La communauté musulmane de Côte d’Ivoire est en deuil. Le dimanche 17 mai 2020 et après une semaine d’hospitalisation pour avoir contracté la Covid-19, Cheikh Boikary Fofana (photo) a rendu l’âme à l’âge de 77 ans. Il part, laissant la communauté musulmane orpheline d’union.
En effet, le guide suprême du Conseil supérieur des imams, des mosquées et des affaires islamiques en Côte d’Ivoire (COSIM) rend l’âme alors que la communauté musulmane, embourbée dans la politique politicienne, se trouve sur un terrain miné.
Pourtant, c’était pour vaincre l’hydre de la politique, alors que le Conseil supérieur des imams (COSIM) était en agonie, que le clash a eu lieu en 1993, sous Félix Houphouët-Boigny.
Le Conseil national islamique (CNI) était porté sur les fonts baptismaux pour quitter le navire du Conseil supérieur islamique (CSI). Conduite par El hadj Diaby Moustapha dit Koweït, cette association était jugé inféodée au pouvoir du PDCI-RDA.
A la naissance du CNI, les principaux guides religieux dont les imams Boikary Fofana, Cissé Djiguiba Abdallah et Sékou Sylla ont porté à sa tête le Cheikh Al Islam Imam Koné Idriss Koudouss.
Très vite, la fédération du CNI a supplanté le CSI. Elle est rapidement devenue l’institution suprême non seulement des réformistes mais d’une majorité des musulmans de Côte d’Ivoire.
Mais des dissensions, appuyées sur des querelles de leadership et des problèmes de personne, vont clairement apparaître et opposer les membres du CNI.
C’est ainsi qu’en avril 2006, l’imam Boikary Fofana a été plébiscité pour ressusciter le moribond COSIM à l’effet de mettre le CNI sous l’éteignoir, à l’instar du CSI.
Et c’est pour être la seule instance suprême et la seule autorité spirituelle de la communauté musulmane de Côte d’Ivoire que le Conseil supérieur des imams, né en 1987, deviendra, le 17 juin 2019, le Conseil supérieur des imams, des mosquées et des affaires islamiques en Côte d’Ivoire en gardant le même sigle COSIM.
En réalité, la crise politique, qui a secoué le pays, est passée par là. Elle a provoqué irrémédiablement la fracture, qui est devenue rupture, au sein des musulmans entre deux tendances antagonistes qui n’ont cessé de se regarder en chiens de faïence.
D’une part, le CNI et Idriss Koudouss. Revendiquant la laïcité de l’État, ils ont été taxés de rouler pour le régime Gbagbo et de prier pour son maintien au pouvoir.
D’autre part, le COSIM et cheikh Boikary Fofana. Ils se sont, pour leur part, rangés derrière Alassane Ouattara afin de le soutenir dans ses ambitions d’accéder à la magistrature suprême.
De ce fait, toutes les tentatives de conciliation pour éteindre le feu de la division, y compris celle entreprise en avril 2009 par le président Laurent Gbagbo, ont avorté.
Le loup de la politique est entré dans la bergerie musulmane pour s’y installer confortablement.
Les positions sont demeurées si tranchées que durant la crise post-électorale, chaque structure a choisi son camp à travers deux Nuits du Destin. Le lundi 14 février 2011, le CNI a célébré cette nuit avec les autorités du Palais présidentiel et le mardi 15 février, c’était au tour du COSIM avec la « République du Golf ».
Conséquence, depuis la chute de Laurent Gbagbo, Idriss Koudouss est contraint de raser les murs, n’ayant plus voix au chapitre alors que le défunt Boikary Fofana, dans les bonnes grâces du pouvoir Ouattara, avait le vent en poupe.
C’est pourquoi le chef de l’État pleure sincèrement « un frère et un ami », rappelant alors à tous les censeurs du défunt El hadj Diaby Koweït, alors voué aux gémonies pour accointances politiques, ces versets bibliques.
« Ne jugez pas les autres, afin que Dieu ne vous juge pas. Car Dieu vous jugera de la façon dont vous jugez et il utilisera pour vous la mesure que vous employez pour les autres. Pourquoi regardes-tu le brin de paille qui est dans l’œil de ton frère alors que tu ne remarques pas la poutre qui est dans ton œil !? » (Matthieu 7, 1-3).
F. M. Bally
Commentaires Facebook