Papi est un sacré combattant qui est dans l’arène depuis plus de soixante ans. Donc, la bagarre, Papi connaît. Mais pour Papi, le bon combat n’en vaut la peine que lorsque tout est mis en œuvre pour qu’il ne perde pas. Ainsi attendit-il sagement dans son coin, sans faire de bruits, que le Vieux passât l’arme à gauche et qu’on lui remît tranquillement le pouvoir tant convoité. Mais quelqu’un osa le lui disputer. Il verrouilla donc sa chose en prenant toutes les dispositions pour éliminer définitivement de la course celui qui avait eu l’outrecuidance de vouloir être calife à sa place ainsi que tous ceux qui de près ou de loin lui ressemblaient.
Le verrou s’appela l’ivoirité, une invention qui divisa la population entre bons et mauvais Ivoiriens, les bons ne portant pas de boubous et ne se frappant pas cinq fois par jour le front contre le sol. Il transforma le quinquennat en septennat, embastilla Henriette Dagry Diabaté, Amadou Gon Coulibaly et leurs compagnons, tous des suiveurs de l’autre qui voulait toujours être calife à sa place, ferma ses oreilles à toutes les suppliques pour leur libération et pour avoir la paix, s’en alla festoyer dans son village qu’il avait rendu très charmant. Mauvaise inspiration!
Des soldats mal élevés vinrent lui piquer son pouvoir et il s’en trouva fort marri. Il alla confier sa peine à l’oncle Eyadema et à tous ses anciens pairs qu’en son temps il avait snobés, mais ils rirent tous sous cape. Il alla donc noyer son chagrin, non pas dans la Seine, mais au bord. Quelques mois plus tard, il tenta de reprendre son beau pouvoir avec lequel il avait joué, mais les galonnés qui le lui avaient confisqué ne l’entendirent pas de cette oreille. Ils ne lui permirent même pas de concourir. Il rongea donc son frein pendant dix longues années.
A la compétition, dix ans plus tard, de tous les principaux candidats, il fit le moins. Et de ces principaux concurrents, il obtint le moins. Il comprit que la compétition n’était pas faite pour lui, à moins que ce ne soit le contraire.
Le mieux, il le savait, était que tout soit mis en œuvre en amont afin qu’il ne perdît point. Il réfléchit donc et s’allia au vainqueur. Afin qu’il lui cède la place lorsqu’il serait fatigué. Il lui fit du charme, beaucoup de salamalecs et de ronds de jambe, le reçut comme un roi dans son charmant village, lui offrit une terre pour y bâtir une résidence pour ses vieux jours et lui demanda publiquement de lui céder la place. Oh, il ne se mit point en avant. Il parla simplement de sa famille politique. Si les deux se mettaient ensemble, il aurait le pouvoir sur un plateau d’argent, sans avoir à se battre. L’autre flaira, semble-t-il, le coup.
Il ne dit ni oui, ni non, mais simplement « on verra. » Papi insista, et finit par avouer que le pouvoir, il le voulait pour lui-même. Pour prendre sa revanche sur les zozos qui lui avaient piqué son joli pouvoir, soigner son égo qui en avait été égratigné, terminer un château avec tunnel souterrain quelque part au village, et faire rendre gorge à ceux qui n’avaient pas voulu lui céder le fauteuil sur un plateau. Il se fâcha donc et « coupa igname » comme on dit chez lui avec celui qui allait l’obliger à aller se battre lui-même pour reconquérir son pouvoir perdu.
Le petit gros de Ferké lui promit qu’il lui donnerait le pouvoir sans passer par une élection, parole d’ancien rebelle. « Tu seras chef de la transition et c’est toi qui organiseras les élections, quand tu voudras. Tu me connais non ? ». Papi le reçut dans son charmant village et dansa de joie pour lui. Mais hélas, le petit gros lui-même se trouva dans gbleya comme on dit quelque part et dut aller se chercher loin de la lagune Ebrié. Et Papi se trouva à nouveau fort marri.
Il se tourna donc vers Laurent, son vieil ennemi qui se cherchait lui-même quelque part à Bruxelles et qui devint par un coup de baguette magique un frère aimé et cajolé. Une obscure organisation sortie d’on ne sait où lui décerna le titre de « bouclier de la paix » pour ça.
Ah Papi ! je vous l’ai dit, il ne va au combat que lorsque tout est mis en œuvre pour qu’il ne perde pas. Quitte à s’allier avec le diable pour ça. Donc pour être le candidat de son parti, il ne faut pas qu’on vienne le fatiguer. Et le petit KKB est en train de le découvrir à ses dépens. Papi a bien verrouillé sa chose encore. Parti unique, candidat unique. On ne change pas les vieilles habitudes qui avaient assuré plus de trente ans de pouvoir. Sauf que les temps ont changé et il y a désormais des KKB pour mettre du sable dans l’attiéké que l’on attend depuis 21 ans maintenant. Et surtout, il y a un lion requinqué qui attend sur la route. Ça ne sera pas simple hein, Papi !
Par Venance Konan
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