Stéphane Kipré accuse le Rhdp de «préparer la confiscation du pouvoir» en Côte-d’Ivoire

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Dans un livre intitulé « De moi, de toi, de la Côte d’Ivoire » à paraitre au mois de juin aux éditions KIWI, le président de l’Union des Nouvelles Générations (UNG) se livre à cœur ouvert. Depuis l’Europe où il est exilé après la crise post-électorale de 2011, il jette un regard critique sur la gestion du pouvoir actuel tout en annonçant son retour prochain dans son pays : « Aujourd’hui plus qu’hier, le devoir m’appelle auprès des miens en Côte d’Ivoire. Il me faut me résoudre à rentrer pour aider les camarades sur le terrain. Pour prendre la place qui est la nôtre dans le débat politique actuel», assure-t-il. Extraits

SUR LA CROISSANCE ECONOMIQUE DE LA CÔTE D’IVOIRE

« Après deux quinquennats sous le régime actuel, la Côte d’Ivoire affiche l’un des taux de croissance parmi les plus élevés d’Afrique. Si cet indicateur macro-économique illustre une relative embellie, celle-ci n’est cependant pas profitable à toutes les catégories de la population. Le rêve ivoirien s’est estompé. Seule une oligarchie profite des fruits de la croissance. La notion de rêve ivoirien signifie une société́ ivoirienne plus juste qui permet à̀ tous nos concitoyens de réussir quelle que soit leur origine sociale, à condition de fournir les efforts objectifs nécessaires pour y arriver.
Ce rêve est une nécessité́, car notre pays n’est pas la propriété́ d’un petit groupe d’individus qui doit seul en tirer profit. La Côte d’Ivoire appartient à̀ chacun d’entre nous. Il me parait dès lors cohérent ou logique que chaque Ivoirien puisse voir ses rêves devenir réalité́, à condition de le mériter. Mais évoquer la nécessité́ de restaurer ou de redonner vie au rêve ivoirien induit le préalable de dire pourquoi il est nécessaire. »

SUR L’EDUCATION

« Le système éducatif ivoirien actuel doit être reformé́. Il doit être capable de produire des Ivoiriens qualifiés et prêts à l’emploi dans les secteurs dont l’économie ivoirienne a besoin. L’objectif est de réduire le nombre de diplômes sans réelle qualification qui arrivent chaque année sur le marché́ du travail. Je l’ai vécu lorsque j’étais chef d’entreprise en Côte d’Ivoire. J’ai reçu des stagiaires préparant un brevet de technicien supérieur (BTS) en informatique mais qui n’avaient jamais touché à un clavier d’ordinateur. Pour remédier à de telles situations, je préconise une spécialisation à partir de la classe de seconde. C’est la seule à même de produire les personnes qualifiées et compétentes dont notre économie a besoin. (…) »

SUR LE CHOMAGE DE LA JEUNESSE

« L’État ne peut pas créer des emplois pour tout le monde. Il doit cependant mettre sur pied un écosystème dans lequel les investisseurs viendront créer des entités qui ont besoin de main-d’œuvre. Nos États ne peuvent plus recruter comme jadis des fonctionnaires et assimilés. L’effort doit donc être porté sur les emplois dans le secteur de l’initiative privée. Deux volets principaux peuvent être mis en place. Dans le premier volet, je propose de commencer par faire un bilan des secteurs d’activité́ dans lesquels il y a une inadéquation entre la formation offerte par le système éducatif et les compétences demandées par les entreprises. Une fois ces secteurs identifiés, nous pourrons passer des conventions avec des organismes de formation afin de monter, à partir d’un référentiel de compétences prédéfinies avec les entreprises concernées, des formations courtes spécifiques à destination des Ivoiriens en marge du marché́ du travail. »

