Covid-19: Annulation de dette et épistémologie

Il y’a plus de 10 ans j’avais trouvé inutiles les cours de Mr El Arabi sur l’épistémologie, cette dimension critique voire philosophique de l’analyse sous-jacente aux concepts théoriques et économiques que nous étudions.

Aujourd’hui, je dis merci au Professeur car je pressens, dans la conjoncture actuelle, un débat originel qui se veut épistémologique dans cette tendance exagérée à l’appel à l’annulation de la dette des pays les moins développés.

Cette demande d’annulation pose un problème (d’aléa) moral sur le moyen et long terme. Voir des gouvernements africains réclamer cette annulation à cor et à cri signifie qu’ils ont simplement échoué, quelques années plus tôt, dans leurs choix d’investissement stratégique en faveur du développement, et non en soutien à une croissance arithmétique (quasiment invisible par les classes moyennes inférieures et celles moins nanties). C’est indubitablement le cas de la Côte d’Ivoire.

Secundo, entendre le même son de cloche dans l’escarcelle des partenaires bilatéraux de ces pays, dont la France, dénote d’une volonté de poursuivre la même politique d’assistanat, consistant à annuler 100F de dette bilatérale alors que 10000 F de réserves de change dorment dans les comptes officiels dudit partenaire bilatéral.

Du point de vue épistémologique, l’endettement doit être ramené à sa simple réalité. Celui qui emprunte pour satisfaire (prioritairement, principalement et essentiellement) ses besoins primaires est voué à une dépendance sempiternelle vis-à-vis de ses créanciers. L’autre qui emprunte pour augmenter sa capacité de production sur une période déterminée « sort » progressivement de la relation de dépendance monétaire vis-à-vis du créancier, à travers l’augmentation graduelle de sa productivité.

Exemples typiques du salarié-bouc-entier qui emprunte pour s’offrir une grosse berline de luxe, tapageuse et aguicheuse dans ses réseaux sociaux, contre le modèle du travailleur/entrepreneur qui emprunte pour valoriser des terres agricoles, un domaine foncier, ou un projet à fort potentiel de valeur ajoutée. Bon nombre de gouvernements africains agissent comme le salarié-bouc-entier, alors qu’il faut suivre le modèle des pays du sud-est asiatique tel que ce fut le cas dans les années 60/70/80.

En somme, dans ce contexte de crise sanitaire du COVID-19 et de ses potentiels effets désastreux sur le secteur financier et l’économie mondiale, la priorité doit être donnée aux mesures exceptionnelles de soutien / de refinancement sélectif / d’assouplissement des ratios prudentiels dans le secteur financier.

Au niveau de l’économie réelle des pays en développement, il faut agir stratégiquement sur les secteurs qui boostent les entrées de devises (exportations – tourisme – transferts transfrontaliers) et ceux qui maintiennent un niveau décent / acceptable de (sur)vie dans la population: ceux relevant principalement de l’économie informelle -majoritaire– dans les pays sous-développés. D’ailleurs les mesures inefficaces voire inutiles relatives au couvre-feu et la fermeture de certains commerces aggravent l’impact social et économique du COVID-19 en Afrique notamment.

Quant à la dette extérieure, les gouvernements sérieux peuvent négocier des reports de remboursements d’intérêts (moratoire) jusqu’à ce que la crise sanitaire s’éclipse; concernant la dette intérieure, les banques centrales africaines doivent sortir de leur fantasme conservateur (lutte exclusive contre l’inflation) pour soutenir exceptionnellement (par la planche à billets) les gouvernements vis-à-vis des échéances de remboursement aux fournisseurs de l’Etat, afin de stimuler la demande intérieure (nouveaux investissements – consommation des ménages – liquidité des banques commerciales).

D’ailleurs en période de récession et dans un environnement d’inflation zéro (UEMOA), un peu de pression sur la demande et les prix ne fait pas de mal.

Attoh Walah (Docteur)

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1 réflexion au sujet de « Covid-19: Annulation de dette et épistémologie »

  1. Une tres BELLE analyse, remplie de CONSEILS et autres voies á suivre..malheureusement dans la plupart des pays Africains ,les politiciens(surtout ceux aux pouvoir) constituent une sorte de « ADM=Arme á Destruction Massive  » silencieuse……….. Tout politicien Opposant( africain surtout) possède toutes les solutions aux différents problèmes de son pays en brandissant ses diplômes obtenus . A ma connaissance , RARES sont des Présidents hautement « gradés » intellectuellement, qui ont réussi á satisfaire leur peuple respectif ou qui ont réussi leur(s) mandat(s) Présidentiels. …. On le dit très souvent dans les milieux sportifs aussi que :  » les très bons joueurs deviennent rarement de très bons entraîneurs,,, »

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