Union des Anciens de la FESCI, Fédération estudiantine et scolaire de Cote-d’Ivoire
De la synthèse du débat des Una-fescistes sur le parrainage citoyen
À la suite du poste du Père Serge Lorougnon sur une réunion de la CEI relative au parrainage citoyen, un débat s’est enclenché suite aux questions de la camarade Mme Bolou Tina Kouassi. Après la participation à la rencontre organisée par la CEI qui a vu la participation des Camarades Ahipeaud, Flore Djidja, Tina KOUASSI et un représentant du Camarade DIBOPIEU, le débat s’est intensifié surtout autour de quatre points :
La Constitutionnalité du parrainage au regard des articles de la constitution qui indiquent que le vote est secret, que la souveraineté appartient au peuple et que Le droit à la vie est sacré.
Le parrainage comme jeu politique dont l’enjeu reste son impact sur le processus démocratique et surtout la société.
Des conditions pratiques de sa mise en application et surtout des effets possibles. Ici nous avons le timing. 70000 à 80000 signatures à avoir en 45 jours.
Que faire? Quelles sont les propositions au regard des différentes conclusions possibles avec en en tête, le principe fondamentale de L’Una-fesci qui est de lutter pour la réconciliation, la paix, la cohésion et la démocratie vraie.
Aux termes de presque cinq jours de débats, il est bon d’en faire une synthèse que nous proposons ci-dessous.
1- De la Constitutionnalité du parrainage
La rencontre avec la CEI a été ce qui a déclenché ce débat d’autant plus que les affirmations et les documents qui accompagnaient la formation étaient assez clairs en ce qui concerne le parrainage citoyen.
A- De la définition du Parrainage citoyen et de son historique
Le parrainage, selon la définition du Dictionnaire Juridique Toupie, a pour :
« But principal de limiter le nombre des candidatures fantaisistes. Cette disposition a été instaurée dans la loi de 1962 qui a institué le suffrage universel direct. Le nombre de signataires requis qui était de 100 est passé à 500 lors d’une réforme de la loi en 1976.
À cette occasion, il a été décidé de rendre publique l’identité des élus signataires. »
A la réalité, cette mesure ne fut que le reflet de la dynamique politique en cours en France à cette époque avec le retour au Palais de L’Élysée, du Général De Gaulle qui avait instauré la cinquième république et ce, dans une perspective de mettre en place un système qui pourrait ressembler au système américain des grands électeurs pour mettre un terme à l’instabilité des gouvernements sous la quatrième république. À travers ce système, ne pouvait devenir candidat à la candidature que toute personnalité ayant eu l’aval, ou la caution de 100 élus. Par la suite, le nombre fut 500 élus sur un total de 45000. Au départ anonyme, une réforme de 2016 du Conseil Constitutionnel a finalement levé l’anonymat. Ce type de parrainage est différent de celui choisi par le Dialogue Politique Ivoirien.
En effet, c’est à la suite de plusieurs rounds de discussions entre les partis politiques dits « représentatifs » que la proposition du Front Populaire Ivoirien d’Affi Nguessan d’un parrainage citoyen va être un des points d’accord. Cependant, ce point d’accord n’a pas fini par un communiqué final puisque l’ancien chef du gouvernement, Amadou Gon Coulibaly, en Février 2020, va suspendre les négociations au motif de s’en référer au Chef de L’Etat. Les autres partis, particulièrement le PDCI, va alors récuser le Premier Ministre comme négociateur et en appeler directement au Président OUATTARA de bien vouloir prendre le dossier entre ses mains. C’est ce que ce dernier fera, profitant de la crise sanitaire, pour procéder à plusieurs réformes constitutionnelles et électorales, y compris la validation, selon la procédure prescrite en la matière par la constitution et les lois de la république, àu code électoral qui a opté pour le parrainage citoyen.
Dans le cas de la Côte d’Ivoire, bien entendu, la volonté des participants unanimes au Dialogue Politique de ne pas permettre que des « candidats » dits « farfelus selon les participants au Dialogue Politique », sinon « fantaisistes pour la Commission Electorale», fut accepté. Cependant, les règles ont été légèrement modifiées par le Président OUATTARA qui a proposé :
Une identification complète du parrain dont les détails devraient être du domaine public, vérifiable par la CEI et le Conseil Constitutionnel
1% des électeurs dans au moins 50% des régions ou districts électoraux, soit, lorsque la liste sera mise à jour, entre 69000 et 80000 électeurs.
