Côte d’Ivoire: Église et Gouvernants, soyons objectifs hier comme aujourd’hui

Depuis la déclaration des évêques de Côte d’Ivoire le 19 janvier 2020, beaucoup de réactions surgissent de partout, certains pour soutenir l’Église, d’autres pour contredire l’objectivité des prélats mais surtout pour les ramener à la sacristie. Parmi ceux-ci, beaucoup de partisans du pouvoir en place mais surtout les médias proches du pouvoir utilisent des arguments pour soutenir la thèse de la déroute des évêques et de leur manque de sincérité, de logique et d’objectivité. Ces différentes réactions sont à applaudir puisque nous sommes dans un monde dans lequel la parole est libérée. Cependant pour la paix et la cohésion sociale, mais surtout pour ne pas donner la mauvaise information, il est important d’utiliser des éléments crédibles et intellectuellement corrects pour détruire la thèse de l’autre. C’est la méthode scientifiquement conseillée dans une dissertation cartésienne. Voilà pourquoi j’utiliserai la logique de l’autre pour le ramener dans une position objective parce que ce qui est en jeu c’est la paix de notre pays.

Dans un premier temps, j’aimerais juste rappeler aux chantres de la laïcité que la laïcité n’est pas l’absence du religieux dans le domaine public, mais c’est le respect mutuel et la liberté entre les institutions étatiques et le religieux. La laïcité ne signifie pas le confinement du religieux dans la sphère privée. Le religieux a un avis à donner sur les questions publiques puisqu’il fait partie lui aussi de l’espace public. Les évêques jusque-là, ne remettent pas en cause la Constitution de la Côte d’Ivoire au sujet de la laïcité. Ils donnent un avis, ils jouent leur rôle premier qu’est l’enseignement. Par contre il existe une autre forme de la laïcité appelée laïcité organisée qui consiste à exclure de manière radicale le religieux dans la société. C’est la laïcité qui bouffe le curé, la laïcité qui utilise le religieux selon ses humeurs. Je pense que c’est cette laïcité que des partisans du parti au pouvoir veulent brandir aujourd’hui. Que les médias et tout homme de bonne volonté proche du pouvoir retiennent ce qui suit.

En 2002, c’est un évêque, Mgr Ahouna Siméon qui, regardant le président Gueï droit dans les yeux a osé dire face à la junte au pouvoir que le pouvoir était mal parti. L’opposition d’hier qui était composée de membres influents du parti au pouvoir d’aujourd’hui, a applaudi l’Église. Vous avez fait l’éloge de l’Église et de son audace.

En janvier 2011, lorsque Mgr Jean Salomon Lézoutchê (Lezoutié, photo), mon évêque, a donné son avis lors de la crise de la proclamation des résultats, l’opposition d’hier, c’est à dire le pouvoir d’aujourd’hui a chanté les louanges d’un évêque courageux, capable de proclamer la vérité. Le parti au pouvoir d’hier et ses partisans ont traité le prélat de Yopougon de vendu surtout qu’il vient de la même région que la Chancelière de la République.

Ensuite dans un de ses titres, le journal Patriote proche du parti au pouvoir actuel était heureux de diffuser une lettre anonyme dans laquelle cinq cents prêtres exigeaient la démission du président Ggagbo du pouvoir.

A partir de ses trois petits récits, sans citer plusieurs homélies et des discours d’évêques que l’opposition aimait, je peux déduire qu’aujourd’hui, les jugements que portent beaucoup de partisans et médias proches du pouvoir en place ne sont pas intellectuellement objectifs. Ce n’est pas parce qu’on soutient le pouvoir ou l’opposition qu’il faut oublier l’objectivité au nom de la paix.

Je suis bien à l’aise quand je porte un regard sur les interventions des évêques de Côte d’Ivoire prises ensemble et aussi de manière isolée. En effet, lorsque je scrute de manière objective les différentes déclarations, je pense que les évêques de Côte d’Ivoire jouent bien leur rôle de prophète, de successeurs des apôtres dans la charge de l’annonce de la Bonne Nouvelle.

L’observation majeure que je fais est que ce ne sont pas toujours les mêmes qui les applaudissent. Il fut des moments où on les traitait de corrompus et proches du pouvoir PDCI, il fut des époques où ils étaient considérés comme des achetés du RDR, il fut aussi des périodes où ils ont été taxés de suiveurs de Soro Guillaume et thuriféraires de Gbagbo.

Un des critères de discernement du bon prophète c’est sa capacité d’accepter d’être traité aujourd’hui d’ennemi et demain comme ami. L’autre observation c’est que les évêques sont des amis quand leur vérité nous arrange et ennemis quand leur message nous dérange.

Du coup, on peut dire que les évêques de Côte d’Ivoire n’ont ni ami, ni ennemi, ils ne sont que des Pères qui invitent à la recherche de la paix.

Il suffit souvent d’oublier nos intérêts personnels, nos comptes bancaires, nos rangs, nos postes, nos honneurs pour les écouter en vue de protéger notre Bien Commun qu’est la Côte d’Ivoire.

La question de l’objectivité ne se situe pas au niveau des évêques mais plutôt chez ceux qui ne veulent rien lâcher au nom de leurs intérêts.

Les évêques de Côte d’Ivoire n’ont jamais appelé à une croisade et à une inquisition, ils ne sont que des anges de paix.

P. Marius Hervé Djadji
Prêtre du diocèse de Yopougon
Professeur de théologie dogmatique
Contact: lajoiedeprier.nguessan@yahoo.fr

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