Je vous transmets ouvertement ce message à partir des réseaux sociaux qui vont plus vite que les voies officielles classiques avec leurs obstacles protocolaires qui empêchent les petits citoyens de s’adresser à vous. J’espère qu’une bonne âme fera remonter mon message.
Chaque jour je prends le temps de regarder le journal télévisé en Côte d’Ivoire. Je remercie le chef de l’État et toutes les autorités pour le combat contre le Coronavirus parce qu’il faut être de mauvaise foi pour dire que rien ne se fait. Il y a des actes positifs à relever et je vous félicite et vous encourage.
Cependant, j’aimerais proposer quelques pistes qui constituent mes apports qui ne sont que les murmures de beaucoup de citoyens.
A travers la télévision, je constate qu’il y a beaucoup de dons : huiles, riz, ignames, oignons, huile. C’est bien, mais à votre avis, combien de sacs de riz allez-vous partager à chaque foyer dans un pays de plus de 20 millions d’habitants ? Continuerez-vous à faire ces dons dans la durée durant cette crise pour que chacun mange ?
On pourra me dire que la population a faim du fait des mesures dues au Covid 19. C’est une thèse louable mais intenable du fait de la hiérarchie des besoins. Pourquoi ne pas mutualiser les forces charitables et économiques pour des actes qui construiront les citoyens dans la durée ? J’aimerais donner quelques exemples :
1-Au niveau des élèves et étudiants
Il est vrai que l’État a proposé les cours à travers la première chaîne de la télévision. Mais nous pouvons pousser plus loin la réflexion. Je propose qu’on consacre la chaîne de divertissement, RTI 3, à la diffusion des cours parce que l’heure n’est pas à la danse, aux buzz et aux amusements. Du coup durant toute une journée, les élèves et étudiants pourront se former. Je pense bien que ces enfants donneront demain des milliers de sacs de riz à leurs parents. C’est pourquoi en lieu et place d’ignames, l’État peut offrir et inviter les donateurs à faire don de télévisions et groupes électrogènes dans les villages les plus reculés où les enfants n’ont pas accès à la télévision et à l’électricité.
2-Au niveau des masques
En Côte d’Ivoire, nous avons beaucoup de jeunes couturiers qui n’ont jamais eu la chance de mettre à profit tout ce qu’ils ont appris dans les écoles de couture par manque de moyens. Dans chaque petite famille nous trouvons deux couturières et un couturier. Nous avons aussi des couturiers qui ont fermé leurs ateliers. C’est le moment de rendre utiles tous ces vaillants citoyens en les appelant au secours de la population. Au lieu d’offrir des cartons d’huile, on peut créer rapidement des ateliers, offrir des machines et inviter ces couturiers à coudre des masques que les communes offriront à la population gratuitement.
3-Au niveau de la prise en charge des salaires
Nous savons que beaucoup de familles vivent de petites activités de leurs fils et filles. C’est le cas des dames qui vendent du poisson à la braise, les petits coiffeurs, les vendeuses de boissons, les petits commerçants et ceux qui travaillent dans le privé. Ces petits travailleurs nourrissent des personnes, prennent des personnes en charge. Aujourd’hui leurs activités sont arrêtées. Je pense qu’au lieu d’offrir des sacs de riz, on peut recenser ces personnes et voir dans quelle mesure leur donner un traitement salarial mensuel pour soutenir les familles sans sentir la crise.
4-Assurance maladie
Aujourd’hui, nous savons que nos populations n’ont pas d’assurance maladie en dehors de celles de la fonction publique et de grandes entreprises privées. Elles se soutiennent à travers ce que certains gagnent par leurs activités. Aujourd’hui tout est arrêté. Comment pourront-elles se soigner face aux autres maladies en dehors du Covid 19 ? Que fera la jeune fille qui fait son commerce de chemise entre Noé et Abidjan si sa mère est malade ? Voilà pourquoi en lieu et place de dons de bananes on pourrait simplement penser à assurer ces populations gratuitement. Les populations assurées pourront payer leur droit après la crise selon une période bien déterminée dans le cas contraire, elles perdent leur assurance.
5-Au niveau des seaux
J’ai appelé un de mes frères et des amis, pour qu’on réfléchisse sur un éventuel don en seaux et savons dans les villages et quartiers précaires. J’ai demandé le prix des seaux. On m’a fait savoir qu’ils coûtent entre 3.000 et 4.500 fcfa selon la qualité. Avec ces prix, combien de seaux les villages et quartiers pourront-ils acheter ? Combien de seaux l’État pourra-t-il offrir aux populations ?
Je préconise que le matériel de protection face au Covid 19 soit vendu moins cher grâce à une subvention que l’État pourra octroyer et surtout qu’un prix fixe soit établi par l’État pour ne pas que les commerçants tuent les populations plus vite que le Covid 19.
Je m’arrête ici chères autorités puisque la liste est longue sans oublier la question des loyers puisque je ne comprends pas comment quelqu’un qui n’a pas travaillé durant trois mois pourra payer son propriétaire même si l’on a reporté les loyers pour décembre ? C’est une accumulation de dettes qui peut donner un AVC.
J’ai donné ces exemples pour que chacun comprenne la gravité de la situation. Je sais que c’est difficile, mais quand c’est dur, ce sont les durs qui avancent et puisque l’honneur et les charges sont intimement liés, l’heure du devoir a sonné et je compte sur votre ingéniosité.
Soyons inventifs et imitons un peu l’organisation sociale et économique des pays occidentaux face à cette pandémie. Il faut savoir s’inspirer et prendre ce qui est bon chez les autres de la même manière dont on copie leur démocratie, leur manière de s’habiller et leur Constitution. Si nous restons au stade des dons en vivre, chères autorités il y aura des éternels insatisfaits, ceux qui seront oubliés, ceux qui revendront les sacs de riz. Alors que si vous aidez les populations à se prendre en charge, vous formerez des citoyens responsables dans la durée, ce qui conduira au développement durable.
Chères autorités, depuis 1960, tous les régimes ont fonctionné dans la dynamique des dons de riz, d’enveloppe à telle ou telle région, à telle couche de la société ou à telle personne, sans construire notre pays sur les bases d’une sécurité sociale solide. C’est ce qui rend notre pays fragile parce qu’on ne fédère pas les avoirs donc les plus forts mangent et les Lazare sont au rebond comme au basket. J’aimerais donc que cette crise soit à l’origine d’un nouveau contrat social dans lequel tous les Ivoiriens sont égaux en soin et en santé comme l’a affirmé le chef de l’État dans son discours sur le Covid 19.
Merci et que l’Esprit Saint vous comble de ses dons
Père Marius Hervé Djadji.
Prêtre ivoirien.
lajoiedeprier.nguessan@yahoo.fr
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