Retour compliqué pour les Français encore à l’étranger

Lundi 16 mars, le Président de la République, Emmanuel Macron, avait assuré que les Français de l’étranger qui souhaitaient rentrer pourraient le faire. Mais entre le vœu et la réalité, les choses ne sont pas aussi simples, alors que les frontières se ferment de plus en plus dans le monde.

La situation n’est pas simple. Le jeune Eliot, actuellement en Thaïlande, ne sait pas pour le moment comment il va pouvoir rejoindre Paris depuis Bangkok. « Si mon billet est annulé au dernier moment et que je suis bloqué à Bangkok, je ne sais pas comment je vais faire. Combien de temps je vais devoir rester ici ? », interroge-il. Un autre raconte que son billet s’arrête à Oman dans la péninsule arabique et qu’ensuite il doit débourser 2 500 euros pour rallier Paris. « Je n’en ai pas les moyens », lâche-t-il dépité.

« J’ai peur de voyager et d’attraper le virus »

Eugénie, qui travaille actuellement à New York aux Etats-Unis, préfère quant à elle rester sur place. Même si l’ambassade française lui a signalé qu’elle pouvait rentrer. « J’ai peur de voyager et d’attraper le virus. Que ce soit à l’aéroport ou dans l’avion, car c’est très confiné comme endroit. Mais c’est vrai que j’aimerais beaucoup être avec ma famille », avoue-t-elle.

Isabelle, la cinquantaine, coincée à Porto dans le nord du Portugal, voudrait rentrer. Mais elle ne trouve pas de compagnie aérienne pour revenir sur le territoire français. Même au sein de l’Europe, les retours sont compliqués, et surtout, le prix des billets s’envole.

Dans la soirée du mardi 17 mars, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, annonçait que gouvernement français demandait aux compagnies aériennes de maintenir des vols et de « modérer » leurs prix afin de permettre le retour de Français bloqués à l’étranger.

Eviter les déplacements internationaux

« S’agissant des Français actuellement en déplacement temporaire à l’étranger en dehors de l’Europe, nous vous recommandons de prendre les mesures nécessaires pour rentrer en France », déclarait le ministre dans une vidéo. Jean-Yves Le Drian a également précisé être en « lien régulier » avec ses homologues étrangers pour « obtenir l’autorisation du maintien de liaisons aériennes et que pour ces liaisons puissent être assurées sur des vols commerciaux ».

Le ministre a par ailleurs recommandé aux Français résidant à l’étranger d’éviter « autant que possible les déplacements internationaux » dans les 30 jours à venir. Et de ne pas « chercher à revenir sur le territoire national à moins que des raisons impératives ne (les) y contraignent ». Notamment pour ceux qui jugeraient « nécessaire de rentrer en France, notamment au regard de leur condition sanitaire ». Ils sont invités à prendre contact avec les ambassades et consulats de France sur place.

La filiale à bas coût d’Air France-KLM, Transavia France, et sa filiale régionale Hop! s’apprêtent à suspendre l’intégralité de leurs vols dans les prochains jours. Transavia participe actuellement au rapatriement de Français bloqués à l’étranger alors que nombre de pays ont suspendu les liaisons aériennes vers l’Europe. Transavia a notamment effectué à ce stade 39 vols pour rapatrier plus de 7 000 personnes, essentiellement du Maroc, selon le porte-parole de la compagnie.

Les compagnies aériennes presque à l’arrêt

Le groupe franco-néerlandais Air France-KLM prévoit de réduire son activité de 70% à 90% lors des deux prochains mois au moins. Autre exemple : la compagnie chiléno-brésilienne Latam, la plus grande d’Amérique latine, a annoncé lundi 16 mars une réduction de ses opérations de 90% à l’international face à la baisse de la demande et aux restrictions imposées par les gouvernements en raison de la pandémie.

Pour ne pas se retrouver dans une situation inextricable, l’Australie a interdit ce mercredi 18 mars aux citoyens les voyages à l’étranger. « N’allez pas à l’étranger. Cette consigne est très claire », a dit le Premier ministre Scott Morrison.

RFI

« Tout le monde s’est rué au guichet d’Air France » : à Bamako, la panique des expatriés

Alors que les pays ferment leurs frontières les uns après les autres pour faire face au coronavirus, les Français installés au Mali craignent de rester coincés dans le pays.

