FEU DE PAILLE. Sur l’échiquier national, la partie a pris une tournure inattendue. Après la publication, par un site canadien (Vice Media), d’une série de trois articles sur cinq sur le présumé vaste réseau de trafic de stupéfiants en Côte d’Ivoire, ce fut le branle-bas au niveau de la presse nationale.
Certains journalistes se sont érigés en ardents défenseurs du ministre d’État Hamed Bakayoko, cité comme « un gros trafiquant de cocaïne ».
D’autres, en revanche, se sont révélés d’ardents censeurs du ministre de la Défense.
Des organisations de la corporation se sont surprises à prendre position dans ce débat hautement politique. Elles ont formellement déconseillé la voie de la justice que Hamed Bakayoko veut emprunter pour laver son honneur et rétablir sa « réputation pure ».
Elles ont susurré, à son oreille, une sorte de gentleman agreement en saisissant les structures de régulation et d’auto-régulation, on ne sait de quel pays.
C’est un combat par procuration que les journalistes ivoiriens, descendus dans l’arène, ont mené. C’est l’État ivoirien, attendu sur ce dossier, qui rase les murs.
Alors que l’ambassade des USA en Côte d’Ivoire s’est félicitée, dans un tweet, de la qualité de la coopération avec le pouvoir pour traquer les trafiquants de drogue, le gouvernement reste bizarrement aphone.
Plus d’une semaine après l’éclatement de cette affaire faisant de la Côte d’Ivoire une plaque tournante des drogues illicites en provenance d’Amérique latine, il n’a soufflé mot ni pour soutenir son n°2 ni pour démentir les accusations.
De plus, l’État n’a pas jugé utile d’instruire Adou Richard-Christophe, procureur de la République près le tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau, à l’effet d’ouvrir une information judiciaire aux fins de diligenter une enquête sur cette affaire.
« Ce sont des allégations fantaisistes ayant pour but unique de faire mal », s’est prononcé Ahoussou Kouadio Jeannot, président du Sénat (cf. L’intelligent d’Abidjan du lundi 15 juin 2020), par acquit de conscience, pour participer à noyer le poisson et s’en laver les mains.
Car dans un pays sérieux et un État de droit, cette Institution sénatoriale aurait pu ou dû être en première ligne afin qu’une telle affaire, compromettante pour la nation et ses autorités, ne soit classée sans suite.
Aux USA, par exemple, dans le célèbre scandale d’espionnage du Watergate, le Sénat, à travers ses commissions d’enquête, a mené, parallèlement au FBI, des investigations qui ont contraint le président Richard Nixon à la démission, en 1974, quand le Congrès a enclenché la procédure d’impeachment.
En Côte d’Ivoire, l’État et ses Institutions, obnubilés uniquement par la présidentielle du 31 octobre 2020, ou ne fonctionnent pas ou refusent de jouer leur rôle régalien.
En juin 2019, le député Soro Kigbafori Guillaume a été accusé d’être de mèche avec des groupes terroristes pour déstabiliser le pays. L’État a vaqué à d’autres occupations.
Et il se trouve des individus, proches de la majorité au pouvoir, pour mettre à l’index l’ancien président de l’Assemblée nationale dans les attaques djihadistes des 11 juin 2020 à Kafolo et Gbéya, au nord du pays.
Au début du mois de juin 2020, c’est au tour de l’Opposition d’être citée dans des activités suspectes. Grâce à la société tunisienne UReputation, entreprise de « cyberinfluence et d’intelligence digitale », elle aurait créé de faux comptes Facebook pour influencer, par la propagande et la désinformation, la prochaine présidentielle. L’État a eu d’autres chats à fouetter.
Et, avec le black out, nul ne sait quels sont les tenants et aboutissants de ces supposées révélations et investigations dont des rédactions se sont fait les choux gras. Et le Golden Boy peut donc être serein.
Actuellement dominée par les attaques terroristes et les pluies diluviennes, l’affaire de trafic de drogues, comme un feu de paille, court, avec l’intermédiation d’Alassane Ouattara, vers l’étouffement comme celle des écoutes téléphoniques de Soro Guillaume au Burkina Faso.
F. M. Bally
Photo: Alassane Ouattara au milieu entre Amadou Soumahoro (président de l’Assemblée nationale, à g.) et Ahoussou Kouadio Jeannot (président du Sénat, à d.).
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