Au Bénin la prochaine présidentielle pourrait se jouer sans un seul candidat de l’opposition (parrainage))

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« La loi béninoise ne permet à aucun opposant d’être candidat »

Avec Afp/Voa

Opposants et membres de la société civile dénoncent un recul démocratique au Bénin, longtemps dépeint comme un modèle en Afrique, à six mois de la prochaine présidentielle qui pourrait se tenir sans aucun candidat de l’opposition.

Selon eux, le président Patrice Talon a engagé ce pays d’Afrique de l’ouest dans un tournant autoritaire depuis son arrivée au pouvoir en 2016: un tournant sanctionné cette semaine par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) qui a retiré le Bénin de la liste des « pays sûrs ».

Cette décision a fait grand bruit dans le pays et le porte-parole du gouvernement, Alain Orounla a aussitôt réagi, montrant directement du doigt les opposants « qui ne cessent de clamer partout que les libertés sont en recul au Bénin ».

« Le Bénin est plutôt un pays sûr et considéré comme tel par exemple par le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) », a-t-il rappelé.

Pourtant, dans le pays, on s’inquiète d’un climat politique délétère à quelques mois de la présidentielle. Le chef de l’Etat n’a pas encore annoncé s’il comptait briguer un second mandat, mais sa candidature fait peu de doute parmi les observateurs.

Exil

L’inconnu réside plutôt du côté de l’opposition: une modification du code électoral et plusieurs condamnations judiciaires contre des hommes politiques d’envergure, laissent présager un scrutin en mars 2021 « sans opposition crédible », affirme Mathias Hounkpe, de la fondation Open Society en Afrique de l’Ouest (Osiwa).

« La loi actuelle ne permet à aucun parti dit de l’opposition de présenter un candidat », selon le chercheur.

En cause, un article voté fin 2019, qui impose aux candidats d’être parrainés par 16 députés ou maires pour concourir au scrutin.

Or, lors des législatives d’avril 2019, aucun des partis d’opposition n’avait été autorisé à présenter de listes, et à l’issue des municipales d’avril 2020, boycottées par une partie des opposants, seuls six maires dissidents ont été élus.

« Mathématiquement, il est donc impossible d’avoir un candidat de l’opposition », fait remarquer Ralmeg Gandaho, coordinateur de « Laissez-moi choisir ». Ce collectif d’organisations de la société civile milite pour la suppression du parrainage.

« La situation est atypique », reconnait le président Patrice Talon dans un entretien accordé à Jeune Afrique début octobre, où il réaffirmait son attachement au parrainage des élus qui vise, selon lui, à assainir l’échiquier politique dans un pays qui comptait des dizaines de partis.

A des milliers de kilomètres du Bénin, en exil, les grandes figures de l’opposition rongent leur frein. Condamnées par la justice de leur pays, elles ne pourront pas, sauf revirement, concourir à l’élection.

Patrice Talon est accusé par ses détracteurs d’avoir « instrumentalisé » la justice, avec la création d’un tribunal spécial, pour éloigner de la vie politique ses principaux adversaires.

« Sur plus de cinq cents condamnations prononcées » par ce tribunal « à peine dix concernent des acteurs politiques », répond le président Talon dans Jeune Afrique.

Parmi elles, l’homme d’affaire Sébastien Ajavon, arrivé troisième à la dernière présidentielle et condamné en 2018 à 20 ans de prison pour trafic de drogue.

Cette condamnation a été jugée illégale par la Cour africaine des droits de l’Homme, saisie par l’opposant en exil à Paris, mais le Bénin refuse de l’annuler.

« Tout a été mis en œuvre pour empêcher M. Ajavon de se présenter à cette élection qui a été complètement verrouillée », dénoncent ses avocats Marc et Julien Bensimhon.

Chantiers économiques

De même pour l’opposant Komi Koutché, ancien ministre des Finances, lui aussi condamné à 20 ans de prison pour détournement. Il vit désormais à Washington.

Début octobre, il a lancé son mouvement politique « S’engager pour le Bénin », avec comme objectif de « rassembler l’opposition et tout faire pour avoir une élection équitable ».

A Paris, l’ancien Premier ministre Lionel Zinsou, candidat malheureux au second tour de 2016, joue plutôt la discrétion.

Condamné en 2019 à cinq ans d’inéligibilité, il devrait passer son tour.

Le président devrait s’engager pour un second mandat et poursuivre ses chantiers économiques, notamment dans l’agriculture, le tourisme et les nouvelles technologies: une politique économique très volontariste et populaire chez les jeunes, dans un pays durement touché par le chômage et où près d’un habitant sur deux vit sous le seuil de pauvreté.

Mais pour Mathias Hounkpe, « lorsque vous sacrifiez la démocratie pour le développement, à partir d’un moment vous finissez par perdre les deux ».

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