurs.
Pour ce faire, il me paraît essentiel d’engager une réforme du Code des investissements pour encourager et favoriser l’investissement en Côte d’Ivoire, notamment les investissements étrangers.
Un Code spécifique au secteur informel devra être rédigé. Il visera à accompagner l’intégration de ce secteur à l’économie nationale.
Un Code différencié en ce qui concerne les PME-PMI pourra être créé. L’objectif sera d’orienter les investissements vers le tissu économique local.
S’agissant de la politique fiscale ivoirienne, je le concède : elle est devenue trop complexe, voire illisible pour les investisseurs. Elle favorise trop largement les grandes firmes étrangères, au détriment des entreprises nationales. J’engagerai rapidement une simplification et une stabilisation des procédures fiscales.
Pour davantage de lisibilité, les mesures que je prendrai seront celles qui prévaudront tout au long de mon mandat. Je serai un gage de stabilité.

J’assurerai la justice sociale sans augmenter le niveau des prélèvements. Pour ce faire, je renforcerai les moyens de l’État dans le domaine du recouvrement de l’impôt et je réorienterai la politique fiscale. J’engagerai notamment les mesures suivantes :
– Simplification des procédures fiscales, notamment par la généralisation des plateformes numérique ;
– Dématérialisation de tous les guichets uniques pour limiter les fraudes et accélérer les procédures ;

• Neutralité de la décision publique et lutte indéfectible contre la corruption

Jamais l’intérêt particulier d’un détenteur de l’autorité ou d’un de ses proches ne doit primer sur l’intérêt général. La corruption et le copinage ont trop fait souffrir le pays. A travers nos entrepreneurs floués, c’est tout le pays qui est contraint à stagner. Mon engagement devant vous est formel : si je suis élu, cela cessera.
Dans l’attribution des marchés publics, je mettrai notamment en œuvre les mesures suivantes :
– Mise en place d’une régie unique, autonome et indépendante de passation des marchés publiques de plus de 10 milliards de FCFA dotée de deux cellules : une cellule technique et une cellule d’arbitrage ;
– Création d’une régie spécifique de marchés publiques de moins de 10 milliards de FCFA destinée aux PME-PMI opérant dans le domaine de prestation de services tels que le bâtiment, les infrastructures, la fourniture de bureau, l’entretien, etc. ;
– Nomination par appel à candidature des responsables des régies avec des contrats de performance sous sermon devant la cour des comptes ;
– Informatisation intégrale de l’ensemble des régies de sorte à réduire les délais de passation de marché, quel que soit la nature du marché (durée maximale 1 mois) ;
– Suppression du cautionnement bancaire exigé aux PME-PMI pour les marchés de moins de 10 milliards de FCFA et pour les prestations de Consultances et d’études ;
– Instauration d’un système de pré qualification exigée des entreprises adjudicataires de gros marchés de plus de 10 milliards de FCFA dans les domaines des infrastructures et du bâtiment : études de qualification effectuée par un cabinet indépendant. Le coût de la prestation du cabinet étant intégré dans le montant du marché ;
– Renforcement des missions de l’autorité de régulation des marchés publics avec la nomination par appel à candidature de directeur de cette institution ;
– Démocratisation de l’information autour des marchés publics avec l’usage des canaux de communication à accès publics et moins onéreux.
Dans mon programme, j’ai également prévu d’élargir drastiquement les pouvoirs de la Haute autorité de la bonne gouvernance. L’institution sera désignée par la société civile et l’opposition, en toute indépendance, et aura mandat pour se saisir de tous les dossiers. Il est urgent de renouer avec la méritocratie ivoirienne. Aucun corrompu ne doit s’estimer à l’abri.
à Les cinq piliers de mon projet

Mon projet pour la Côte d’Ivoire est construit autour de 5 axes principaux qui sont :

1- Développer l’industrie nationale

2- Moderniser la politique agricole

3- Bâtir une école au service du pays

4- Assainir les finances publiques

5- Pour une écologie du développement

1) Développer et renforcer notre industrie nationale

La crise a révélé notre trop forte dépendance sur les marchés internationaux. A l’exportation, nous sommes dépendants du cours de nos matières premières ; à l’importation, nous sommes tout aussi dépendants du prix des produits manufacturés. Il convient de remédier à cette situation qui pénalise notre balance commerciale.

Dans le cadre de l’entrée en vigueur prochaine de la zone de libre-échange continentale, il est urgent de se doter dès maintenant d’un arsenal industriel conséquent et souverain.

Je veux initier, en concertation avec vous, un plan décennal d’industrialisation du pays. L’objectif sera de :
– Privilégier la transformation des matières premières en Côte d’Ivoire ;
– Limiter les pertes dans la transformation de la matière première, pour en maximiser le rendement ;
– Renforcer notre indépendance industrielle.

– Développer une politique fiscale attractive au profit des entreprises en joint-ventures avec des PME-PMI à capitaux propres ivoiriens ;
– Encourager la prise en compte de l’écologie, qui représente une opportunité industrielle à saisir pour la création d’emplois.

