La Côte d’Ivoire menace toujours illégalement d’invalider la candidature de Guillaume Soro
Par Sébastien Boussois
Docteur en sciences politiques, chercheur Moyen-Orient relations euro-arabes/ terrorisme et radicalisation, enseignant en relations internationales, collaborateur scientifique du CECID (Université Libre de Bruxelles), de l’OMAN (UQAM Montréal) et de SAVE BELGIUM (Society Against Violent Extremism) et auteur de Pays du Golfe, les dessous d’une crise mondiale (Armand Colin) et de Daech la suite (éditions de l’Aube).
A moins de quatre mois de l’élection présidentielle, l’ancien Premier ministre de Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, pourrait voir sa candidature invalidée à cause d’une condamnation, dont il ne peut se défendre.
2020 : l’année de tous les dangers pour la Côte d’Ivoire ? La future présidentielle du 31 octobre prochain ne cesse de voir se déchirer les candidats à la fonction suprême et les appétits s’aiguiser chaque jour un peu plus. L’actuel président Alassane Ouattara n’est pas parvenu en deux mandats à suffisamment consolider la démocratie et la réconciliation après l’ère Gbagbo. Les Ivoiriens pourraient se tourner vers de nouveaux candidats. Parmi eux, Guillaume Soro, ancien Premier ministre (2007-2012) et ancien président de l’Assemblée ivoirienne (2012-2019), apprécié des Ivoiriens, représente le plus grand danger pour le clan Ouattara. Président du mouvement politique Générations et peuples solidaires (GPS), Soro a plusieurs fois été crédité par certains sondages officieux d’une victoire possible, ce qui contrecarre déjà depuis plusieurs mois largement les plans de l’actuel président qui cherche à placer ses pions et lui barrer la route.
UNE CONDAMNATION POLITIQUE ?
Mais les choses se sont accélérées fin 2019, au moment où Guillaume Soro a fait l’objet d’un mandat d’arrêt suite à sa condamnation par la justice ivoirienne à 20 ans de prison, pour recel de deniers publics et blanchiment de capitaux. De quoi potentiellement de fait invalider sa candidature. Ce que certains pourraient considérer comme tombé à point nommé car en l’état, Soro se retrouverait privé pendant cinq ans de ses droits civiques. Exilé en France, l’ancien premier Ministre ne peut toujours pas rentrer dans son pays à l’heure actuelle sous peine d’être directement incarcéré à son retour sur le sol africain. Pourtant, en pleine tension économique et sociale dans le pays, à un carrefour de l’histoire de la Côte d’Ivoire, Soro fait figure d’un espoir sérieux face au président actuel, ou celui que ce dernier soutiendra. Alassane Ouattara avait d’ailleurs indiqué, en mars dernier, ne pas se représenter à la prochaine présidentielle. Bien qu’il affirme vouloir « transférer le pouvoir à une nouvelle génération », il omet de préciser que c’est à un « successeur choisi ».
Comment se défendre équitablement à distance ?
Ce qui est sûr, c’est que pour autant il tient à ce que son clan ne perde pas la main sur le pays. La pression monte désormais à moins de quatre mois du scrutin et la menace d’une invalidation prochaine de la candidature de Soro fait désormais de plus en plus de remous de Yamoussoukro à Paris, politiques mais également désormais juridiques. En effet, le 22 avril dernier, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a rendu, une décision très importante dans l’affaire qui oppose désormais directement Guillaume Soro ainsi que plusieurs anciens hauts responsables ivoiriens à la République de Côte d’Ivoire. Les requérants, dont une partie a déjà fait les frais de la justice ivoirienne et de la condamnation prononcée en décembre 2019, demandaient à la Cour africaine, non seulement le droit à un procès équitable, mais également celui d’être jugé par une juridiction compétente, en réitérant leur droit à la présomption d’innocence, à la défense, à la liberté d’aller et de venir de Guillaume Soro, afin qu’il puisse se défendre équitablement. Contestant l’émission du mandat d’arrêt contre leur client, ses avocats soulignaient l’extrême gravité de la situation portant atteinte non seulement aux droits fondamentaux du candidat et ce pour des raisons à l’évidence strictement politiques, mais également à la démocratie en général en Côte d’Ivoire. Comment se défendre équitablement à distance ? La Cour, notant que le cas était urgent puisque les élections approchent à grands pas et que Soro n’est pas un candidat totalement marginalisé – loin de là -, la Cour a ordonné à l’unanimité à la Côte d’Ivoire de faire respecter la présomption d’innocence et surtout, de surseoir à l’exécution des mandats de dépôt contre l’ensemble des accusés pendant le temps de l’instruction.
Le risque de montée des tensions, d’accusation de complot, et de basculement du pays dans le chaos, à quelques encablures de l’élection, est loin d’être une simple hypothèse et grandit de jour en jour
Depuis, Yamoussoukro peine à faire respecter la décision de la Cour africaine et menace toujours d’invalider la candidature de Soro, contrevenant ainsi aux principes du droit international. Écarter ce risque permettrait déjà à Soro non seulement de pouvoir rentrer au pays, sans la crainte d’être emprisonné, mais aussi de se défendre équitablement et de poursuivre la campagne présidentielle en toute transparence. Car le risque de montée des tensions, d’accusation de complot, et de basculement du pays dans le chaos, à quelques encablures de l’élection, est loin d’être une simple hypothèse et grandit de jour en jour.
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