Lettre ouverte au Président Bédié
A Monsieur le Président Henri Konan Bédié
Président du PDCI-RDA
Objet : Votre candidature aux présidentielles de 2020.
Monsieur le Président,
Ces dernières semaines, ici et là, dans une quasi-unanimité brejnévienne, s’élèvent au PDCI des voix pour vous supplier d’être le candidat du parti aux élections présidentielles de 2020. Comme tous ces ‘’fans’’ je ne doute aucunement de vos compétences, de vos qualités et de votre riche expérience, qui vous permettent bien de présider encore une fois au destin du pays. Contrairement à ceux qui, épris d’un négationnisme malveillant pensent vouloir réécrire l’histoire économique de la Côte d’Ivoire de façon partisane, je sais bien moi que vous avez été le Co bâtisseur de la Côte d’Ivoire moderne.
C’est bien vous qui aux côtés du Président Houphouët-Boigny aviez de 1966 à 1976, posé les bases de l’économie de ce pays dont les solides fondamentaux ont permis à la Côte d’Ivoire de renouer avec la croissance économique après les soubresauts de la crise militaro-civile de 2002 à 2010.
Dès 1994 lorsque vous avez pris les rênes du pouvoir, vous avez fait renaitre la croissance économique qui avoisina les 8% avec un taux de chômage et de pauvreté moins bien élevé que celui que connait la Côte d’Ivoire aujourd’hui. Grâce à votre politique de santé de proximité, de nombreux centres de santé communautaire et des maternités de quartier ont été mis à la disposition des populations surtout dans les communes et quartiers populaires. Beaucoup portent d’ailleurs le nom de votre épouse. La faveur que vous avez accordée en son temps à tous les locataires des maisons Sicogi de devenir propriétaires de ces habitats sociaux, furent un soulagement pour des milliers de familles Ivoiriennes ; et sous votre gouvernance, l’Etat se montrait sous un visage plus humaniste lors des déguerpissements des quartiers précaires puisque les familles déguerpies étaient recasées dans des maisons bâties en dur sur des espaces viabilisés à l’exemple des quartiers comme Biabou dans la commune d’Abobo. Au plan des infrastructures, vous avez plus misé sur les infrastructures scolaires et universitaires. Le nombre important d’amphithéâtres dont les universités publiques à Abidjan comme à Bouaké et à Korhogo ont été dotées pour renforcer les capacités d’accueil des Instituts universitaires publics en témoigne. On peut affirmer ainsi que vous êtes en réalité le véritable père de l’Université de Bouaké qui avant votre arrivée au pouvoir n’était qu’un petit centre universitaire dépendant d’Abidjan avec seulement deux amphithéâtres hérités de l’ère d’Houphouët Boigny. La dizaine d’amphi et la dizaine de résidences universitaires qui ont été construites à votre initiative en ont fait une université fonctionnelle et autonome. Les infrastructures économiques ne furent pas en reste et je ne retiendrai que les emblématiques centrales thermiques d’Azito et de Vridi que vous avez laissé en héritage à la Côte d’Ivoire ainsi que nombreuses voies bitumées à l’intérieur du pays et surtout l’extension de la ville d’Abidjan avec la viabilisation de nombreux quartiers résidentiels dans la commune de Cocody (Palmeraie, Djibi, Angré, Faya, Génie 2000 et extension etc…) qui a permis le logement de milliers de familles de classes moyennes dont la grande majorité a acquis la propriété foncière de ses habitats. Pour faire de la Côte d’Ivoire un géant Africain vous avez concocté sous votre houlette avec l’ancien ministre Tidiane THIAM, un ambitieux programme d’infrastructures économiques que poursuit aujourd’hui celui que vous appeliez encore il y a peu, votre jeune frère, le président Alassane Ouattara, après que vous eussiez été interrompu brusquement dans votre remarquable lancée, par le coup d’Etat de 1999.