Par Paul Lorgerie lemonde.fr

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Photo d’illustration.
Photo d’illustration. MARTIN BUREAU / AFP
« C’est la cohue à l’aéroport, les gens attendent pour avoir une place. » Quand la rumeur d’une fermeture imminente des frontières de l’Union européenne est arrivée aux oreilles des Français de Bamako, lundi 16 mars, les groupes WhatsApp se sont activés et l’envie de rentrer en France est tout à coup montée, devenant quasi irrépressible chez une partie des 8 000 expatriés. Très vite, le site Internet d’Air France a été pris d’assaut et la hotline est passée aux abonnés absents… Le repli sur l’aéroport s’est alors imposé comme la solution. « Tout le monde s’est attroupé devant le guichet d’Air France, décrit une humanitaire en poste à Bamako. Soit pour essayer d’avoir une place sur le vol, soit pour confirmer leur réservation. »

Ce vent de panique, lié à l’épidémie de Covid-19, qui a saisi la communauté française du Mali lundi matin a trouvé sa justification en fin de journée, lors de l’annonce par Emmanuel Macron de la fermeture des frontières européennes pour un mois, et s’est renforcé mardi avec la décision malienne, lors d’une session extraordinaire du Conseil supérieur de la défense nationale, de suspendre « jusqu’à nouvel ordre les vols commerciaux en provenance de pays touchés, à l’exception des vols cargo ».

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Depuis quelques jours déjà, le Mali, victime de la fermeture des liaisons aériennes par le Maroc, sentait monter l’isolement. La suspension des vols de Royal Air Maroc en provenance et à destination des villes européennes puis africaines, le 14 mars, a été un choc. Rapidement suivi d’un second, puisque le Sénégal a à son tour annoncé, trois jours plus tard, couper les ponts aériens avec la France. Puis l’Algérie est entrée dans la danse, avec comme deadline le 19 mars. Une décision qui entraîne l’annulation de la ligne Bamako-Alger, d’où les voyageurs pouvaient ensuite prendre une correspondance maritime ou aérienne pour la France.

Des vols réduits à compter du 23 mars

Mardi, au lendemain de l’annonce du président français, une cinquantaine de personnes, renforcées dans leur conviction qu’il fallait rentrer, se sont massées sous un abri en taule face à l’agence d’Air France de Bamako. Aux voyageurs venus essayer d’échanger leur billet pour partir plus tôt sont venus s’ajouter ceux qui voulaient seulement s’assurer que leur avion décollerait bien. Si l’humanitaire de 27 ans interrogée par Le Monde Afrique convient avoir eu de la chance en obtenant l’avant-dernier siège du vol, beaucoup de Français ou de Maliens avec titre de séjour en cours de validité sont, eux, restés sur le carreau.

Devant la porte de l’agence, un agent de sécurité appelait un à un les heureux élus. Ils étaient 800 inscrits sur la liste à 14 h 30 et Mohamed Lamine Ouled-Alla, un Français d’une trentaine d’années travaillant dans l’import-export de fruits et devant passer en 719e position, a perdu patience au 400e nom. Le Niçois, arrivé par la route depuis le Maroc en passant par la Mauritanie, avait dans un premier temps tenté de réserver par Internet, avant de renoncer face à un service saturé. Au départ, il devait repartir vers le Maroc, mais la fermeture des frontières du royaume chérifien l’a surpris. Finalement, il prendra la route vers Dakar et patientera là-bas.

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En dépit d’une ambiance un peu lourde, un agent du service immigration de l’ambassade de France, présent pour informer les voyageurs, se voulait rassurant : le vol nocturne partirait bien. Une bonne nouvelle tempérée par le fait que l’avion affichait déjà complet. Et l’annonce de la direction d’Air France à Bamako que « les vols sont a priori maintenus jusqu’au 20 mars » et que la suite « dépendra de la programmation des longs courriers et des décisions des deux pays » n’a pas rassuré les moins chanceux. Dans un courriel envoyé à ses clients, la compagnie a informé que ses vols seront réduits à compter du 23 mars.

Une « cellule spéciale » au consulat

Selon une diplomate française en poste à Bamako, « on n’observe pour le moment aucun mouvement de panique dans la communauté française et on n’a pas le même problème qu’au Maroc, avec des touristes qui ne veulent pas rester bloqués ». Une « cellule spéciale » a tout de même été mise en place par le consulat de France. « Nous faisons avec la situation actuelle et si elle se dégrade, nous suivrons les instructions », poursuit la diplomate.

Pour l’heure, le Mali n’est pas touché par le coronavirus. Dans un entretien avec la radio onusienne Mikado, le représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Jean-Pierre Baptiste, a rappelé que sur la trentaine de cas suspects, tous ont été testés négatifs.

Paul Lorgerie(Bamako, correspondance)

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