Chers frères et sœurs Gbagbo ou rien (GOR),
Dans l’une de mes chroniques précédentes, je proposais que l’opposition significative puisse mettre en place un plan B, pour parer à toutes éventualités, notamment au cas où ses exigences contenues dans le plan A dit de la désobéissance civile ne seraient pas intégralement satisfaites. Conscient que l’adhésion de tous à ce schéma sera fort déterminante pour sa réussite et connaissant votre force de mobilisation, je m’adresse particulièrement à vous, aujourd’hui, en espérant convaincre les plus sceptiques d’entre vous de l’urgence de laisser de côté les vieux démons et vieilles querelles, afin de nous engager victorieusement dans le combat de salut public de la Côte d’Ivoire qui s’impose, ensemble, à nous. N’ayant pas l’habitude de la langue de bois, vous me permettrez d’utiliser un langage non codé, basé sur le leitmotiv zouglou « gbè est mieux que drap ».
Chers frères et sœurs GOR, certains d’entre vous exigeraient, avant de s’engager, des excuses publiques du président Bédié, sous prétexte que sans son soutien à Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo ne serait pas à la Haye. Sur ce point, des clarifications sont nécessaires. Car, certaines vérités sont importantes à connaître pour faire son deuil, pardonner et avancer ensemble. Ces GOR « extrémistes » font une fixation sur le fait que le candidat du PDCI-RDA aurait déclaré en son temps qu’il était soulagé que Gbagbo fut arrêté et, plus tard, que Gbagbo était bien là où il se trouvait, c’est-à-dire à la Haye. Sur la première affirmation, il faut se souvenir que, lors de l’arrestation de l’ancien président, plusieurs personnes avaient trouvé la mort, le cas le plus tragique étant celui du ministre Désiré Tagro. Cela permet de comprendre que ce n’était pas de l’arrestation de Laurent Gbagbo en elle-même que se réjouissait le président Bédié, mais du fait qu’il ait pu être arrêté vivant et, ainsi, échappé à la mort. Tous en Côte d’Ivoire connaissent l’aversion du président Bédié pour le sang versé. Il est un des rares présidents de la République de Côte d’Ivoire à pouvoir se targuer de n’avoir jamais fait couler le sang des Ivoirien(ne)s. Dans quel intérêt aurait-il souhaité la mort de Laurent Gbagbo ? Sur la seconde, nul n’est besoin d’être un analyste politique sorti de l’Ecole de gouvernement John F. Kennedy de Harvard, pour comprendre que le président Bédié faisait allusion aux conditions d’incarcération bien meilleures à Scheveningen qu’à Korhogo et au respect des droits de la défense mieux garantis à la Haye que dans nos temples de Thémis.
Cela étant précisé, admettons par hypothèse que le président Bédié exprimait sa joie par rapport à la déchéance de Laurent Gbagbo, ne serait-ce pas de bonne guerre ? L’histoire ne lui en donnait-il pas le droit ou raison, quand on se rappelle que Laurent Gbagbo approuva le coup d’état contre lui et son régime, en 1999, en le qualifiant de salutaire et participa au partage du butin, pendant lequel il se plaignit de sa part de strapontins ministériels. A-t-on besoin d’avoir une mémoire d’éléphant pour se souvenir que le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo avait mis en place avec le Rassemblement des Républicains (RDR) d’Alassane Ouattara, la première alliance politique de l’ère démocratique en Côte d’Ivoire, le Front républicain, pour exécuter le boycott actif de l’élection présidentielle de 1995 ? Il faut être d’une mauvaise foi congénitale ou souffrir d’amnésie – ce qui est loin d’être votre cas – pour oublier que, lors du premier tour de la présidentielle de 2010, Laurent Gbagbo se tint coi sur les plus de 600 milles voix volés au candidat Bédié qu’il voulait à tout prix éviter au second tour, préférant affronter Alassane Ouattara qu’il jugeait plus facile à battre, au jeu des reports de voix ? Faut-il rafraichir la mémoire des uns et des autres sur le fait que durant sa présidence, Laurent Gbagbo ne fit quasiment rien pour se rapprocher d’Henri Konan Bédié, quand bien même celui-ci avait sauvé son fauteuil, lors des négociations de Linas-Marcoussis ?
Le temps est venu pour chacun d’ouvrir les yeux et de regarder la réalité en face. Laurent Gbagbo est fondé à reprocher des choses à Henri Konan Bédié, tout comme le Sphinx de Daoukro est légitime à en reprocher mille et une au Woody de Mama. Mais le combat que nous menons aujourd’hui n’est ni au profit du président Bédié, ni au profit du président Gbagbo : c’est un combat pour sauver la Côte d’Ivoire de la démocrature et c’est le combat de toute une vie pour Laurent Gbagbo, considéré, à tort ou à raison, comme le père de la démocratie ivoirienne. Ce combat est plus grand que l’erreur que le président Bédié a pu commettre en faisant alliance avec Alassane Ouattara. Le combat que nous menons aujourd’hui, c’est celui du salut des Ivoirien(ne)s dans leur diversité, pour mettre fin à la violation de notre Constitution, au rattrapage ethnique et au tabouretisme, afin de créer, ensemble, les conditions de la réconciliation nationale, de la paix retrouvée et de la prospérité partagée. Nous devons ensemble nous battre, afin de garantir à nos jeunes, hommes et femmes, et à nos enfants, filles et garçons, une chance d’avoir un emploi décent, sans être obligés de rentrer dans le système de la fraude ou de la corruption, ou d’entreprendre librement avec succès. Nous devons songer à travailler, solidairement, à la restauration du vivre ensemble et du jouir ensemble, à la construction d’une nation unie et forte, dont les populations vivent en harmonie et en cohésion, et d’un état de droit, dans lequel les libertés publiques et les droits de l’homme sont respectés, un état moderne dans lequel les institutions sont plus fortes que les hommes qui les incarnent. Face à leur « séfonnisme » et leur « tabouretisme » érigés en régime et mode de gouvernance, nous devons afficher l’union sacrée de notre « gbonhi ». Laissons de côté ce que Gbagbo a fait à Bédié ou ce que Bédié a fait à Gbagbo, pour nous recentrer résolument sur les vrais enjeux ci-dessus évoqués. Ils se sont parlé humblement. Bédié est allé vers son petit-frère et son petit frère l’a reçu. Il ne nous revient pas de mettre de l’huile sur le feu, mais d’œuvrer à les rapprocher, afin de bénéficier de leurs grandes expériences dans le combat ultime qui nous attend et que nous ne pouvons pas nous autoriser à perdre.