Monsieur le président, autant je ne me mettrai jamais dans le camp des ignorants et de certains intellectuels à l’objectivité variable et flottante, en vous déniant la qualité ou le titre de Co-Bâtisseur de la Côte d’Ivoire moderne et dans une certaine mesure de père de l’Economie Ivoirienne ; autant je ne saurai me ranger dans le clan de tous ces cadres du PDCI qui appellent à votre candidature et à votre retour au pouvoir. Je ne saurai donner échos à leur propagande.
En effet, Monsieur le président, avec toute ma sincérité de citoyen et de sympathisant du PDCI, veuillez que je m’autorise à vous dire que la Côte d’Ivoire et surtout sa jeunesse aspire profondément à tourner la page Bédié/Gbagbo/Ouattara. En conséquence, je m’autorise à vous signifier que sauf à vouloir votre hypothétique victoire personnelle et non celle assurée du PDCI, toute candidature de votre part si elle était confirmée ne mettrait qu’en péril les chances du PDCI de gagner hauts les mains ces présidentielles de 2020 qui lui sont plus que jamais favorables.
Monsieur le Président, pour être un doyen en politique, je sais que vous n’ignorez pas qu’avoir le meilleur background du bon gouvernant ne fait pas de soi un bon candidat et c’est le piège dans lequel vous ne devrez pas tomber avec le PDCI. Pour gagner une élection il vaudrait mieux avoir le meilleur profil de candidat que le meilleur profil de gouvernant. C’est la première exigence d’une bonne stratégie électorale. Le bon candidat ce n’est pas celui qu’on impose à l’électorat mais c’est celui qui est choisi en fonction des aspirations profondes des électeurs et de leur comportement sans oublier que ces aspirations les plus profondes, on le sait, en Afrique, sont souvent voilées, masquées, auto-réprimées en public, par simple pudeur et par pure respect pour l’interlocuteur qu’on sait être du camp adverse. C’est ce qui crée les surprises électorales.
Monsieur le président, l’orientation électorale hier dominée par le vote ethnique a bien évoluée et le PDCI devra en tenir compte ; lui qui a essuyé un échec électoral en 2010 et un autre aux locales de 2018. C’est que les déterminants des choix des électeurs contemporains ne répondent plus aux paradigmes traditionnels. Les Ivoiriens ne se considèrent plus comme des affidés et obligés encartés des formations politiques dont les élites et le personnel soupçonnés de lutter pour leurs intérêts personnels et familiaux font de plus en plus l’objet de répulsion. La conséquence de ce chamboulement de la sociologie électorale est la fragilisation des alignements partisans en cours depuis 1990 et une volatilité de plus en plus croissante de l’électorat partisan et surtout sympathisant. Le PDCI devrait d’ailleurs le savoir, lui qui en est la première victime comme le démontre ses résultats aux élections présidentielles et locales depuis 2001.Qu’est ce qui a pu bien bouleverser la sociologie électorale ?
Monsieur le Président, il suffit de se rendre sur les réseaux sociaux, d’écouter les conversations des jeunes dans les quartiers, les discussions de femmes dans les marchés, des ouvriers et de la classe moyenne ici et là et d’écouter les complaintes de la ruralité, pour se rendre compte que partout les préoccupations de justice sociale et d’égalité des chances, de respect des libertés individuelles et des libertés publiques notamment celles d’expression et d’opinion, d’indépendance de la justice, de qualité de vie, sont affirmées comme aspirations prioritaires des électeurs. Partout les électeurs expriment leur exigence de transparence dans la gestion des ressources publiques, et dans les recrutements, et affichent une méfiance envers les élites soupçonnées de corruption et de malversations.
Les électeurs contemporains ont ainsi réattelé la morale à la politique afin que celle-ci ne puisse plus s’affranchir aisément de celle-là comme, au nom d’une certaine philosophie du réalisme, elle l’avait fait jusque-là.
