Par Connectionivoirienne
« Est-ce que les journalistes ivoiriens peuvent nous écouter ? »
L’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (Unjci) a organisé les 14 et 15 septembre 2020 à Grand Bassam un séminaire de formation sur la couverture médiatique en période électorale. Pour la faîtière des journalistes de Côte d’Ivoire, il s’agit là, d’outiller les journalistes et de prévenir les dérives susceptibles de provoquer des troubles graves dans le pays. « Nous devons refuser le sort funeste à la Côte d’Ivoire (…). Nous sommes des journalistes et non des acteurs politiques et il ne faut pas être plus royaliste que le roi », a déclaré le président de l’Unjci, Jean Claude Coulibaly à l’ouverture du séminaire.
Invité à développer le module « Questions éthiques et déontologiques à prendre en compte dans la couverture en période électorale », le journaliste et consultant Zio Moussa a longuement instruit les journalistes sur leur responsabilité dans le choix des angles de papiers pendant cette période hautement sensible de l’élection présidentielle. Il est revenu sur le code de déontologie pour rappeler les droits et les devoirs du journaliste y contenus. La nécessité de l’équilibre de l’information, la quête de l’honnêteté et du respect des faits, la citation des sources et la publication des informations dont la véracité est établie, notamment. Zio Moussa, par ailleurs, président de l’Observatoire de la liberté de la presse de l’éthique et de la déontologie (Olped), sorte d’autorégulateur, a répondu à cette lancinante préoccupation qui hante les journalistes : « Peut-on tout écrire et tout dire ? ». Pour l’expert des questions d’éthique, il n’y a pratiquement pas d’interdit en journalisme. Toutefois, a-t-il insisté, si tout peut se dire et s’écrire, il faut le faire avec tact tout en respectant les règles de la profession, c’est-à-dire, en ayant à l’esprit que ce que l’on écrit ne doit pas faire l’apologie de la guerre, appeler au crime, faire la diffamation.
En tout état de cause, en période électorale, il a conseillé aux journalistes de ne pas se substituer aux hommes politiques et de sérier les propos à relayer. Ceci, parce que, dira-t-il, au regard de la loi, le support qui relaie des messages de haine ou des propos déplacés est tout aussi pénalement responsable que celui qui tient les propos. « La couverture de l’élection présidentielle de 2020 doit interpeller notre responsabilité », a-t-il insisté.
Puis répondant à une question sur les dérives de la presse dans un environnement où existent des organes de régulation, Zio Moussa a eu cette réponse interpellatrice : « Est-ce que les journalistes ivoiriens peuvent nous écouter quand ils sont dans des médias tenus par des hommes politiques ou bien quand des organes de presse proclament leur proximité avec des partis politiques ». Poursuivant sur sa lancée, le consultant formateur a proposé quelques pistes de solutions pour une meilleure régulation du milieu. « (…) Nous allons faire de la co-régulation (entre la Haca, l’Anp et l’Olped) de sorte à certifier les sites internet crédibles. Il nous faut réguler également les réseaux sociaux et revoir la loi de 2017 qui comporte encore des imperfections. Mais la régulation à elle seule ne peut rien faire. Il faut que les journalistes nous aident », a-t-il explicité. Puis Zio Moussa pour marquer les consciences a ressorti les dérives de la presse rwandaise qui ont conduit trois journalistes radio et presse écrite en prison dans le procès consécutif au génocide des Tutsis et Hutus modérés en 1994 dans ce pays. Deux des journalistes ont été condamnés à la perpétuité et le troisième à 35 ans de prison devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda, le Tpir basé à Arusha en Tanzanie. Ils l’ont été pour des propos ou écrits incitant à la haine et au génocide. « Est-ce que en Côte d’Ivoire, nous ne sommes pas allés aussi loin ? », interroge-t-il avant de lire des coupures de journaux aux contenus incendiaires.
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr
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