À compter du lundi 9 mars 2020, la Côte d’Ivoire négocie un virage de son processus politique. Devant le Parlement réuni en congrès à Yamoussoukro (photo), Alassane Ouattara a renoncé, le 5 mars 2020, à briguer un troisième mandat, mais c’est un cadeau empoisonné.
Le chef de l’État a décidé de miner le terrain en proposant dans la foulée, aux sénateurs et députés, une révision de la loi n°2016-886 du 8 novembre 2016 portant constitution.
25 articles et le chapitre IV du titre IX sont concernés par ce chamboulement constitutionnel.
D’une part, Alassane Ouattara tacle l’opposition. Ayant réalisé qu’avec le ticket présidentiel, cette dernière aurait pu réaliser une unité dangereuse pour sa formation politique, il y renonce. Le vice-président n’est plus élu en même temps que le président mais nommé par le Parlement à l’issue de la présidentielle.
Et dans ce système bâtard, le vice-président n’assure plus « de plein droit » la vacance du pouvoir. Or, dans la confusion, c’est cette personnalité illégitime qui, en cas de démission, empêchement absolu ou décès du chef de l’État, achève le mandat présidentiel.
D’autre part, le chef de l’État prépare à un report de la présidentielle du 31 octobre 2020. D’un, Ouattata n’a pas fait deux quinquennats, mais un quadrennat et un quinquennat, donc neuf ans.
De deux, les opérations électorales sont paralysées par des obstacles.
Ainsi, l’enrôlement pour les CNI est au ralenti pour deux raisons. La première est la question de la gratuité de la carte. En 2009, le régime de Laurent Gbagbo a distribué gratuitement les cartes nationales d’identité aux demandeurs. Cette année, le pouvoir Ouattara, qui opte pour le paiement, et l’opposition s’affrontent sur le financement de l’opération par la Banque mondiale et donc de la gratuité de la carte. Et tout le monde attend que le débat entre Maurice Kacou Guikahué, secrétaire exécutif en chef du PDCI-RDA, et Adama Bictogo, directeur exécutif du RHDP, ne passe pas du report à l’annulation.
De plus, contre onze mille sites pour six millions d’inscrits en 2009, le pouvoir Ouattara n’a retenu que 118 lieux d’enrôlement pour 11 millions de personnes concernées. Les deux à quatre mille kits mobiles annoncés ne peuvent être une solution efficace pour rattraper le grand retard.
Sans compter que les listes électorales attendent d’être élaborées, la commission électorale, non encore définitivement constituée, continue de subir des modifications avec l’ordonnance n°2020-306 du 4 mars 2020, etc.
C’est pourquoi l’alinéa 3 de l’article 90 nouveau cache l’agenda secret.
Il est ainsi libellé: « Dans l’impossibilité d’organiser les élections des députés et des sénateurs avant l’expiration des pouvoirs de chaque Chambre, le Parlement demeure en fonction jusqu’à l’organisation desdites élections ».
C’est une astuce pour emporter l’adhésion de tous les parlementaires afin qu’ils adoptent, comme lettre à la poste, les révisions constitutionnelles.
F. M. Bally
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