Dans cette marche synchronisée, la question centrale n’est pas celle de la libération de Laurent Gbagbo et des autres dirigeants. Car, que le FPI soutiennent le vieux parti ou non, dans sa reconquête du pouvoir d’Etat, la libération de tous les prisonniers politiques, civils et militaires sera un acquis, dès le retour au pouvoir du président Bédié. Il ne s’agit pas pour lui d’une stratégie ou d’une offre politique, mais d’un impératif démocratique. En l’affirmant haut et fort à son discours-programme, en le réaffirmant lors de son appel à la désobéissance civile, Henri Konan Bédié montre qu’il n’est point dans une démarche de marchandage avec son frère Laurent Gbagbo, mais dans une dynamique de sincérité émanant de son attachement inconditionnel à l’état de droit et au respect des droits de l’homme et des libertés publiques. Donc, ce n’est pas en contrepartie d’un quelconque soutien dont il a besoin de la part de son frère Laurent Gbagbo que Me Henri Konan Bédié (il possède un diplôme d’avocat, ne l’oublions pas !) s’engage à le libérer avec tous les autres prisonniers politiques. Ce n’est pas non plus pour cette raison que les partisans de Laurent Gbagbo doivent se joindre à Henri Konan Bédié, mais parce qu’ensemble ils constituent une garantie, un gage, une sûreté, pour asseoir solidement et durablement la réconciliation nationale, condition sine qua non pour réaliser les projets dont rêvent les Ivoirien(ne)s de tous bords. Certes seront pris en compte les intérêts partisans et communs, mais la priorité reste l’intérêt général et l’intérêt supérieur de la Nation.
Chers frères et sœurs GOR, comme vos frères et sœurs du PDCI-RDA, des autres partis de l’opposition, des syndicats des travailleurs et de la société civile, le pays vous appelle. Tous rassemblés et pour sa gloire, unis dans la foi nouvelle, bâtissons, ensemble, la patrie de la vraie fraternité.
En toute fraternité,
KOUAME Yao Séraphin
Maire et délégué PDCI-RDA de Brobo
Chercheur en Science politique
======= LES MOTS D’ORDRE ET LE COURAGE =====
N’est pas opposant farouche qui le veut ! Lancer des mots d’ordre violents et être capable de les appliquer soi-même en étant prêt à en subir les conséquences, n’est pas toujours à la portée du premier venu.
Le parcours d’un opposant comme Abdoulaye Wade fût long et semé d’embûches. Srnommé par Senghor, Laye « Ndiombor » (le lièvre en Wolof), Wada a survécu à beaucoup d’épreuves !
Le Lièvre est surtout très prévenant et sait voir venir les problèmes de loin. Jamais il ne prêtera par exemple ses couilles à un ami peureux !
Jean Copans est un grand anthropologue et sociologue français. Un de ces africanistes ayant sillonné notre continent. De ses pérégrinations en Afrique, il a recueilli des « Contes wolof du Baol (Sénégal) » qu’il publiera avec l’aide de Philippe Couty, chez Karthala.
De ce croustillant ouvrage, j’ai lu pour vous ce magnifique conte :
============= LE POLTRON ET SON AMI ============
Il était une fois un homme qui était si poltron qu’on en parlait de pays en pays.
Il alla un jour chez sa fiancée, se coucha avec elle dans la case et la conversation s’engagea.
Tout à coup, un chat se mit à gratter à la porte. Le poltron se leva et saisit son coupe-coupe, tremblant de peur. Juste à ce moment, la jeune fille, qui était sortie pour un petit besoin urgent, revenait dans la chambre. Mais à peine avait-elle ouvert la porte que le coupe-coupe lui trancha la tête ; l’homme crut avoir affaire à un ennemi. Il se recoucha tranquillement et attendit. Son ami vint lui dire :
– Tu n’as pas l’air de comprendre la gravité de ce que tu viens de faire. C’est ta fiancée que tu viens de tuer !
Stupéfait, le poltron se prit le menton et resta bouche bée.
Un moment après, un charognard, passant par-dessus le toit, fit irruption dans la chambre en disant :
– Ne t’effraye pas, mon cher ami, si tu consens à me donner UN DE TES TESTICULES tout de suite, je ressuscite ta fiancée.
L’homme réfléchit un moment, puis, saisissant son ami par le pantalon, lui cria :
– PRÊTE-MOI UN DE TES TESTICULES, je te le rendrai à la maison !
– C’est dommage, je n’en ai apporté aucun aujourd’hui ! lui répondit l’autre.
Si on ne sait pas qui était l’homme du conte, on se souvient par contre que son ami très rusé était Ndiombor, le lièvre !
Dos au mur, nous voici !!!