La pandémie covid-19 cause une envolée spectaculaire du chômage sur la planète

L’Asie est de loin la zone la plus touchée, selon les données de l’OIT. Mais les inscriptions explosent aux États-Unis et le chômage partiel grimpe en Europe.

Une crise inédite depuis l’après-guerre. Le constat s’impose à mesure que le virus se propage sur la planète. « L’impact du Covid-19 sur l’emploi est profond, d’une grande portée et sans équivalent », alerte mardi l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les ravages sanitaires et sociaux du Covid-19. Sur une population active de 3,3 milliards de personnes, plus de quatre sur cinq sont affectées par la fermeture totale ou partielle des lieux de travail, évalue l’OIT. La pandémie provoque un double choc économique d’offre et de demande, sous l’effet du confinement et de l’arrêt des chaînes de production.

Ce choc se traduit par une envolée du chômage. Les chiffres sont effrayants aux États-Unis avec 10 millions de nouvelles inscriptions en deux semaines. Bien plus que le pic de 800.000 atteint en 2008 ! Idem au Canada avec 2,13 millions d’inscrits aussi sur la quinzaine. En Grande-Bretagne, le nombre – 950.000 nouvelles demandes entre le 16 et le 31 mars – est dix fois plus important que la normale. Dans une Europe plus protectrice qui dispose de filets de sécurité, la part du chômage partiel explose.

En Allemagne, près de 500.000 entreprises ont fait la demande en mars, c’est vingt fois plus qu’après la crise financière sur un mois. En France, les demandes concernent 5,8 millions de travailleurs, plus d’un salarié du privé sur quatre. « Du jamais vu ! Le choc est immédiat, ponctue Stefano Scarpetta, directeur de la division emploi et affaires sociales de l’OCDE. Pendant la crise de 2008, l’augmentation du chômage, aussi très importante, a pris du temps ».

Mi-mars, lors de sa première évaluation du Covid-19, l’OIT estimait que 25 millions de personnes risquaient de perdre leur emploi, venant grossir les rangs mondiaux des chômeurs estimés à 190 millions. « La pandémie évolue avec une telle ampleur et des situations très disparates (chômage partiel, baisse d’activité, licenciements…) que nous nous basons désormais sur les heures effectuées », explique Guy Ryder, le directeur général de l’OIT. L’organisation basée à Genève estime que 6,7 % des heures de travail dans le monde pourraient disparaître au deuxième trimestre, soit 195 millions d’équivalents temps plein pour une semaine de 48 heures, dont 125 millions en Asie, 24 en Amérique et 20 en Europe. « Cette distribution géographique va certainement évoluer, nous redoutons une aggravation dans les pays en développement », souligne le directeur général. Une étude de l’Union africaine publiée lundi avance le chiffre de 20 millions d’emplois supprimés sur le continent et une hausse de l’endettement. L’inquiétude est d’autant plus forte, insiste l’OIT, qu’une part significative de la main-d’œuvre travaille dans l’économie informelle dans ces pays, jusqu’à 90 % en Inde. Or, ces travailleurs « au noir » n’ont quasiment pas de protection sociale, pas d’allocation-chômage et peu accès aux infrastructures de santé.

L’OIT pointe les secteurs les plus à risque, le transport, les services d’hôtellerie et de restauration, l’industrie manufacturière, et le commerce de détail. Cela concerne 1,25 milliard de travailleurs exposés à des licenciements, pertes d’activité et de revenus. Si l’OIT suit en temps réel l’évolution, ses experts n’avancent pas de prévision de chômage sur l’année. « Cela dépend de la maîtrise de la pandémie et du rythme de sortie du confinement », explique Guy Ryder qui appelle à des mesures d’urgence. « Des efforts importants ont été consentis au niveau national dans les économies développées pour limiter l’impact économique et social mais il manque une véritable coordination internationale, comme on l’a vu en 2008 au sein du G20, et surtout une solidarité envers les pays en développement qui n’ont pas les ressources à disposition ». Les États ont appris de la grande récession, cherchent à éviter les licenciements secs en ­élargissant l’accès du chômage partiel, en particulier aux PME plus vulnérables. L’Allemagne a fait figure d’exemple en 2008 avec le Kurzarbeit. « Les entreprises ont beaucoup mieux récupéré de la crise. Il y a une logique économique et aussi sociale à aider les personnes à surmonter la crise », argue Guy Ryder. Cela permet aussi de préserver les compétences.

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Cette crise pousse par ailleurs à inventer des méthodes alternatives comme le télétravail. Ce n’est pas sans risque, souligne l’ancien syndicaliste britannique : « Il y a des éléments de stress, d’isolation sociale qui rentrent en jeu ».

Autre priorité : il faut veiller à la protection sanitaire de ceux qui continuent de travailler. La reprise de l’emploi dépendra des modèles épidémiologiques et des tests sérologiques, conclut de son côté Stefano Scarpetta. « Il faut beaucoup de R&D sur les traitements et les tests. Nous vivons une crise inédite où les politiques sociales et de santé sont liées ».

Par Anne Cheyvialle
Lefigaro

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