Mon courriel du vendredi 1er mai 2020
Dans l’avant-propos de leur ouvrage intitulé, Dictionnaire de la négritude, publié chez L’Harmattan en 1989, les co-auteurs, Mongo Beti et Odile Tobner, décrivent l’atmosphère, à l’époque, des trente années passées, durant lesquelles les peuples africains, enfin libres et souverains, mais encore impuissants « ont dû entendre les éternels docteurs Pangloss leur prescrire un destin à la fois injuste et insensé ».
Les deux auteurs ne manquent pas, par ailleurs, de dépeindre les peuples africains comme des figurants hébétés depuis les temps immémoriaux, en raison de la traite, de la déportation et de l’esclavage, dont la justification était, leur disait-on, les guerres tribales. Lorsqu’ils s’interrogent alors sur la raison de la colonisation, la réponse cinglante venue de ces docteurs Pangloss, c’est aussi les guerres tribales. Et le désastre de la dette? C’est encore les guerres tribales. Comme nous sommes en 1989, c’est-à-dire, presque trente ans après les « soleils des indépendances », les deux auteurs tirent de leur observation de la situation existante la conclusion que voici:
« La preuve est cette fois faite […] que les peuples africains n’ont rien à espérer de ce côté-là. Rien de durablement heureux ne peut advenir sans leur initiative et leur enthousiasme ».
La pandémie du coronavirus ne doit-elle pas être, pour les Africains que nous sommes, surtout pour nos leaders et autres élites pensantes, l’occasion unique de prendre l’initiative d’interpréter, d’une manière prospective, le monde de demain, celui du post-COVID-19?
Il convient, en effet, de reconnaître qu’en libérant notre prise de la parole collective, les média sociaux actuels favorisent, certes, nos échanges d’informations et leur diffusion en temps réel. En fait, l’utilisation facile et gratuite de ces média sociaux nous conforte dans nos recherches inlassables de construire une image digne du Noir, par la déconstruction simultanée de celle qui, selon la très belle expression de nos deux auteurs du Dictionnaire de la négritude, a été « édifiée […] sans lui et donc contre lui ».
Toutefois, une des questions fondamentales à se poser, dans cette période de confinement, reste celle de savoir si une mise en garde indispensable ne s’impose pas à nous, qui nous adonnons à un usage frénétique des media sociaux contemporains, histoire d’occuper utilement notre temps, en attendant de pouvoir enfin, vaquer à nos occupations préférées? Cette mise en garde pourrait se traduire par deux questions subsidiaires, à savoir:
Est-ce que nous sommes disposés et prêts à nous mettre face à notre conscience africaine comme face à un miroir pour nous demander quel comportement ou quels comportements du passé, pour lequel ou pour lesquels, nous devrions opérer une rupture au sortir du COVID-19 ?
Est-ce que nous avons fait suffisamment notre introspection pour savoir à quel changement de paradigme nous allons adhérer dans l’après COVID-19 ?
Bonne réception, bonne lecture et votre retour, à votre plus proche convenance, sera hautement apprécié.
PMKokora
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