Éditorial – Côte d’Ivoire
Plusieurs observateurs sont unanimes sur le fait que si le Burkina Faso a échappé à un bain de sang en 2014, au moment de la chute de Blaise Compaoré, c’est entre autre, à cause de la peur de la Cpi.
Ainsi, l’ex-Chef de l’État burkinabè a préféré se réfugier à Abidjan plutôt que de rejoindre, à la Haye, Jean-Pierre Bemba, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé.
De plus en plus contestée par des États africains, la Cpi reste pourtant une juridiction internationale dont l’action s’avère dissuasive, dès l’instant qu’elle instruit le procès d’individus qui y sont jugés pour crimes de guerre, génocide, ou pour l’usage de la violence en politique.
Dans le cas de Laurent Gbagbo, on peut reprocher à la CPI une certaine lenteur qui induit une situation des plus confuses pour l’ancien président ivoirien, mais pour la Côte d’Ivoire aussi.
Certes, la Cpi est « un enfer dont on finit bien par sortir », pour reprendre une jolie expression d’un livre de Charles Blé Goudé « De l’enfer, je sortirai »; néanmoins cet enfer dont on finit par sortir n’est nullement un paradis où l’on souhaite aller. Cela reste un enfer, dont il faut savoir se garder ….
Quel peut être le poids de cette institution judiciaire décriée, mais fort utile et une sorte de mal nécessaire pour aider à réguler la vie politique et assurer la victoire de la démocratie dans les pays, dont les dirigeants au pouvoir, ou dans l’opposition, ont commis les pires exactions avec ce sentiment de justice légitime et d’impunité qui caractérise les fauteurs de troubles, les dictateurs ou les génocidaires ?
La Cpi, par sa seule existence, contribue à éviter, par ses alertes et sa vigilance, les exactions et les pires crimes contre les droits humains. Elle est là aussi pour punir et sanctionner, comme le montrent les exemples d’individus rattrapés par la Cpi des années après avoir commis des crimes de guerre ou contribué à des actions génocidaires. C’est le cas du Rwandais Félicien Kabuga, accusé d’être le financier du génocide au Rwanda en 1994, transféré par la France devant la justice internationale vingt-six ans après les faits qui lui sont reprochés.
Actuellement en Côte d’Ivoire, sous le feu de l’effervescence électorale, les uns et les autres lancent des phrases qui demain peuvent être retenues contre eux : « La Côte d’Ivoire va brûler, il veut brûler la Côte d’Ivoire, un coup Ko, ceci n’est pas négociable, désobéissance civile…, etc., désobéir à la désobéissance civile ».
À priori ces mots et expressions semblent anodins. Pourtant , il est évident que si le nombre des victimes, à l’approche du 31 octobre 2020, et au-delà, s’accroît, ces mots, qui appellent à la violence, à l’insurrection armée, à une réaction de légitime défense, pourraient prendre une autre signification dans le cadre d’une enquête visant à situer la responsabilité des uns et des autres dans des crimes commis.
La Cpi devra cependant éviter de commettre les erreurs qui lui ont été reprochées dans la procédure contre Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, à savoir des poursuites contre un seul camp, alors qu’elle s’était engagée à enquêter sur chaque camp.
Alors que des groupes proches du Pdci avaient annoncé leur intention de saisir la Cpi contre le président Alassane Ouattara en vue de prévenir une nouvelle crise dans le pays , la procédure en cours contre le Président Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé n’est toujours pas terminée, alors qu’elle concerne la crise postélectorale de 2010-2011 et ses 3 000 morts.
Pour éviter que ne se reproduise une crise postélectorale, dont les victimes sont toujours les populations, les acteurs politiques ivoiriens de tous les bords doivent faire preuve de responsabilité, avant qu’il ne soit tard. On ne gouverne pas une « terre brûlée » par l’action des « va-t-en guerre ». La violence appelle la violence et nourrit le sentiment de vengeance.
Henri Konan Bédié, Guillaume Soro, Pascal Affi N’Guessan et bien d’autres acteurs de l’opposition, comme le Président Alassane Ouattara, en sont assurément conscients. Ils savent également que la justice internationale n’aura pas besoin d’avoir plus de trois mille morts, comme en 2010-2011, selon des chiffres officiels, pour engager une action contre les responsables des violences commises.
Suite à lire sur
Commentaires Facebook