Alassane Ouattara est arrivé à Bongouanou, chef-lieu de la région du Moronou le mercredi 9 septembre 2020, par voie aérienne.
Cette 30e visite d’État depuis 2012 a été bien programmée et planifiée pour répondre à des objectifs de propagande politique.
C’est Alassane Ouattara lui-même, devant les militants du Rhdp le 29 juillet à l’hôtel Ivoire, qui dévoilait l’objectif caché. Il avait expliqué qu’il en avait arrêté les modalités avec son défunt premier ministre, alors candidat du Rhdp. Cette visite devait servir de tremplin à Gon Coulibaly pour tester sa popularité. Viendrait par la suite celle de la Marahoué en pays yowrè et gouro juste avant l’ouverture officielle de la campagne électorale.
Cette première étape du Moronou obéit donc de prime abord à un acte de respect de la mémoire de Gon Coulibaly. Ayant pris le relais de celui-ci en tant que candidat du Rhdp, Alassane Ouattara se remet à l’étrier et vient ici jauger de sa popularité dans un contexte de rejet de sa candidature, jugée anticonstitutionnelle par une partie de la classe politique et de l’opinion.
Et avec les foules mobilisées et convoyées depuis Abidjan et les contrées voisines, le président candidat peut s’enorgueillir de ce qu’il reste encore populaire dans la masse. Que cela soit illusoire aux yeux de certains, peu importe surtout qu’il revient d’une visite à l’Elysée où il s’est présenté à son hôte Emmanuel Macron comme le seul à pouvoir assurer la stabilité de la Côte d’Ivoire.
Avec ces images du Moronou, fief de l’opposant Affi N’guessan où le Rhdp ne compte pas d’élu et la seule région où Ouattara a mordu la poussière en 2015, le président candidat donne d’abord une réponse à Paris. Il veut ensuite se présenter comme le candidat du développement et de la réconciliation nationale. N’est-ce pas à Bongouanou, ancien fief de Gbagbo qu’il annonce le retour de l’ancien président s’il est élu ? Le disant, Ouattara sait sans doute qu’il commet peut-être une bourde, mais c’est un message en direction de la communauté internationale qui comprend mal son attitude à maintenir un acquitté de la Cour pénale loin des frontières de son pays, alors qu’en RDC, Jean Pierre Bemba était rentré à Kinshasa sans que sa présence influence le processus électoral et l’issue des élections.
Comme on peut le comprendre, cette visite ne manque pas d’intérêts et donne un avant-goût de ce que sera la campagne d’Alassane Ouattara, l’homme à la triple casquette : chef de l’État, président du Rhdp et candidat du Rhdp, des fonctions sans cloison aucun. Ses opposants qui ne sont pas dupes ont ainsi lancé des messages au boycott de cette visite. »Ce n’est pas un président qui arrive, c’est un candidat. N’allez pas là-bas », avait lancé Maurice Kakou Guikahué, le secrétaire exécutif du Pdci lors d’une conférence de presse le 9 septembre à Abidjan. N’empêche la députée Pdci Véronique Aka a fait le service minimum en s’impliquant dans la mobilisation.
Sur le terrain à Arrah, à son premier meeting, Ouattara a tenu un discours immuable. Il s’est présenté comme le champion du développement ressassant les investissements de l’état déjà réalisés dans la région, sans toutefois dire s’ils atteignent les milliards de FCFA qu’il avait projetés lors de sa campagne de 2010. Il fait également des promesses à un mois et demie de l’élection présidentielle. Toute chose moquée par Guikahué qui rétorque qu’on ne construit pas un château d’eau en 45 jours.
Alassane Ouattara prône aussi la paix et invite une fois de plus, à lui faire confiance, sous entendu, à renouveler son mandat pour qu’il fasse encore plus d’investissements. Le seul hic, cette fois, est que, le champion du Rhdp n’est plus un homme nouveau. Usé par dix ans de pouvoir, le discours monocorde, celui de l’ultralibéralisme trahi par ses actes anti-réconciliation comme les emprisonnements à la pelle des opposants, le président sortant ne semble plus incarner la confiance qu’il clame.
Cette visite intervient au moment où il est candidat à un troisième mandat alors qu’il avait publiquement promis d’en faire seulement un puis, après, deux. L’annonce de sa candidature à un troisième mandat a fait pschitt. Accueillie par une contestation jusque dans des villes et hameaux insoupçonnés du pays, y compris son fief de Korhogo. Des manifestants ont été réprimés dans le sang avec à la clé 12 morts, officiellement. Cet épisode vient entacher une fin de mandat tonitruante et compromet désormais le nouveau bail de confiance qu’il veut bâtir.
Pour certains analystes, vouloir la paix pour son pays, c’est bon. Mais poser les actes de cette paix est encore plus louable. Alassane Ouattara a certes, libéré des prisonniers politiques dont Mme Gbagbo, mais tout cela est calculé de sorte que ses actes de bonne volonté ont l’effet d’un coup d’épée dans l’eau.
Et cette visite d’état quoiqu’elle ajoute aux acquis du Moronou, demeure insuffisante pour offrir au candidat par »force majeure » du Rhdp, un certificat de virginité politique à même de reconquérir les coeurs.
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr
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