Par Georges Corm
Aperçu Le Monde diplomatique octobre 2020
En exhortant fermement la classe politique libanaise à se doter d’un nouveau gouvernement apte à conduire des réformes, le président français Emmanuel Macron a perpétué la tradition d’ingérence des grandes puissances dans les affaires internes du pays du Cèdre. Pour autant, les élites politiques locales échouent à édifier un État solide capable de répondre aux défis économiques et sociaux.
Depuis le XIXe siècle, le Liban ne cesse d’être confronté à l’interventionnisme de grandes puissances lui conférant un tragique statut d’« espace tampon » à la souveraineté formelle. En 1833, le pays est occupé par les troupes d’Ibrahim Pacha, fils du puissant Mohammed Ali (ou Méhémet-Ali), vice-roi d’Égypte, adversaire déclaré du sultan ottoman après en avoir été le vassal. Mais les Britanniques ne l’entendent pas de cette oreille et finissent par obliger la France, dont le souverain égyptien est à la fois un admirateur et un allié, à faire pression sur lui pour que son fils retire ses troupes de la montagne libanaise en 1840. Le concert des cinq puissances coloniales (France, Italie, Prusse, Autriche, Angleterre) estime alors que les ambitions de Mohammed Ali de renverser la monarchie ottomane et de se substituer à elle ne sont pas acceptables.
C’est dans ce contexte de luttes d’influence entre grandes puissances européennes quant à l’avenir de l’Empire ottoman, qualifié d’« homme malade » par la diplomatie russe, qu’éclatent de nombreux troubles sanglants entre paysans maronites et druzes pour la première fois dans l’histoire de la montagne libanaise. Ces heurts ne sont alors que la conséquence directe de la rivalité impérialiste franco-britannique, qui se focalise sur ce territoire et détruit, par ses manœuvres et manipulations, la grande symbiose pluriséculaire existant dans la région du Chouf entre les deux communautés druze et maronite. De cette coexistence avait émergé dans le passé la grande figure de Fakhreddine II, qui régna sur l’émirat de la Montagne de 1590 à 1635. Cherchant à s’émanciper de la tutelle ottomane, en tissant notamment des relations avec la Toscane italienne, l’émir dut faire face à plusieurs campagnes militaires menées par les troupes de la Sublime Porte. Capturé par les Ottomans, il fut exécuté par décapitation à Istanbul.
En 1860, les affrontements entre Druzes, plus ou moins soutenus par l’armée ottomane, et chrétiens s’aggravent et débordent dans la plaine de la (…)
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