Docteur Yassoungo SILUE, connue sous le nom de Léa SILUE est médecin à Santé publique France, qui est l’agence nationale de santé publique, un établissement public français à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministère chargé de la santé. Elle travaille à la cellule régionale de l’Île-de-France (région parisienne), donc à l’agence régionale de la santé d’Île-de-France. Epidémiologiste, à la pointe du combat contre le Covid-19 ou Coronavirus, elle parle des mesures de lutte contre la pandémie.
Docteur, pouvez-vous nous parler de ce virus et comment affrontez-vous cette crise pandémie en France ?
Le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 appartient à une importante famille de virus. Beaucoup de ces coronavirus infectent principalement les animaux. Certains causent des infections chez l’Homme. Parmi eux, deux coronavirus ont entrainé des épidémies graves chez l’Homme : le SRAS-CoV (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère-Coronavirus) en 2002-03 et le MERS-CoV (Middle East Respiratory Syndrome-Coronavirus) depuis 2012. Le COVID-19 a très probablement une origine animale. Des investigations sont actuellement en cours en Chine afin d’identifier l’espèce animale d’où il provient. Il est probable que ce coronavirus soit similaire aux autres coronavirus humains, qui sont généralement transmis lors de contacts étroits par l’inhalation de gouttelettes infectieuses émises lors d’éternuements ou de toux par le patient ou après un contact avec des surfaces fraîchement contaminées par ces secrétions. Les coronavirus survivent quelques heures dans le milieu extérieur, sur des surfaces inertes sèches. En milieu aqueux, ces virus peuvent survivre plusieurs jours. La durée d’incubation, c’est-à-dire le délai entre l’infection et l’apparition des premiers symptômes, du SARS-CoV-2 est d’environ 3 à 7 jours. Mais le confinement des contacts, nous allongeons cette durée jusqu’à 14 jours.
Les signes de cette maladie peuvent être :
– infection respiratoire aiguë (fièvre, toux, essoufflement)
– des difficultés respiratoires et
– des complications pulmonaires (pneumonie) sont également décrites, ainsi que des formes plus sévères.
– Des symptômes digestifs et
– oculaires (conjonctivite) ont également été observés chez certains cas confirmés.
Les formes sévères ont une fréquence de 17-23%, mortalité 2-3 %. Certaines personnes sont plus exposées que d’autres, on parle de facteurs de risque chez ces personnes : Pathologie respiratoire chronique, pathologie rénale chronique, les femmes enceintes, traitement immunosuppresseur (corticoïdes, chimiothérapie, traitement antirejet, etc.), cardiopathie, obésité, diabète, l’âge avancé.
Depuis les premiers cas signalés en France, pouvez-vous dire en quoi consistent vos actions ?
Au début, c’était 2 cas à Paris et 1 cas à Lyon. J’étais d’astreinte et chargée d’investiguer les cas de Paris. L’idée était de tracer le parcours de ces personnes en France et essayer de retrouver les personnes qui étaient en contact avec ces gens, évaluer le niveau de risque de ces contacts qui pouvait aller d’un niveau négligeable, faible à modéré- élevé. Nous nous sommes rendus au lit du malade, et l’interrogatoire a duré 2 heures de temps. D’ailleurs un article est publié dans euro surveillance. https://doi.org/10.2807/1560-7917.ES.2020.25.6.2000094
Quelle est votre zone de compétence ?
Comme je viens de vous le dire, ma zone de compétence est la région Parisienne. Nous avons des équipes dans chaque région.
Pensez-vous que les consignes sont respectées par la population ?
La population a tout intérêt à respecter les consignes : se laver régulièrement les mains avec du savon, utiliser aussi le gel hydro alcoolique, tousser dans le coude, éviter les embrassades, ne pas saluer les gens avec les mains, se tenir à au moins un mètre des personnes et porter un masque en cas des symptômes.
Existe-t-il un traitement spécifique contre cette maladie?
Partout dans le monde, des essais de traitements sont en cours, souvent avec des molécules déjà utilisés contre d’autres virus. En France une étude limitée sur 24 patients montrant des pathologies graves liées au Covid-19 donne des signes d’espoir. L’étude teste l’efficacité de la Chloroquine, utilisée contre la malaria.
Pourquoi il faut éviter les antiinflammatoires ?
Si vous avez de la fièvre, évitez les Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS). Des complications infectieuses graves sont signalées avec ceux-ci, utilisés dans la fièvre ou la douleur. C’est le cas aussi avec le coronavirus et il est donc déconseillé d’utiliser l’ibuprofène et le kétoprofène. La cortisone est également concernée et de manière générale, tous les médicaments affaiblissant le système immunitaire. Le paracétamol est toujours à privilégier en automédication ou en produit conseillé par les pharmaciens.
Comment gérer cette épidémie en Afrique ?
Je suis particulièrement inquiète pour l’Afrique sur la gestion de cette crise sanitaire mondiale. Quand j’analyse l’organisation et les moyens déployés en France pour cette épidémie. Je rappelle à la population de respecter les moyens de prévention individuelle que j’ai énumérés au début de cette interview ; de respecter les consignes de nos états.
Je prends l’exemple de mon pays, la Côte d’Ivoire, qui est déjà plus ou moins en situation de gestion d’épidémie, c’est d’ailleurs la meilleure option pour nos pays, il faut juste tenir le cap.
Avec 9 cas, le pays a mis en place un certain nombre de mesures : Interdiction des regroupements de plus de 50 personnes, plus d’école, de culte religieuse, de funérailles, de mariage…, et la mise en quarantaine les personnes venant d’un pays de plus de 50 cas de Covid-19. La population a l’air d’adhérer et je salue ces mesures.
En qualité d’expert, je recommande qu’on évite les erreurs faites par d’autres pays. Etant donné qu’on connait la source de l’épidémie, il faut supprimer cette source. Ce qui veut dire qu’il faut arrêter les vols provenant de ces pays (l’Europe par exemple). Ça parait radical, mais c’est la solution pour éviter l’épidémie. Ensuite pour les 9 cas, il faut bien identifier les personnes contacts et les mettre en quarantaine pendant le temps d’incubation (14 jours). Je profite pour recommander d’éviter le dépistage des personnes placées en quarantaine en absence de symptômes, car un résultat négatif ne peut être d’une bonne interprétation. Cela peut par ailleurs compromettre le suivie épidémiologique. Car si cette personne est négative, elle aura du mal à respecter les consignes de sa mise en quarantaine pour le reste de temps d’incubation. Le mieux est de tester les contacts qui présentent des symptômes.
Si cela est appliqué, on empêche l’épidémie de s’installer.
Par contre, si l’Etat continue dans sa perspective mise en place, je recommande :
La décentralisation des soins, c’est-à-dire bien équiper les hôpitaux à l’intérieur du pays en priorisant le personnel soignant pour le port de masque. Si le personnel soignant n’est pas protégé il ne pourra pas faire les soins.
De filtrer la prise en charge en priorisant les personnes qui ont des facteurs de risques, et les formes graves pour éviter de faire tomber le système sanitaire.
Mettre en place des relais locaux pour sensibiliser la population surtout la jeunesse. Il faut vraiment éviter le stade d’épidémie en Afrique.
Avez-vous des contacts avec vos confrères sur le continent dans le cadre de la gestion de ce fléau ?
Malheureusement non, mes amis sont tous des cliniciens
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