Côte-d’Ivoire: «Je dis oohh, pourquoi vous aimez la mort et funérailles comme ça ? » (Préfet d’Abidjan)

Lu pour vous

En tant que Préfet d’Abidjan, il m’arrive très souvent de me promener à pieds ou en voiture, casquettes et jeans, le jour ou la nuit dans les quartiers soit pour me rendre compte de visu de certaines réalités, soit pour vérifier des informations relayées par des citoyens sur ma page Facebook et qui sont de ma compétence administrative (insécurité à Marcory Aliodan, dragages et remblais illicites, circulation difficile dans certaines zones de Yopougon, gares anarchiques à Abobo, nuisances à Cocody, etc).

En tant que gouvernant, il est bon de se mettre dans la peau du citoyen Y et de subir dans la rue les tracas, harcèlements et aventures qui sont son quotidien, pour mieux comprendre ses colères, ses frustrations ou dans le meilleur des cas, sa joie, afin de prendre des décisions justes et légitimes. C’est un nécessaire exercice qui nous réconcilie avec nous et avec ceux que nous sommes censés protéger.

Dans mes balades le week-end dernier, mon attention a été attirée par de nombreuses funérailles dans beaucoup de zones d’Abidjan, comme tous les week-ends d’ailleurs.

Ce week-end particulièrement, je n’ai pas pu m’empêcher de me remémorer une réflexion que j’ai faite il y a 4 ans, à l’occasion du décès d’un proche : pourquoi les Abidjanais aiment funérailles comme ça ?

Le monde, la qualité des bâches et des chaises, la sophistication de l’animation, le type de public, etc. Tout est soigné.

Je suis souvent invité à des manifestations de quartier. Rien à voir avec la qualité de l’organisation des funérailles.

Pourquoi adorons nous célébrer tant la mort et non la vie ?

La plupart des personnes présentes à ces funérailles ne connaissent pas le défunt, ne l’ont jamais vu ni entendu parler de lui. Si ça se trouve, le défunt lui même a croupi dans la misère, sans aucun soutien moral ni matériel. Et son dernier souffle de vie parti, le voilà assailli d’un amour particulier avec dépenses de sommes folles dont il aurait tant eu besoin de son vivant.

Et les cortèges de voitures déferleront sur son village sans routes. Les amis braveront les ronces pour arriver dans son village.

Entre nous, avez-vous déjà appelé un ami, ou un collègue au téléphone qui vous a répondu : « Je suis venu saluer le père de mon ami dans le village de … » ou alors « On est venus se détendre un peu avec notre ami dans son village »

Non. Nous ne ferons jamais cela du vivant de nos amis. Mais nous ferons de longs voyages, rien que pour des funérailles.

Un peuple qui célèbre trop la mort risque d’être un peuple résigné, qui n’a foi en rien et qui ne croit pas en la capacité de transformation de notre vie en espace de bonheur permanent.

Le culte excessif de la mort mine nos sociétés.

Aimons-nous plutôt que de célébrer la mort de façon festive .

Il y a tant à vivre sur cette terre, tant de passions à dévorer, tant d’amour à partager, de points communs à louer; il y a tant de bonnes idées à produire. Toute cette nature verdoyante et luxuriante n’attend que nos regards vivants. Tous nos amis, nos voisins, nos collègues et nos parents seraient si heureux que nous leur rendions une visite surprise à domicile et non pas de venir nous assoir sous des bâches nocturnes pour couler des larmes douteuses.

Se développer, c’est aussi apprendre à apprécier la vie pour l’améliorer par nos actions individuelles, communautaires, administratives, publiques ou privées.

Ceux qui aiment la vie, respectent les consignes de sécurité, de prudence, les règles d’hygiène, les normes environnementales, les Lois, tournent le dos à la drogue, l’incivisme, la violence et la gloutonnerie.

Si les citoyens aiment la vie plutôt que la mort , l’administration de la cité devient facile.

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VINCENT TOH BI IRIÉ,

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