Covid-19: Mouhi N’Guessan Adolphe, originaire de la Côte-d’Ivoire, la quarantaine passée, réside depuis plus d’une dizaine d’années en Italie. Depuis Piacenza dans le nord de l’Italie, non loin de Milan, il est le premier intervenant dans notre nouvelle rubrique sur les Ivoiriens/Ivoiriennes et leurs conditions de confinement en Europe.
Propos recueillis par Gbansé Douadé Alexis, journaliste
Les premiers cas de covid-19 ont été signalés dans la province de Cremone dans un village nommé Vo le 27 février 2020. Rapidement ce qui était considéré par certains comme une grippe saisonnière va commencer à faire des ravages fulgurants. Plus tard, d’autres cas de contagion ont été signalés à Milan et dans des villes environnantes en Lombardie au nord de l’Italie. Les autorités ont donc rapidement imposé un confinement général dans toute l’Italie, avec un dispositif militaire impressionnant. C’est à partir de ce moment que la distanciation sociale fut décidée. Néanmoins les bars et restaurants pouvaient ouvrir entre 8 heures le matin et 21 heures le soir en Lombardie. Mais très vite, le 12 mars, les mesures vont s’étendre à tout le pays, du nord au sud, de l’ouest à l’est, avec un confinement total. Il nous fallait limiter au maximum nos déplacements et le cas échéant présenter une autorisation certifiée pour pouvoir se déplacer. Le pays fut dans la foulée mis en état-d’urgence.
Vivre confinés
Au début, nos journées commençaient par une petite heure de sport, ensuite un peu de lecture, le soir on fait des jeux de société et vers 21 heures, de la méditation et du yoga. Magda, ma copine, s’est aussi initiée à la pâtisserie. Moi je profite pour préparer un examen professionnel. Je prends aussi des cours de transcription vidéo sur internet, combinés à la traduction de livres audio. Dans l’ensemble je m’ennuie peu mais c’est très difficile psychologiquement car les sorties « non autorisées » constituent aujourd’hui un délit. On a le sentiment d’avoir perdu quelque chose de fondamentale : notre liberté d’aller et de venir. La population, même si elle est consciente des enjeux sanitaires commence à grogner. Car de plus en plus d’incidents se multiplient dans certaines villes.
Les immigrés touchés
Au niveau de la communauté africaine noire, d’après mes informations, on a perdu un doyen ressortissant de Divo. On m’a aussi parlé de décès parmi les Sénégalais qui sont assez nombreux ici. La situation des amis et parents me crée aussi des soucis. Mon fils est par exemple reste toujours bloqué en Thaïlande avec sa copine, jusqu’au jour d’aujourd’hui. Des amis partis en vacances sont encore bloqués à Abidjan au pays. Au début certains médias de la droite berlusconienne et même des Italiens membres de Ligue du nord de Salvini se sont posés la question de savoir pourquoi la maladie ne contaminait pas les Africains noirs. Voulant sous-entendre un certain complot, mais très vite des voix autorisées ont démontré le contraire au fur et à mesure de l’évolution de l’épidémie. Certains centres d’accueil à Vérone et au sud ont enregistré des booms de contagions parmi les demandeurs d’asile à cause de l’extrême promiscuité
File d’attente mais pas de pénurie
Lorsqu’il arrive qu’on se rencontre entre voisins, on échange un peu mais il n’y a aucun contact. Les rues sont tellement désertes que personnellement je me sens un peu gêné ou même coupable quand je sors sans motif valable. Nous faisons le marché une fois par semaine, avec parfois de longues queues d’attente qui peuvent durer au pis des cas jusqu’à heure et demi. La plupart des supermarchés ou j’habite n’admettent seulement que trois clients à la fois et une personne par famille. Il y a certains petits supers marchés qui autorisent seulement entre 15 et 20 minutes à l’intérieur de leur enseigne. Certains aliments de première nécessité manquent parfois et coûtent un peu plus cher, mais dans l’ensemble il serait excessif de parler de pénurie.
Bout du tunnel
Les mesures devraient être allégées pour permettre à l’économie de repartir car beaucoup de personnes se retrouvent au chômage, des familles entières sont sans revenues. Les mesures d’accompagnement sont insuffisantes et inadéquates selon de nombreux Italiens. La grogne se fait progressivement sentir. »
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