La Côte d’Ivoire a déclaré hier qu’elle refuserait de valider le rapport américain sur le travail des enfants dans les filières cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana qui doit être publié le 29 juin prochain (lire En 10 ans, hausse de 10% des enfants travaillant dans le cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana).
Il s’agit de la troisième enquête menée par les Américains sur cette problématique de la prévalence du travail des enfants dans les zones productrices de cacao des deux premiers producteurs mondiaux de la fève.
Rappelons qu’à l’instigation du sénateur Tom Harkin et du député (représentant) américain Eliot Engel, l’industrie mondiale du cacao a signé en 2001 un engagement volontaire pour respecter dans la filière cacao la Convention 182 de l’Organisation international du travail (OIT) qui interdit les pires formes de travail des enfants. Suite à cela, une première enquête a été menée durant la campagne 2008/09, puis une deuxième en 2013/14, toutes deux par l’Université de Tulane aux Etats-Unis et sur financement du Département américain du Travail (USDOL). Cette troisième enquête a été conduite durant la dernière campagne 2018/19 mais cette fois effectuée par l’Institut de recherche NORC de l’Université de Chicago, toujours sur financement de l’USDOL.
Des « insuffisance dans la méthodologie »
Ce changement d’équipe de recherche pour réaliser cette enquête a eu pour conséquence que les données récoltées ne seraient pas comparables d’une période à l’autre et faussent donc les conclusions à en tirer, estiment la Côte d’Ivoire et le Ghana.
Certes, est-il souligné, le projet de rapport de NORC fait état d’une forte baisse du nombre moyen d’heures de travail réalisées par les enfants dans la production de cacao et la forte augmentation de la fréquentation scolaire des enfants des ménages agricoles, mais des « lacunes qui comprennent l’échantillonnage et l’extrapolation ainsi que des problèmes liés à la période de référence pour la collecte des données, rendent impossibles toute comparaison précise entre certaines données clés de l’enquête de NORC et celles de l’Université de Tulane et entraîneraient probablement des conclusions trompeuses à tirer de n’enquête de NORC », selon le CNS.
Au cours des derniers mois, plusieurs ateliers techniques se sont tenus à Abidjan et à Washington D.C au cours desquels l’Etat ivoirien a fait part à NORC et à l’USDOL de ses préoccupations concernant les « insuffisances de la méthodologie de l’enquête 2018/19 », rapporte l’agence de presse APA. « Bien qu’ils aient reconnu ces erreurs et leur impact potentiel sur la crédibilité des conclusions de l’enquête 2018/19, NORC et l’USDOL n’ont jusqu’à présent pas voulu apporter les changements nécessaires, évoquant des contraintes de comparaison des données », fait observer l’Etat de Côte d’Ivoire.
Un rapport sévère
Selon le projet de rapport dont l’agence Reuters avait eu connaissance début avril et dont nous nous étions fait l’écho, plus de 2 millions d’enfants travaillaient dans la filière durant la campagne dernière, soit plus qu’en 2010. La part des enfants de familles impliquées dans la production de cacao et qui tombe sous le joug du « travail des enfants » serait passée de 44% en 2013/14 lors de la dernière enquête menée à 46% en 2018/19. La part travaillant dans des conditions dangereuses, notamment en manipulant des outils dangereux, demeurerait stable à 42%.
Ces chiffres seraient de 10% supérieurs à ceux recensés lors de la première enquête menée en 2008/09.
Déjà début avril, le porte-parole du Cocobod au Ghana, Fifi Boafo[photo], avait rejeté les conclusions du projet de rapport. « Nous croyons que la méthodologie utilisée était mauvaise comme la façon dont certaines question ont été formulées », avait-il alors souligné. La Côte d’Ivoire avait aussi, alors, souligné, ces problèmes de méthodologie. Pour sa part, la Fondation mondiale du cacao avait déclaré que les multinationales du cacao étaient en retard par rapport à leurs calendriers pour éradiquer le travail des enfants mais avaient alors dit que le rapport n’était pas complet et qu’il ne pouvait donc pas encore se prononcer. Nestlé, Mars et Hershey avaient aussi déclaré, début avril, qu’il était encore trop tôt pour se prononcer sur ce projet de rapport.
Hier, Reuters a indiqué qu’il n’était pas clair si ces objections de la Côte d’Ivoire entraînerait un report de la publication dudit rapport. Ni le gouvernement américain, ni l’université de Chicago n’ont encore commenté. Dans le rapport, les chercheurs reconnaissent certaines erreurs dans les statistiques de 2013/14 collectées par les chercheurs de ‘Université de Tulane, mais ont souligné qu’ils avaient pris des mesures pour que cela n’impacte pas les nouvelles données.
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