Les Ivoiriens peuvent-ils tenir jusqu’au bout ?
Lors de son dernier message à la nation, le chef de l’Etat Alassane Ouattara a corsé les mesures de prévention en allant jusqu’à décréter l’état d’urgence et le couvre-feu contre l’ennemi invisible, le virus mortel du Covid19. Aussitôt décrétées, les mesures ont commencé à s’appliquer sur le terrain sans qu’on y force trop les populations, de plus en plus inquiètes du danger.
Grand lieu de retrouvaille de la crème des hommes d’affaires vivant à Abidjan, le Casino du Sofitel Hôtel Ivoire a été parmi les premiers établissements à baisser rideaux sans attendre le dernier discours d’Alassane Ouattara. L’établissement a demandé à son personnel de rester à la maison pour on ne sait combien de jours ou combien de semaines. Toujours est-il qu’il a immédiatement procédé au virement des salaires avec la mention à chaque employé ‘’Dépensez moins’’. Suivant la cadence, un autre établissement hôtelier, le Novotel, très prisé par les touristes européens de passage à Abidjan, a également fermé. Mais ici, les contrats ont été résiliés pour la plupart sans que les travailleurs ne s’expliquent les raisons d’une telle décision. A la rentrée, il n’est pas sûr qu’ils soient reconduits dans leur ensemble et le doute s’installe déjà. Ils doivent être en train de pester contre ce maudit virus.
A Yopougon, à la célèbre place CP1 ce mercredi, c’était le désert total. Les bonnes odeurs de la viande de porc rôtie ou en soupe ont cédé la place à des mouches qui n’ont plus de quoi sucer. Tous les bistrots et maquis de cet endroit ont effectivement fermé. Idem à Siporex et un peu partout dans la commune. Dans la journée, il était difficile de trouver à manger ou à boire. Seuls quelques réfractaires servent à domicile dans une stricte prudence car ne sachant à quels clients ils ont vraiment affaire. Peut-être des policiers en civil. Toujours est-il que ces commerçants qui n’ont pas vu venir la mesure, surtout les tenanciers de maquis et restaurants grincent déjà des dents. « Je ne pense pas que je puisse tenir le coup dans cette incertitude. L’idée qui me vient, c’est de fuir Abidjan pour aller au village. Mais là encore, ça devient pénible parce que des autocars ont été bloqués ce matin à la gare. Ceux qui ont tenté de prendre la route ont été contraints de faire demi-tour. Ça va devenir pénible », réagit Albert T. un propriétaire de maquis à la rue princesse de Yopougon.
C’est clair, sans mesure d’accompagnement, c’est un désastre qui se dessine à l’horizon et dans les supermarchés, certaines denrées commencent à manquer. Le riz de grande consommation notamment comme la marque ‘’Maman’’. Les grands brasseurs ont également des soucis à se faire. Les commandes de bières et autres boissons vont stagner. Si pour l’instant les gérants des maquis usent de stratagème pour écouler leurs stocks actuels, le durcissement progressif des mesures leur sera fatal.
Dans les transports en commun, les minicars appelés ‘’Gbakas’’ font toujours comme d’habitude. Faire le plein des 18 ou 22 places est leur souci. Les apprentis n’ont pas encore reçu de directives ou ils les violent en serrant les passagers les uns comme les autres sans se poser de question pour leur propre santé a fortiori pour celle des clients. Avec eux, il va falloir être plus rigoureux tant ils prennent des libertés avec la discipline.
Ce soir et demain, les quartiers populaires autrefois vivant au rythme des sons et lumière venant des maquis et bars seront bien silencieux. Mais pour combien de temps ces abidjanais, noceurs et amoureux de ces lieux, respecteront-ils la mesure ? On est certes en face d’une contrainte majeure, une affaire de santé publique mais comment supporter ces mesures si la vie économique doit s’arrêter ? Cruel dilemme. Et ça grise déjà à l’idée de cette nouvelle habitude qui limite les déplacements, qui oblige les gens à rester chez eux et à perdre leurs revenus.
Dans cette situation, ceux qui suivent les médias étrangers préconisent la méthode sud-coréenne. Là-bas en Corée du Sud, il n’y a pas de confinement de populations. Les gens circulent normalement mais ils sont testés à bord des véhicules et partout. Les gens portent les masques et la solidarité est bien organisée. Les services d’hygiène se mettent en branle et l’armée est descendue dans l’arène, non pas pour réprimer mais pour désinfecter tous les recoins susceptibles de capter le virus. Mais la Côte d’Ivoire n’est pas la Corée du Sud et Séoul n’est pas Abidjan.
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr
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