A PROPOS DE L’ACHARNEMENT CONTRE SA PERSONNE

« La pratique du sport dès mon plus jeune âge m’a préparé́ à la compétition et à la performance comme gages de la réussite. Même la proximité́ avec le coach ne peut vous garantir le statut de titulaire. En effet, si vous ne lui permettez pas de gagner des matchs, il vous laissera sur le banc. Très souvent, vous êtes plusieurs à̀ convoiter une place de titulaire et il faut faire preuve non seulement de qualités, mais aussi d’un mental d’acier pour la conquérir et surtout la garder. J’avais en idée qu’il me faudrait me battre pour me faire une place dans le giron politique ivoirien. Je n’ai donc jamais eu peur de l’adversité d’où̀ qu’elle vienne. Cependant, jamais je n’aurais envi- sagé les épreuves par lesquelles je suis passé depuis quelques années. Pendant plusieurs jours, j’ai dû, impuissant regarder ma famille subir des bombardements atroces. Ma fille ainée a vécu une expérience traumatisante pour son si jeune âge. Elle en porte encore les séquelles. Dès la chute du président Gbagbo, le pouvoir Ouattara a décidé́ de s’acharner sur moi pour des raisons que j’ignore encore. Ce sont d’abord mes activités professionnelles qui ont fait les frais de mon militantisme. Mes entreprises ont été confisquées et mes avoirs, gelés. Au-delà̀ des biens matériels, voir mon entreprise MECAF péricliter a été douloureux. J’y étais émotionnellement très attaché. C’est la première entreprise que j’aie montée quand je suis revenu m’installer en Côte d’Ivoire. Elle m’a donné́ des nuits blanches (…)
Je n’ai pas compris pourquoi on s’en prenait autant à̀ mes activités professionnelles qui ne devaient rien au pouvoir précédant. Jamais je n’avais occupé́ de fonctions étatiques ou gouvernementales ! Jamais je n’avais rem- porté de marchés publics qui puissent justifier un quelconque enrichissement illicite. J’avais toujours œuvré dans le privé et ce que j’avais gagné́ était le fruit de milles sacrifices et de nombreuses privations. »

A PROPOS DE LA TRAHISON DE CERTAINS PROCHES

« Ce qui m’a cependant surpris, c’est la violence des coups venant de mon propre camp : la grande famille pro-Gbagbo. Tout a été mis en œuvre pour me salir et me casser politiquement. Je ne suis pas naïf. J’étais conscient que je rejoignais une famille politique où la majorité́ des personnes se côtoyaient depuis plusieurs années et avaient des codes similaires. Je savais que j’allais devoir faire deux fois plus que les autres pour gagner ma place. Je débarquais comme un ovni dans ce milieu. Je n’avais ni la même culture politique ni les mêmes références intellectuelles, mais j’espérais que l’on regarde à l’intérêt commun pour ne pas tomber dans des batailles d’ego. Mais là encore, les coups en dessous de la ceinture ont plu. Mon épouse a été trainée dans la boue. J’ai connu la trahison de certains proches. J’ai vu les tréfonds hideux de la nature humaine et j’avoue que Judas pâlirait de jalousie devant certaines traitrises. Durement, j’ai été éprouvé́. Beaucoup ont espéré́ me voir trahir le président Gbagbo. Beaucoup sont ceux qui s’étaient convaincus que j’avais fait un mariage d’opportuniste et qui croyaient que je quitterai le navire dès les premières secousses. Alors que j’essayais de faire avancer notre cause en usant de mes relations et de mes finances, certains travaillaient encore à casser du Stéphane Kipré́. Et quand ils n’avaient plus rien à̀ me reprocher, pour se donner bonne conscience, ils disaient : « mais c’est normal qu’il fasse tout cela. C’est son beau-père qui est emprisonné »

LA NOUVELLE GENERATION EN POLITIQUE

« La génération à laquelle j’appartiens aspire à̀ faire la politique autrement. Nous entendons fermer les portes de Janus pour construire l’avenir. Nous voulons que l’engagement politique ne soit plus synonyme de course vers la mort, l’emprisonnement ou l’exil. Nous voulons débattre d’idées dans un pays apaisé et respectueux des droits humains. »

LE RHDP VEUT CONFISQUER LE POUVOIR

« Au moment où parait cet entretien, en Côte d’Ivoire, en prélude à la présidentielle de 2020, la chasse aux sorcières a repris de plus belle. Plusieurs députés proches de l’ex-chef de la rébellion Guillaume Soro sont emprisonnés tandis que ce dernier est contraint à̀ l’exil. Lui, qui fut pourtant le bras armé du chef de l’État M. Ouattara, fait actuellement les frais de son refus d’adhérer au RHDP, le parti politique créé aux forceps pour confisquer le pouvoir. J’utilise le verbe « confisquer » parce qu’il est clairement admis par tous les observateurs sérieux de la vie politique ivoirienne que le parti au pouvoir n’a aucune chance d’y demeurer après 2020. »

Source : Stéphane Kipré, De moi, de toi, de la Côte d’Ivoire, Éditions Kiwi, juin 2020

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