Au nom de ces exigences éthiques, la réussite politique n’est plus liée au marché des opiacées idéologiques mais essentiellement à la bonne moralité et au sérieux de ses acteurs. Les électeurs recherchent un candidat crédible qui inspire confiance. L’homme politique nouveau que recherche l’électeur contemporain, ce n’est plus le nationaliste, le socialiste ou le libéral, le héros légendaire, le tribun pourfendeur du néocolonialisme ou le bon père de famille sage ou encore le beau jeune homme technocrate et milliardaire ; ou le fondmonnaitairien. L’on veut d’un politicien diaphane, c’est-à-dire sans passé obscur, sans stigmate puant, un démocrate qui rassure et qui incarne et vit les valeurs sociales et morales qu’il prône et qu’il veut défendre. Le président Laurent Gbagbo dans sa dernière adresse aux Ivoiriens a pointé d’ailleurs du doigt cette exigence de la culture démocratique chez les politiques et qui doit être pour tous une préoccupation fondamentale et vitale. Peu importe l’âge ou l’ethnie, c’est je dirais « le quotient ou le capital éthique et démocratique » du candidat qui aujourd’hui constitue la mesure décisive de l’électorat. Dans une perspective Kantienne, on exige plus du politique qu’il soit « habile comme un serpent » sans oublier d’être « innocent comme une colombe ». Il va sans dire qu’au regard de cette évolution des déterminants traditionnels des orientations électorales, il serait erroné de croire encore que la sociologie politique Ivoirienne récemment encore dominé par le vote à orientation ethnique n’embrasse pas une orientation éthique.
Monsieur le Président, les électeurs contemporains recherchent un candidat propre, propre de tout soupçon de connivence, propre de tout soupçon de fraude, de corruption et de détournement de deniers publics ; je dis bien de tout soupçon, et non de toute condamnation judiciaire, parce que l’électeur d’aujourd’hui n’a cure du principe de la présomption d’innocence, les rumeurs ou informations propagées par certains médias et relayés sur les réseaux sociaux lui suffisent largement. Un candidat qui a les chances de gagner c’est un candidat propre de tout ce qui peut être reproché à son adversaire (bien évidemment).
De tout ce qui précède, Monsieur le président, il ressort que pour gagner les élections de 2020, il faudra que le PDCI au-delà de se contenter de son alliance avec le FPI de Laurent Gbagbo, réussisse le pari de présenter un candidat innocent, démocrate, exempt de tout reproche en matière de transparence dans la gestion des finances publiques et en matière de respect des libertés individuelles et publiques. Il doit s’agir d’un candidat qui puisse pointer avec assurance et sans coup férir le doigt accusateur contre son adversaire d’en face sans que ses quatre autres doigts ne se retournent contre lui en sanctionnateur, comme le dit le proverbe Africain. Face à ses exigences, de la sociologie électorale, il est plus qu’urgent de bârir une stratégie électorale qui fasse prévaloir la rationnalité sur les émotionnalités. Il ne faut pas se fier aux apparences qui souvent relèvent plus du politiquement et du socialement correct bien africain (les Instituts de sondages de par le monde en savent quelque chose depuis ces dernières années). Sans les nier, il ne faut jamais s’y plier exclusivement et principalement. Et d’ailleurs je pense que votre riche mais mouvementée carrière politique vous a donné de comprendre mieux que tout autre, comment les amis mêmes les plus zélateurs et même les militants les plus dévoués, savent être souvent et quand on s’y attend le moins, d’une volatilité impressionnante et stupéfiante. Certains parmi vos thuriféraires actuels ne portent-ils pas encore les stigmates béants de leur trahison et reniement que leur tout récent repenti n’a point encore fini de couvrir ?
Monsieur le Président, sauf votre respect, au regard de la sociologie électorale actuelle, je pense que votre candidature si vous devriez la confirmer présenterait plus de risques de défaite pour le PDCI, aussi je vous prierai de ne pas candidater.
Premièrement, parce que le principal adversaire du PDCI en 2020 étant le RHDP d’Alassane Dramane Ouattara, je crois que Monsieur le Président, ayant été vous-même déjà aux affaires, si vous devrez vous mesurer à un candidat du sérail d’Alassane Ouattara, la confrontation de vos bilans vous sera défavorable.
