Jusque-là en réserve, le Nigeria s’est exprimé aujourd’hui, apportant son plein soutien à Akinwumi Adesina, président de la Banque Africaine de Développement, au centre d’une crise née de dénonciations de lanceurs d’alertes sur une série de violations de règles de recrutement, de rémunérations et de passation des marchés.
Dans un courrier officiel adressé à Kaba Nialé, présidente du Conseil des Gouverneurs et par ailleurs ministre ivoirien du Plan, Abuja s’inscrit en opposition face au point de vue américain appelant à une enquête indépendante. Se fondant sur le rapport d’éthique, qui avait disculpé le président de la BAD de toutes les 16 accusations émises par le groupe des lanceurs d’alertes, la ministre nigériane des Finances, Zainab Ahmed, déclare au nom du gouvernement fédéral, soutenir les conclusions du comité d’éthique et du conseil des gouverneurs dont la présidente, Kaba Nialé en l’occurrence, avait appelé le 5 mai dernier, à “exonérer” Adesina de toutes les allégations émises à son encontre.
Dans son courrier adressé à Kaba Nialé, le Nigeria fonde son opposition à une enquête indépendante, expliquant que celle-ci serait dehors des règles et procédures de la BAD dés lors que le président Adesina a été blanchi par le comité d’éthique. Abuja se dit ouvert par contre à l’ouverture des discussions pour des réformes et la mise à niveau des règles de gouvernance.
Vers un duel entre le Nigeria et les USA, le premier et le deuxième actionnaire de la BAD
Face à cette situation explosive, la réélection du président Adesina, en marge des assemblées générales initialement prévues le 28 mai 2020 puis repoussées du 25 au 27 août 2020 risque devrait, sauf évolution dans un sens ou dans un autre, voir une bataille rangée entre l’Amérique, favorable à une enquête indépendante et le Nigeria, qui s’en tient aux conclusions du comité d’éthique.
Seul candidat à sa propre succession, Akinwumi Adesina est soutenu par la CEDEAO et l’Union l’Africaine. L’Amérique aurait le soutien de la majorité des pays non africains favorables à une enquête indépendante et transparente selon les règles et procédures internationales.
Même si du côté des pays africains, le mot d’ordre est à la présidence, l’on semble se diriger vers un clash entre les membres non régionaux emmenés par les USA, deuxième actionnaire, et les membres régionaux sous la bannière (hypothétique quand on connaît le poids de l’Oncle Sam) du Nigeria. Le géant ouest-africain joue dans cette affaire ébruitée, rappelons-le, par le personnel de la banque, sa crédibilité et son influence sur le continent et à l’échelle internationale.
Pour rappel, le Nigeria, la Libye et l’Algérie s’étaient, de 1978 à 1982, fortement opposés à l’ouverture du capital de la BAD aux membres non régionaux. L’un des gardes fous de la BAD, fixé après l’ouverture historique aux membres non africains, était d’avoir deux tiers du capital contrôlé par les membres non régionaux. Une règle d’or aujourd’hui dépassée puisque les pays non régionaux contrôlent 40% du capital de la banque et toute élection du président doit recueillir une double majorité dont celle des membres non régionaux. En clair, du côté de l’Avenue Jean-Paul II Abidjan, le suspens reste entier.
Adama WADE
Financialafrik
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