Avec Messi et Cristiano s’achève l’ère des supers footballeurs néo- Diego Maradona

«L’ère des superjoueurs s’achève peut-être avec les carrières de Messi et Cristiano »

CHRONIQUE

Jérôme Latta dans Le Monde

Chronique. Si l’on en juge par l’onde de choc médiatique, les spéculations et les convoitises suscitées par l’annonce de ses velléités de départ du FC Barcelone, ni l’aura de Lionel Messi, ni la valeur sportive qu’on lui prête ne sont en déclin.

Quant à estimer ce qu’il vaut vraiment, on est tenté de reprendre le slogan d’un sponsor du football : « Priceless ». Enfin, tout de même moins que les 700 millions d’euros de sa clause libératoire, qu’aucun club ne peut lever et dont le joueur conteste la validité. Quoi qu’il en soit, cette valeur ne relève plus d’une rationalité strictement sportive.

Même si l’on a coutume de dire que ces marquee players peuvent gagner des compétitions à eux seuls, on ne chiffre plus seulement ce qu’ils apportent sur le terrain, mais aussi ce qu’ils rapportent en dehors : médiatisation, prestige, valorisation des contrats, ventes de produits dérivés, etc.

Cependant, peuvent-ils encore « gagner des compétitions à eux seuls » ?

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Certes, la limite d’âge ne semble pas les affecter, pas plus que quelques autres lois naturelles. Pourtant, avec Cristiano [35 ans] depuis deux ans, la Juventus a soigné sa « stratégie de marque », mais a été sortie par l’Ajax Amsterdam et l’Olympique lyonnais en Ligue des champions.

Un contre-modèle collectif
Dans cette compétition, au cours des trois dernières saisons, le Barça de Messi a été giflé successivement par l’AS Roma, le FC Liverpool et le Bayern de Munich (avec un apocalyptique 8-2 final). On blâme les dirigeants et les entraîneurs, mais n’est-ce pas tout un système dont Messi est l’épicentre qui s’est retrouvé dans l’impasse ?

Le Bayern et Liverpool, derniers vainqueurs de la C1, présentent un contre-modèle susceptible de s’imposer durablement : des individualités de très haut niveau, mais dans un collectif irréprochable au sein duquel chacun peut être l’homme providentiel. Aucune absence n’est rédhibitoire, par la grâce d’effectifs aussi riches qu’homogènes.

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La priorité actuelle consiste plutôt à réintégrer les stars dans le collectif, quitte à leur imposer quelques sacrifices dans le jeu – à l’opposé d’un Messi, prince marcheur. Vient alors à l’esprit l’exemple de l’équipe de France 2018, ou celui d’Antoine Griezmann, joueur qui fait jouer les autres… mais n’a pas trouvé sa place à Barcelone la saison passée.

Trop seuls, ou trop solistes

L’ère des néo-Maradona, des « joueurs-phénomènes » auxquels on confie les clés et le ballon en attendant l’action de génie s’achève peut-être avec les carrières de Messi et Cristiano. Il y aurait encore de tels prodiges, comme on l’imagine pour Mbappé, mais ils devraient consentir plus d’efforts, voire tirer un peu moins de satisfactions personnelles.

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Contrairement à Pelé, Maradona ou Platini, Messi et Cristiano Ronaldo, bardés de onze Ballons d’Or à eux deux et affichant des statistiques hors-norme, n’ont pas porté très haut leurs sélections nationales : un modeste titre olympique pour l’un, un Euro miraculeux décroché sans lui en finale pour l’autre. Ils y ont été trop seuls, ou trop solistes.

Les grosses équipes, dont la sophistication tactique va croissant, dont les entraîneurs ont de plus en plus d’influence, vont peut-être reprendre le pouvoir exorbitant qu’elles ont accordé aux individualités. Sans toutefois cesser de s’arracher les meilleures d’entre elles.

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