D’abord concernant le bilan économique d’Alassane Ouattara, je rappelle que vous avez-vous-même déjà qualifié dans toutes vos interventions de 2011 à 2018, ce bilan de tous les synonymes des adjectifs qu’on puisse trouver au mot louange. Je ne peux alors que me demander par quelle alchimie vous pourriez revenir dépeindre le tableau fort élogieux que vous-même avez déjà dressé de la gouvernance économique du président Ouattara. Cette entreprise ne vous fourvoierai-t-elle pas au contraire aux yeux de l’électorat qui n’est quand même pas dupe de votre co-responsabilité à l’égard du bilan de la politique économique d’Alassane Ouattara que vous n’avez fait que soutenir âprement économique jusqu’ à votre rupture plutôt liée à des conflits d’intérêts personnels ?
Ensuite, sur le point de la critique des dérives autocratiques de la gouvernance politique d’Alassane Ouattara qui constitue l’arc des griefs des populations Ivoiriennes contre ce régime, là encore, je suis encore au regret de constater que, Monsieur le Président, vous êtes la personne la moins bien placé au PDCI pour pointer du doigt les dérives autocratiques du pouvoir Ouattara, face à un candidat RHDP, sans que les mêmes reproches ne vous retournent au visage ?
En effet, Monsieur le Président, et malheureusement, ma mémoire et mon intelligence m’obligent à soutenir avec force qu’en dehors de vos déboires personnels avec Alassane Ouattara dont la République n’a cure, vous ne pouvez reprocher aucune dérive à la gouvernance du RHDP qu’on ne puisse vous reprocher à vous aussi. Par exemple, Monsieur le président, si vous êtes candidat, comment face à un candidat comme Gon Coulibaly, pensez-vous pouvoir étaler les tares du régime Ouattara et vous présenter comme un démocrate, lui qui a connu les affres des geôles sous votre régime pour délit d’opinion et qui a fait l’expérience de la caporalisation des juges sous votre régime ? Et d’ailleurs Gon Coulibaly vous a même déjà prévenu et invité à regarder dans le rétroviseur de votre gouvernance passée avant de critiquer la gouvernance du RHDP unifié.
Monsieur le Président, je suis bien désolé de le reconnaitre mais le bilan de votre gouvernance au plan politique, et notamment les dérives autocratiques et votre refus obstiné d’initier les réformes démocratiques exigées dans le cadre des élections de 1995 et celle en préparation pour 2000, est à l’égal de celui du régime d’Alassane Ouattara qui foule au pied tous les acquis démocratiques obtenus sous la transition militaire. Aussi il est donné de constater que ces deux bilan forment un diptyque assez frappant quand même surtout au plan des dérives contre la démocratie et les libertés publiques dont vous deux vous vous êtes rendues similairement coupables. Et c’est là tout le problème de votre candidature.
J’entends souvent certains aux PDCI objecter pour vous dédouaner qu’au moins, au contraire de vos adversaires, vous n’avez le sang d’aucun Ivoirien sur les mains. L’argumentaire est bien excitant mais la revisitation de l’histoire nous joue souvent de sales tours et on peut y faire sortir des crimes insoupçonnés. Je n’en dirai pas plus. Et d’ailleurs au risque de nous laisser enfin croire que vous êtes aussi ce que vous les accusez d’être, qui s’assemblent se ressemblant, vous ne pouvez plus laisser entendre que vos deux autres adversaires historiques sont des sanguinaires, après que nous ayez supplié en son temps d’élire l’un d’entre eux et que le second est devenu aujourd’hui votre nouvel allié.
Non Monsieur le Président, chacun de vous trois avez bien une part de responsabilité politique dans les crises et guerres qui ont secoué le pays depuis 1994. Ce n’est pas le sujet de cette lettre donc je ne m’y attarderai pas. Et en tout état de cause, le peuple de Côte d’Ivoire a fini avec ce débat sur la paternité de la rébellion et du coup d’Etat de 1999.