Car, selon les participants au Dialogue Politique, le caractère hautement prestigieux du poste de président de la république, imposait que tout candidat puisse avoir une représentativité minimale sur l’étendue du térritoire pour ainsi éviter que des « plaisantins » et autres « amuseurs de la galérie » viennent mettre leur nez dans une entreprise autrement que trop importante pour être laisser au premier quidam. C’est justement, la lettre et l’esprit de cette proposition, en tenant compte du contexte national de pays en sortie de crise postélectorale extrême, qui fonde la contestation de la légalité constitutionnelle par une partie des débateurs quand l’autre estime que cette disposition est sereinement légale.
B- De sa constitutionnalité et des fondations constitutionnelles de la modification du code électoral
Pour les tenants de la thèse de la légalité constitutionnelle de cette proposition du Président OUATTARA et des partis dits « significatifs », le parrainage n’étant pas un vote, il n’est pas anticonstitutionnel. Qui plus est, la mise en place de toutes les dispositions règlementaires ayant été faite sur des bases strictement légales, il est donc juste de conclure que la loi fondamentale et les lois de la république ont été respectées.
C’est, selon la thèse contraire, absolument incorrect.
En effet, selon l’article 33 de la constitution, le vote est secret. Le parrainage citoyen, en assumant, « pour ne pas paraître plaisantin ou fantaisiste » que le candidat ai une représentativité, le caractère secret du vote prescrit par la constitution est violé. Si non, pourquoi alors se baser sur ce pourcentage alors que l’intention de vote qui en est la base n’est pas le vote. Au total, si le parrainage n’est pas le vote, alors sur quelle base il représente un argument de représentativité ?
Cela n’enlève en rien à l’autre fait que l’arrangement politique qui a permis aux membres du Dialogue Politique d’introduire une condition d’éligibilité non présente dans l’article 35 de la Constitution est tout aussi une violation de cet article mais aussi l’article 23 qui indique clairement que la souveraineté appartient au peuple et que la démocratie est le système du gouvernement du peuple par le peuple. Dès lors que les accords politiques entre partenaires expulsent le droit constitutionnel du débat, il n’est pas juste de ne pas dénoncer cela. Enfin, au vu de la crise post-électorale qui a fait des milliers de morts sur simple présomption de soutien à quelques candidats que ce soient, il est absolument impensable que le « droit à la vie » de l’article 2 de la constitution n’est pas ici ouvertement remis en question.
Dans tous les cas, pour ceux qui dénoncent le parrainage citoyen comme anticonstitutionnel, il est clair que la lettre et l’esprit de la constitution ont été violés par d’une part la manœuvre des partis dits dominant mais aussi par les dispositions mêmes de ce parrainage. La Constitution étant la norme supérieure en matière de règles de droit dans notre pays, le code électoral dont la procédure de modification est laissée au seul choix du pouvoir au travers du « concept de la loi organique », ne doit en aucun cas remettre en cause la loi fondamentale. Qui plus est, il n’est nullement représentatif des opinions et des pensées de l’ensemble du peuple ivoirien. D’ailleurs, c’est le résultat d’un jeu machiavélique entre les partis dits dominants et ne saurait donc avoir un fondement juridique mais plutôt une manœuvre purement politique. Il revient au politique de fixer ce jeu trouble instrumentalisant le droit.
C- Conclusion sur la question
En conclusion, le parrainage citoyen, parce qu’il prête à équivoque, qu’il semble attentatoire à nombre d’articles de la constitution et qu’il a été le fruit du jeu d’exclusion et de manœuvre politique à la limite de la méprise de certaines composantes politiques de la Nation, ne peut valablement tenir comme juste, légal voire même constitutionnel.
D’ailleurs, c’est ce qui est juste d’affirmer pour en tirer les conclusions toutes aussi politiques et pratiques
2- Le parrainage comme jeu politique dont l’enjeu reste son impact sur le processus démocratique et surtout la société
Lorsque les débats se sont étendus sur l’historique, les tenants et aboutissants de la mise en place du code électoral, ce qui ressort est. clairement le jeu politique des trois grands partis politiques ivoiriens dont l’un est à l’origine de la proposition du parrainage citoyen. Alors que le Doyen Gueu Droh du Parti Communiste Ivoirien rappelait avec brio que la Commission Électorale, le vote à 18 ans, le bulletin unique, l’encre indélébile et le rejet du principe de la pétition de 5000 signataires inscrits pour les élections de 1995, restent les acquis du combat des forces démocratiques, le parrainage est juste une remise en cause de ces acquis.
Le but est ici visible : empêcher un quatrième sinon un cinquième mouvement politique dans le jeu politique ivoirien.