2) Moderniser l’outil agricole ivoirien

La Côte d’Ivoire est un pays qui dispose de ressources humaines et naturelles exceptionnelles. Nous avons beaucoup d’atouts. Seulement, notre modèle est encore trop souvent celui d’une agriculture familiale de subsistance, qui peine à dégager des gains de productivité.
Je souhaite que la Côte d’Ivoire relève sans tarder le défi de la transformation de son agriculture. Je souhaite rapidement :
– Planifier la mécanisation ;
– Réorganiser les exploitations agricoles familiales vers un modèle en société de capitaux qui sera la clé de voute du financement du secteur agricole.
Je veux changer de paradigme et initier une nouvelle politique agricole. Je veux :
– Amorcer le processus d’organisation industrielle du secteur agricole ;
– Développer une approche plus intégrée et participative de l’ensemble des acteurs, de la production à la commercialisation en passant par la logistique ;
– Accompagner la transition vers un modèle de production « market oriented », plus adapté aux attentes du marché ;
– Développer des « Trade center » bâtis autour de Centres de commerce généraux (du style AGRIPARC), sur un modèle de partenariats public/privé ;
– Amplifier le rôle des magasins centraux dans la régulation du marché des produis de grande consommation ;
La transition agricole que je mettrai en œuvre entraînera trois effets immédiats :
– Mettre fin au problème des faibles rendements ;
– Régler définitivement la question de l’insécurité alimentaire ;
– Libérer les énergies vers d’autres secteurs d’activités, notamment l’industrie et les services.

3) Bâtir une école au service du pays

L’éducation est ma priorité. Je veux une école qui permette à chaque enfant ivoirien de devenir quelqu’un en lui permettant de contribuer au développement de notre pays.
Pour ce faire, je mettrai en œuvre une école en adéquation avec les besoins de la nation. J’estime indispensable de :
– Développer l’apprentissage ;
– Encourager le secteur privé à investir notablement dans la formation de la jeunesse en améliorant la taxe pour l’apprentissage ;
– Penser l’éducation nationale en rapport avec le plan national de développement ;

4) Assainir les finances publiques

Je l’ai dit, notre législation fiscale est trop compliquée, voire même illisible. Dès le début de mon mandat, je lancerai un grand chantier de simplification et de numérisation des démarches fiscales.
Mais pour réduire la pression fiscale et dans le cadre de mes engagements en matière de lutte contre la corruption, je m’engage également à améliorer la gestion des dépenses publiques et à réduire le train de vie de l’état. Je m’engage notamment à :

– Instaurer le principe de l’endettement intelligent orienté vers les secteurs productifs et les infrastructures structurantes ;
– Instaurer le principe des appuis budgétaires ciblés vers la compétitivité des secteurs productifs, l’accompagnement énergétique et infrastructurel ainsi que l’amélioration de la gestion des finances publiques ;
– Diminuer de 30% le budget de souveraineté de la Présidence de la République et des grandes institutions de l’État ;
– Supprimer les fonds souverains alloués par la Présidence au profit des proches et amis.

5) Pour une écologie du développement

Je l’ai dit, l’écologie représente une opportunité économique à saisir.
Je veux aller plus loin en la matière. L’écologie c’est aussi repenser le cadre de vie, le rendre durable. Au fond, c’est assurer un cadre propice aux affaires.
Je souhaite rénover en profondeur nos infrastructures et repenser notre urbanisme en :
– Mettant en place une régie d’intelligence en gestion du développement des infrastructures économiques ;
– Désengorgeant nos grands centres urbains, notamment Abidjan, en créant de nouveaux centres administratifs et commerciaux à Bingerville, Grand-bassam et Dabou, ainsi que des cités dortoirs sur les corridors des lignes de train à grande vitesse Abidjan – Bouaké, Grand-Bassam – Abidjan – Yamoussoukro et Dabou – Bingerville.

Je veux adopter une politique volontariste en matière de protection de l’environnement et :

– Mettre fin au déboisement sauvage et intensifier le reboisement, aussi bien en milieu urbain que dans l’arrière-pays ;
– Aménager les embouchures des fleuves pour faciliter l’évacuation des eaux et les crues vers la mer, et endiguer l’érosion.
à Financement des mesures
Naturellement, le projet que je souhaite mettre en œuvre représente un accroissement important des charges de l’État. Il sera financé notamment par :
– Une réorientation des fruits de la fiscalité et des transferts budgétaires internes ;
– Un plan drastique de lutte contre les gabegies financières ;
– La mobilisation d’une partie des fonds consacrés au service de la dette après renégociation de celle-ci et annulation des intérêts ;

– La création d’une contribution de solidarité sur les très grandes entreprises, notamment les grands groupes étrangers détenteurs de contrats octroyés par l’État.

Chers entrepreneurs,
Notre pays a toujours eu un rôle de locomotive du développement économique, social et culturel dans la sous-région et en Afrique. Pour ceux qui se considèrent comme les héritiers du Président Félix Houphouët-Boigny, notre mission est, en toutes circonstances, de tout faire pour hisser la Côte d’Ivoire au premier rang.
Vous l’aurez compris, dès le début de mon mandat, je prendrai mes responsabilités. Les mesures que je mettrai en œuvre structureront la Côte d’Ivoire de demain.

Je serai notamment le Président des entrepreneurs. Je serai un gage de stabilité, de simplification et de confiance.
Je n’en doute pas un seul instant, la Côte d’Ivoire a tous les atouts nécessaires pour réussir.

A l’inverse des vieux pays industrialisés, notre pays est jeune, son économie est résiliente car, dans une large mesure, elle reste à construire. C’est en effet l’un de nos atouts majeurs : chez nous, tout reste à bâtir. Nous mènerons ce chantier ensemble. Comme les dernières années ont vu l’émergence de l’Asie, cette fois, tous les indicateurs nous montrent que les prochaines décennies verront l’émergence de l’Afrique.