Deuxièmement, Monsieur le Président, outre ces désavantages électoraux de fond, j’aimerai relever deux autres déficiences qui se rapportent-elles, à votre capacité même à faire campagne.
La première est relative à votre âge. A ce sujet, je retiens qu’il y a, à peine trois ans (en juin 2017), en réponse au magazine Jeune Afrique qui vous posait la question de savoir si vous étiez tenté par les élections de 2020, vous avez répondu ceci : « Non. J’ai 83 ans et je n’ai plus la force du jeune homme que je fus.» ? En effet je suis d’avis avec vous qu’à 83 ans et encore moins à 86 ans, on ne peut se targuer d’avoir l’énergie nécessaire non seulement pour faire face à l’endurance physique que requiert la gouvernance d’un Etat, mais aussi pour tenir une campagne électorale. D’ailleurs en 2010, alors que vous aviez 76 ans, il vous fut très pénible de participer personnellement aux meetings et d’achever les tournées programmées par votre équipe de campagne même dans la ville d’Abidjan. N’ayant manifestement plus l’endurance pour supporter le rythme d’une campagne nationale, votre campagne fut bâclée et je ne peux craindre qu’on revive 2010 au cas où vous êtes encore candidat en 2020. De toute évidence votre âge, ne vous permettra pas de supporter le rythme des meetings nécessaires pour une bonne campagne. Et ne pas pouvoir sillonner le pays tout entier pour présenter vous–même votre programme de gouvernement en personne, sonnera pour les Ivoiriens comme la preuve de votre incapacité physique à diriger le pays. Car pour diriger le pays, il faut une personnalité qui a de l’énergie.
Monsieur le Président, on ne réussit pas une campagne électorale par procuration dans un pays où il y a trois grandes formations politiques qui se tiennent et surtout quand on est dans l’opposition et qu’en Afrique francophone, le pouvoir sortant a toujours une longueur d’avance sur ses concurrents non pas pour ses performances mais à causes de ses manigances électorales. Et n’oubliez pas Monsieur le Président que la Côte d’Ivoire ayant fait le choix du régime présidentiel, les élections ne sont pas seulement la rencontre entre un parti politique et le peuple mais bien entre un homme, un candidat et le peuple à travers les meetings et les débats. Un candidat qui n’est pas capable de battre lui-même sa campagne démontre qu’il gouvernera par procuration et le peuple de Côte d’Ivoire ne veut pas avoir affaire à une gouvernance à la Camerounaise.
La seconde déficience est relative Monsieur le Président, à votre manque d’expérience des débats électoraux. Vous savez que la période électorale est celle des débats auxquels sont soumis les candidats avec des journalistes rompus à l’exercice et je dois relever ici encore que vous candidat, vous ne pourrez tenir le coup tout simplement parce que vous n’avez pas l’expérience des débats contradictoires qui sont devenus depuis 2010, une tradition électorale Ivoirienne. Et je rappelle qu’en 2010 vous avez été le seul candidat qui s’est soustrait à ce rendez-vous électoral. On sait bien que c’est parce que vous ne vous êtes jamais prêtés à ces exercices durant toute votre carrière politique et ces débats n’ont rien à avoir avec les interviews arrangés et galants auxquels vous êtes traditionnellement habitués. En outre, homme réputé naturellement très affable de sorte qu’un journaliste de Jeune Afrique a eu à dire de vous que vous résumez vos interventions à des « mots en forme d’onomatopées », cette personnalité qui vous est propre ne vous assurait pas une bonne prestation à un débat politique contradictoire durant une campagne. Ce n’est pas que vous n’auriez aucune maitrise des sujets débattus, loin de là, mais parce que vous n’avez non seulement pas le charisme du verbe qui sied en pareil occasion mais vous n’en n’avez pas l’expérience. Et pourtant le verbe reste en dépit de tout, la dernière arme d’une campagne électorale et cette arme, des potentiels candidats, vous en êtes le plus dépourvus. Alors qu’en sera-t-il de 2020 si vous êtes candidat ? En tout cas débattre par procuration comme solution succédanée ce serait encore plus catastrophique pour votre image qu’en 2010.