A la vérité, si les deux autres partis croyaient pouvoir s’entendre avec le parti au pouvoir, c’est ce dernier qui a été plus malin en arrêtant le dialogue là il fallait pour instrumentaliser les points d’accords à son avantage. On dira en fait que c’est purement politique et non personnel.
Aussi, s’interroge-t-on sur les fondements de ce jeu en rapport à la démocratie ivoirienne d’autant plus que les dispositions pénales ne concernent pas la CEI, encore moins ceux qui violeront les règles de droits de l’homme à la première occasion pour aller attaquer ceux qui auront eu l’inintelligence de mettre leur noms sur des documents officiels.
Les pratiques politiques diverses dénoncées par nombre de canaux attestent clairement que le jeu politicien du parrainage politique est dangereux pour les électeurs, avant, pendant et après les élections.
Dans tous les cas, il importe enfin de voir les conditions pratiques d’organisation de ce processus de collecte des parrainages pour se rendre compte qu’il sera difficile de le faire dans le laps de temps indiqué.
3- Des conditions pratiques de sa mise en application et surtout des effets possibles. Ici nous avons le timing. 70000 à 80000 signatures à avoir en 45 jours
En effet, il s’agit de collecter entre 70000 et 80000 parrainages entre le 16 juillet et le 1er septembre 2020, soit, 45 jours au total. Ce délai suppose une organisation gigantesque pour être efficace.
Pour être pratique, il s’agit de collecter au moins 2000 signatures par jour dans au moins les 17 régions du pays pour pouvoir être dans le temps. Cela semble même impossible pour des appareils les plus « représentatifs » à moins d’avoir pris de l’avance comme cela a été dénoncé par nombre de participants à la rencontre de la CEI sur le parrainage.
Si on ajoute enfin que la liste est aussi ouverte jusqu’à 15 jours de la date officielle de l’élection, il, est difficile de penser pouvoir atteindre le nombre indiqué dans ce laps de temps. A moins que le nombre des 1% ne soit pris en compte que pour la date de dépôt des candidatures, il est difficile d’adopter une telle règle.
Conclusion finale
Le parrainage pose plus de problèmes juridiques, politiques et sociaux qu’il ne paraitrait à première vue. Il importe dès lors de voir ce qu’il y a lieu de faire pour pouvoir organiser des élections inclusives, démocratiques et transparentes le 31 Octobre 2020.
4- Que faire?
Quelles sont les propositions au regard des différentes conclusions possibles avec en en tête, le principe fondamentale de. L’Una-fesci qui est de lutter pour la
réconciliation, la paix, la cohésion et la démocratie vraie.
Le Problème du parrainage est avant tout politique et ne saurait être résolu par une approche politique. Aussi, des propositions diverses ont été faites pour que les prochaines élections soient organisées dans le calme et que le pays retrouve sa paix notamment par, entre autre :
La reprise du Dialogue Politique mais cette fois-ci en incluant les groupements politiques ou candidats « fantaisistes » ou « plaisantins » pour que les intérêts de toutes les composantes du pays soient pris en compte et que nous ne nous trouvions avec des propositions résultats de calculs
Compter sur la sagesse du Président Ouattara pour que le processus politique aille dans le sens de la réconciliation et la paix. Car, en tenant compte du contexte ouest-africain et de notre propre histoire, il est vraiment très risqué de prendre le pari d’organiser une élection dans un contexte d’exclusion et d’incertitudes
Activer une action citoyenne des partis, groupements ou candidats putatifs pour saisir le Conseil Constitutionnel et La Cour Africaine des Droits de L’Homme et des Peuples ou toute action citoyenne qui pourrait permettre d’aboutir à une solution inclusive, pacifique et démocratique
La mise en place d’un fond de lutte pour financer cette procédure judiciaire et politique
Mener une réflexion en profondeur pour que le processus de modification du code électoral ait une fondation constitutionnelle et même sur la CEI pour qu’elle devienne véritablement indépendante
En réalité, il importe de continuer la réflexion sur le système politique ivoirien, ses animateurs et sa culture qui semble être la cause réelle en lieu et place de s’intéresser aux questions secondaires
Dans toute cette dynamique, il importe de réfléchir sur la place des una-fescistes dans le système politique et socioéconomique de notre pays et des voies et moyens pour y occuper une place de choix, en rapport avec le rôle que nous avons joué dans ce pays.
Pour la coordination du débat des una-fescistes
Le Secrétaire National chargé de la Communication et des TICS
BA Remy
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