Martial Frindéthié
Personne, et surtout personne dans les rangs de l’élite gouvernante africaine, n’avait un seul instant imaginé qu’une pandémie de l’ampleur de celle que nous vivons aujourd’hui mettrait le monde à l’arrêt, fermerait les frontières internationales et confinerait près de 8 milliards d’humains chez eux, les contraignant à ne compter que sur eux-mêmes, sur leurs propres systèmes de santé, sur leurs propres systèmes éducatifs, sur leurs propres systèmes de prestations sociales, sur leurs propres systèmes alimentaires.
Après tout, la mondialisation tant carillonnée ne promettait-elle pas, à ceux qui pouvaient se l’offrir, une libre circulation des personnes, des capitaux, et des technologies ? N’était-ce pas sur cette prémisse que les élites gouvernantes africaines avaient compté pour gruger leurs peuples, préférant détourner vers leurs comptes privés dans des paradis fiscaux les deniers publics, plutôt que de les utiliser à construire des routes, à bâtir et équiper des hôpitaux, à ériger des écoles et à financer la recherche, en un mot, plutôt que de les utiliser à pourvoir leurs pays de structures et de services qui bénéficieraient au bien-être de tous ?
Aujourd’hui, alors que le COVID 19 nous maintient tous en place, gouvernants et gouvernés, et que chaque pays, vomissant commodément les doctrines de la mondialisation, « se cherche », comme on le dit en parlance ivoirienne, se bunkérisant dans un égocentrisme salvateur, aujourd’hui, alors que tous nous sommes contraints à chercher des solutions locales, à nous soigner ici plutôt que dans les hôpitaux de là-bas, à nous nourrir de ce qui se produit ici plutôt que de ce qui vient de là-bas, puisse cette pandémie qui restreint nos mouvements et nous demande de compter d’abord sur l’ici plutôt que le là-bas, nous inspirer à comprendre la nécessité première de développer l’ici, d’accroitre les adéquations de l’ici, de valoriser, de soutenir, de hisser et d’éduquer le capital humain de l’ici pour le bien-être de tous, gouvernants et gouvernés.
Puisse le Coronavirus nous vacciner contre la cupidité, l’égoïsme, la rapine, et les détournements de capitaux qui minent notre bien-être collectif. Puisse-t-il nous emmener à réellement repenser nos priorités, pour enfin introduire dans notre vision du monde une étincelle de vrai engagement au profit du développement national, local ; une étincelle qui nous infuse une compréhension de la mondialisation, non pas comme fuite de soi, non pas comme déni de soi pour un amour obsessionnel de l’autre, mais plutôt comme connaissance du là-bas, engagement avec le là-bas, pour une plus grande appréciation et un plus grand épanouissement de l’ici.
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