Monsieur le Président, il s’évince bien de tous ces développements ci-dessus, que, nonobstant tout votre charisme, votre expérience et votre sagesse, électoralement parlant, vous n’êtes pas le meilleur cheval du PDCI pour les présidentielles de 2020 parce Troisièmement, les Ivoiriens aspirent au changement de la classe dirigeante qui préside aux destinées du pays depuis trente années.
Ne vous y trompez pas, ce n’est pas uniquement la page de la gouvernance Alassane Ouattara que toute la Côte d’Ivoire veut tourner, mais toute la page post-Houphouetienne marquée par trente années de vie politique scandée par la violence politique et militaire, la haine entre les Ivoiriens, le désordre, la corruption morale, les alliances contre nature entre formations politiques, les compromissions des leaders politiques, le déni de démocratie, l’autocratie et l’enrichissement illicite sur le dos de l’Etat d’une élite politique et administrative girondine, au détriment des masses populaires et de la classe moyenne, et la constipation intellectuelle dans les domaines de l’innovation politique, économique, technologique et scientifique. C’est pourquoi la Côte d’Ivoire se battra pour que le rude combat électoral qui s’annonce en 2020 ne soit pas le combat Bédié-Gbagbo contre Ouattara, c’est-à-dire un match retour du duel Bédié-Ouattara contre Gbagbo en 2010 ou encore un match de revanche sur le coup d’Etat de 1999. Le peuple de Côte d’Ivoire a assez bu de cette coupe. Nos vies méritent plus que cela.
Monsieur le Président, le monde a changé et à 86 ans ce monde, n’est plus le vôtre mais le nôtre. Non ! le combat de 2020 n’est plus le vôtre et ne doit pas être le vôtre mais celui de la jeunesse Ivoirienne aspirant à une Côte d’Ivoire nouvelle, meilleure et démocratique que les forces du changement veulent enfanter. Les jeunes de Côte d’Ivoire veulent écrire une nouvelle page de son histoire avec de nouveaux leaders et surtout plus jamais avec les protagonistes de ces trente dernières années comme gouvernants. Malheureusement vous faites bien partie de ces gouvernants.
Monsieur le Président, le président Houphouët aimait à le dire, chaque génération a son combat, et je crois que c’est ce que Alassane Ouattara a du comprendre. En tant qu’étudiant de la FEANF, vous avez participé à la lutte pour l’émancipation de la Côte d’Ivoire et vous nous avez ramené avec les Pères fondateurs, l’indépendance politique. En plus, en tant que premier Ivoirien ministre de l’Economie et des Finances du Père fondateur, vous avez posé les fondations de l’indépendance économique de la Côte d’Ivoire. Chef de l’Etat de 1994 à 1999 vous avez remis la Côte d’Ivoire sur le chemin de la croissance interrompue vers la fin des années 80. Vous n’avez donc plus rien à prouver à qui que ce soit. Aussi, Monsieur le Président, au terme de cette adresse, j’aimerais vous rappeler que ce qu’un Père a détruit et gâté, il n’est pas obligé de le réparer. Le Fils peut le réparer. Ce qu’un Père n’a pas réussi, le Fils peut bien le réussir en son honneur. C’est au Fils d’étendre les limites héritées du Père. Les Baoulé disent « Bé tandan amuen nan o fu man bé, bé yaki man sran ouflê » c’est-à-dire « lorsqu’on porte le masque (l’amuen) à une personne et que le génie du masque ne se manifeste plus, on le lui retire pour essayer avec un autre». Le PDCI c’est notre grand amuen à tous, vous l’avez porté près de trente ans et les génies ne semblent plus vous êtes favorables, ce serait utopique de croire le contraire. L’heure est donc venue maintenant de trouver quelqu’un d’autre au PDCI pour porter ce masque. Et j’ose croire que c’est surtout à cela que vous vous attelez ces dernières semaines dans le silence particulier et stratégique voir mystique qu’on vous connait et qui déstabilise vos adversaires.
