Henri Konan Bédié, 86 ans, est toujours dans l’arène politique. Avant le premier tour de la présidentielle du 31 octobre 2010, il espérait que ce serait son dernier combat. « Si je suis élu, ce sera mon dernier mandat », soutenait-il, confiant (cf. Jeune Afrique n°2596 du 10 au 16 octobre 2010).
Échec et mat. Accusant le vol de 600.000 voix des électeurs en sa faveur, il ne fut pas admis au second tour ayant opposé Laurent Gbagbo, président sortant, à Alassane Ouattara, son allié du RHDP.
Les relations avec ce partenaire ont aussi tourné au vinaigre après son « Appel de Daoukro », le 17 septembre 2014, pour soutenir, pour le compte de la coalition, la candidature unique de Ouattara en octobre 2015.
Fustigeant un marché de dupes, il a rompu son alliance et, en cavalier seul, continue la lutte politique. Sans relâche.
« Dans nos habitudes au PDCI-RDA, c’est son président qui est candidat. Donc, ce n’est pas aujourd’hui que l’on va changer », a déclaré, le 17 mai 2020 à Grand-Bassam, Maurice Kakou Guikahué, secrétaire exécutif en chef du parti pour mettre Bédié dans la position du candidat naturel pour la présidentielle du 31 octobre 2020.
Mais le parti septuagénaire a un caillou dans son soulier: Tidjane Thiam. Le neveu de Félix Houphouët-Boigny s’est invité dans le débat et brouille toutes les cartes; c’est le branle-bas. Membre du Bureau politique depuis le 10è Congrès ordinaire (28 au 31 octobre 1996), ancien directeur du BNETD (avril 1994 – août 1998) et ministre du Plan et du Développement (août 1998 – décembre 1999), sous Bédié, il a des velléités de candidature à la présidentielle.
« Je m’exprimerai le moment venu », a-t-il lâché, le 27 avril 2020, sur les antennes de TV5 Monde. Car, s’il cherche le parrainage du PDCI pour défendre ses couleurs, il refuse, à l’inverse de Laurent Dona Fologo et Alphonse Djédjé Mady, anciens secrétaires généraux du parti, de croiser le fer avec Bédié dans les urnes pour les départager.
Le modus vivendi, que Thiam recherche discrètement mais activement pour emporter l’adhésion de Bédié, écartèle le parti entre deux thèmes de deux Congrès ordinaires du PDCI-RDA.
Les uns sont pour « Le changement dans la continuité » (7è Congrès du 29 septembre au 1er octobre 1980); ce sont surtout les apparatchiks et autres dinosaures qui sont pour du saupoudrage afin que tout tremble mais que rien, au fond, ne bouge.
Les autres soutiennent « Le PDCI face aux nouveaux défis: renouveau, rajeunissement, renaissance » (12è Congrès du 3 au 5 octobre 2013); ce sont particulièrement les jeunes loups aux dents longues conduits par le député Kouassi Kouamé Patrice, 57 ans.
Le 20 décembre 2019, ce dernier mettait les pieds dans le plat au cours d’une réunion du Bureau politique. Se servant d’un proverbe yorouba, KKP demandait publiquement à Bédié de renoncer à ses ambitions de candidature pour garder sauf son honneur et « parier sur les jeunes, l’avenir de la nation ». Et, s’écriait-il, « l’avenir, c’est maintenant ».
L’entrée en scène de Tidjane Thiam, 58 ans le 29 juillet 2020, lui apporte du grain à moudre. De plus, elle ouvre une brèche au président du parti pour épouser, après Alassane Ouattara, la dynamique de passer le témoin à une nouvelle élite politique.
La partie est cependant loin d’être jouée. Aussi, la Convention nationale d’investiture du candidat à la prochaine présidentielle, prévue du vendredi 12 au dimanche 14 juin 2020, a de très fortes chances d’être reportée sine. Pour deux raisons.
D’une part, le coronavirus. Ces assises sont censées réunir entre 6 mille et 8 mille participants, au bas mot, alors que le rassemblement autorisé n’est, pour l’instant, que de 200 personnes.
D’autre part, l’aggiornamento pour que le PDCI, uni autour d’un candidat consensuel, parte en rangs serrés à la conquête du pouvoir d’État perdu le 24 décembre 1999 par un coup d’État militaire.
F. M. Bally
Photo: Bédié et le pagne de la convention.
Commentaires Facebook