Oyhou Antoine
Panne d’appareil, coupure d’électricité, suspension d’examens spécialisés… Que d’embuches pour des patients et clients sollicitant des services d’imagerie (scanner, mammographie, radioscopie…), au Chu de Treichville. Deux jours d’embarras et de désorientations, pour faire une radiographie. Reportage.
Le scanner du Cim dans un coma profond
En franchissant les portails pour accéder aux différents services du Centre Hospitalier et Universitaire ( Chu), de Treichville, dans la commune d’Abidjan, vous pouvez lire à votre droite, «Entrée ici », mais à votre gauche, aucune pancarte indicative. Cette omission crée l’indiscipline dans les déplacements des usagers, qui s’empressent sur un seul côté. Ces dernières 48 h, la grande pluie qui continue de s’abattre sur Abidjan n’épargne guère le Chu. Ce mardi 23 juin 2020, la plupart des visiteurs sont sous la voûte de leur parapluie.. Une dame très amaigrie (la cinquantaine) vient de sortir du côté «Entrée ici ». La main gauche tenant le parapluie, elle protège soigneusement une grosse enveloppe Kaki soutenue par l’autre main. Sur l’enveloppe contenant les résultats d’une radioscopie, est inscrit des initiales qui sont certainement ceux de son nom : «A.J». «J’ai fait ma radio le vendredi 19 juin 2020. J’avais déjà pris rendez-vous. C’est ce mardi je suis venue pour le retrait…», nous informe-t-elle sans rien révéler sur le mal, dont elle tient le résultat de la radio.
14h 21 min dans les locaux du Centre d’Imagerie Médicale (CIM). Deux personnes sont présentent. Un vigile, assis à la porte d’entrée. Dans la salle d’attente, un homme regarde une télévision. Le vigile certainement mieux placé pour donner des renseignements, semble avoir une parfaite maîtrise du protocole sanitaire. «Quelle radio voulez-vous faire ? Je peux voir votre bulletin ?…», nous assène-t-il de questions. Notre équipe essaie de franchir la porte pour le secrétariat, en vue d’un rendez-vous avec le responsable. «Il n’y a personne à l’intérieur». Nous précise-t-il avant d’insister, «Monsieur, je vous ai dit que pour les radios, il n’y a pas de rendez-vous. Les rendez-vous ne sont fixés que pour les scanners, mais actuellement le scanner est en panne. Pour la radio, c’est 24h sur 24h. Vous pouvez venir à n’importe quelle heure. Même si c’est à 1h du matin, Venez avec votre parent, on vous fait votre radio.». Après 45 min passés, devant le CIM, ni personnel de service ni patient de radioscopie n’est présent.
Jeudi 25 juin 2020, il est 7h 45min ( GMT), lorsque notre équipe revient au CIM. Les locaux déjà ouverts attendent clients, patients et personnel. Devant un écran d’ordinateur, une réceptionniste nous imprègne des lieux. «Nous faisons les examens spécialisés sur rendez-vous. Depuis lundi 22 juin 2020, nous avons enregistré deux examens spécialisés : un Ucr et une stérographie. Quand le personnel viendra, vous aurez plus de données», nous rassure-t-elle.
30 min plus tard, se présente un usager de près de 80 ans, trainant lentement les pieds. L’homme venu pour une radio des épaules, est orienté dans un autre service du Chu. «Papa, ici on fait la radio, mais ils ne sont pas encore arrivés. Faites une copie du bulletin et allez au service des urgences.», préconise-t-elle.
Un membre du personnel vient de traverser la porte d’entrée principale. Dans le couloir qui conduit aux différents bureaux, la poussière dans l’air présage la présence d’appareils mis longtemps au chômage. Couché, inerte, le gigantesque scanner barrette 64 est dans un coma profond. Il attend de passer lui aussi à la radioscopie pour que l’on découvre le mal dont il souffre. «Le scanner est en panne » confirme le membre du personnel avant de nous conduire à la hiérarchie. «Si vous avez besoin de passer une journée avec nous, il faudrait adresser une demande à la hiérarchie.»
La mammographie suspendue …
Cap sur le Service Radiodiagnostic et Imagerie Médicale, situé entre la pédiatrie et le Laboratoire central. Une portion offerte selon une pancarte par Roche-Ci et inauguré le 10 septembre 2015, par Raymonde Koudou, alors Ministre de la Santé et de la Lutte contre le Sida. Dans une petite salle d’attente, faisant office de lieu de réception, deux réceptionnistes renseignent des fiches de patients venus faire leur radiodiagnostic. Derrière elles, deux autres sont aux postes de guichets de paiement. A notre présence, de nombreuses patientes venues pour la radiographie de la glande mammaire sont orientées, ailleurs. «Si vous avez une boule dans le sein alors c’est grave. Mais compte tenu de la situation, nous avons arrêté la mammographie. Madame vous avez une assurance ? …».
Après insistance, pour en savoir plus sur les raisons de l’arrêt, «Il a y a des partenaires qui nous fournissaient des produits. Vu la situation liée à la covid-19, on ne reçoit plus les produits. Mais il y a des cliniques qui peuvent vous recevoir », indique-t-elle.
Que d’épisodes pour passer à la radiographie !
L’octogénaire qui s’était rendu une heure auparavant au centre d’imagerie vient d’arriver au service de la radiodiagnostic. Bien accueilli, il est cette fois-ci orienté aux urgences chirurgicales pour sa radio d’épaule. Approché, après sa sortie du service radiodiagnostic, il est interrogé. «J’ai été au bureau d’entrée où j’ai reçu des papiers. J’ai cru que j’allais faire la radio ici, mais on me dit d’aller aux urgences. C’est compliqué ! Vous devez songer à améliorer le système. Parce que si c’était au privé dans une clinique, j’aurais déjà fini ma radio.», explique-t-il tout embarrassé.
A pas de tortue, le vieux est enfin arrivé aux urgences chirurgicales, mais selon une note de service à l’attention du personnel et des usagers, signée du responsable «L’électricité est coupée dans le grand bloc du bâtiment », précise l’affiche.
«Papa, le courant est coupé. Le groupe électrogène ne fonctionne pas automatiquement avec les installations électriques en place», ajoute un agent qui demande au vieux de revenir dans l’après-midi à 12h 30 min. Pendant ce temps, il tombe toujours, des cordes sur la Perle des lagunes.
Oyhou Antoine
Lebanco.net
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