Si vous pensez que certains qui se sont déjà manifestés comme candidats du PDCI comme Billon et KKP sont des opportunistes comme l’a dit maladroitement le secrétaire exécutif en chef du parti, que j’aime bien quand même ; qu’à cela ne tienne, en dehors d’eux il y a bien des cadres présidentiables qui militent depuis très longtemps et qui ont une belle expérience politique comme Allah Kouadio Remy et surement bien d’autres.
Monsieur le Président Henri Konan Bédié, l’heure de la relève a sonné au PDCI et nous vous invitons à y donner suite courageusement.
L’heure est venue pour que conduit par un homme nouveau, le PDCI accède au pouvoir pour réveiller et libérer par l’action politique, les énergies et la créativité de toutes les couches sociales Ivoiriennes et notamment les jeunes qui n’aspirent qu’à construire sur les fondations des anciens, une Côte d’Ivoire qui soit le modèle de l’espérance promise à l’humanité. Alors ne laissez pas le dernier mot aux forces rétrogrades du parti mues ces derniers jours en censeur d’opinion, réminiscence des vieux réflexes du parti unique dont certains sont encore nostalgiques, attachés qu’ils sont à une approche très patrimoniale et patriarcale de la république et de la gouvernance du parti qui pourtant est chose publique et à tous étant l’héritage de la lutte politique de nos pères. Mes arrières grands-mères à pied ont dansé l’Adjanou du PDCI de Yamoussoukro jusqu’à Abidjan dans les années 50, pour que le PDCI renaisse et vive. Nombre d’entre les hommes de ma famille ont été déportés de Yamoussoukro, certains pour la prison colonial de Man, d’autres à Bassam et à Dimbokro et Toumodi pour que vive le PDCI. Je suis PDCI-RDA 100% par conviction idéologique parce que je crois en l’Houphouétisme économique avec lequel la Côte d’Ivoire a rompu depuis 1991 alors que c’est la seule voie qui permettra à la Côte d’Ivoire de renouer avec une économie prospère pour tous et pour chacun. D’ailleurs j’observe que c’est cette politique économique Houphouetienne mise en œuvre par le PDCI de 1960 à 1990 que la Chine applique à merveille, que les Etats-Unis de Trump valorise maintenant et c’est à cette doctrine de droite sociale et libérale mais protectionniste et souverainiste qu’appelle désormais Macron dans ses derniers discours.
Je n’ai donc pas moins de droit de regard sur la vie du PDCI que d’autres militants plus actifs que moi, peut-être et parce que simple personnel administratif ou politique du parti se croient les propriétaires du PDCI et s’érigent en police politique.
Monsieur le Président, comment terminer cette ennuyeuse missive sans vous supplier avec toute la dévotion filiale qui m’anime de m’accorder votre indulgence pour les parties de mes propos qui paraitront irrespectueuses. Croyez que mon intention n’a jamais été et ne sera jamais de diriger une plume pour vous dénigrer. J’ai envers vous au-delà de cette critique que m’impose mon objectivité intellectuelle dont je suis très jaloux, un profond respect et je vous aime et je vous défends beaucoup sur d’autres forums. Veuillez donc mettre mes écarts de langage au compte de la règle du Nanandilè qui prescrit chez les Akan Kotoko qu’un petit fils n’offense pas son grand père même quand il lui parle durement. Le PDCI vous aime. Nous vous aimons et je sais que vous prendrez la sage et meilleure décision. Je vous laisse méditer ce proverbe Baoulé qui dit « L’ancien qui ne veut pas que les enfants touchent à ses testicules, n’a qu’à ne pas jouer avec eux dans le sable ».
Que Dieu le Créateur et les esprits tutélaires du Tankoli de L’Adjanou qui ont présidé à la fortification du PDCI mais que vous n’avez apparemment pas su vous concilier vous éclairent et gardent le PDCI-RDA pour la victoire 2020.
Ekra Atha Kouadio Malthus
Juriste fiscaliste, atamalth@gmail.com
Commentaires Facebook